Assemblée Générale des Réseaux du Parvis : des Témoignages :

Samedi 1er Décembre 2012

ASSEMBLEE GENERALE DES PARVIS

Des familles ROMS à Saint Etienne

Ils étaient lointains – perdus dans de pauvres villages de ROUMANIE ou dans des bidonvilles et dans les années 2005 – 2006 ils sont devenus nos voisins, ils sont devenus notre prochain. Comme tous les autres Européens, ils avaient acquis le droit de circuler librement dans toute l’Europe, mais en France ils étaient considérés comme des touristes ne pouvant séjourner plus de 3 mois. Beaucoup ont été reconduits dans leur pays d’origine… Ils sont revenus poussés par la misère, ils sont toujours là… 3 ou 400 à St Etienne et à St Chamond…

Comme 180 d’entre eux étaient devenus nos voisins de quartier en squattant deux écoles désaffectées, nous sommes allés les voir avec les militants de l’Association solidarité Roms. Il y avait là des familles entières avec grands-parents, parents, ados, garçons et filles, bébés et jeunes femmes enceintes. A force d’ingéniosité, de débrouillardise, ils ont réussi à se constituer de petits lieux de vie à l’intérieur des classes de l’école, serrés les uns contre les autres. La Mairie de droite de l’époque les tolère et leur laisse accès à l’électricité et à l’eau. Elle fait installer une grande benne à ordures dans la cour. Installation absolument nécessaire pour les Roms capables de ramasser une quantité incroyable d’objets divers et d’en jeter la moitié qui ne peuvent servir à rien.

Le travail des militants engagés dans l’Association solidarité Roms a été d’abord un travaild’accompagnement social. Travail accompli notamment par des femmes – je le souligne aujourd’hui devant cette assemblée préoccupée de la place des femmes dans nos sociétés – Des femmes qui ont assuré l’organisation de la scolarisation des enfants – visite médicales – inscriptions – suivi dans les écoles – jeux pour enfants le mercredi… Elles ont assuré aussi le suivi médical des enfants, des bébés et des adultes en facilitant les visites à l’hopital, la venue d’un camion-radio  sur place pour le dépistage de la tuberculose, etc…

Un soir, nous avons fait avec eux une veillée à l’église toute proche pour que les « paroissiens » fassent un peu mieux connaissance avec l’histoire de ce peuple qui est en transhumance depuis des siècles… Peuple souvent méprisé et maltraité et même persécuté à l’égal des Juifs par les Nazis dans les années noires.

Avec eux  – au Jour de l’an 2007, nous avons organisé une merveilleux réveillon dans leur squat au son de l’accordéon et autour d’un plat bien de chez eux. Il fallait voir un de nos prêtres de 70 ans danser avec une grand-mère Rom.

Et puis au début de l’été 2008, la Préfecture a offert un retour en Roumanie à plusieurs familles et elle a fait évacuer les autres qui se sont réfugiées sur un terrain municipal vacant pour y construire des cabanes…et leur errance a continué jusqu’à aujourd’hui…

Présence chrétienne. Dans l’Association Solidarité Roms  plusieurs militants sont chrétiens, d’autres loin ou très loin de toute conviction de type religieux. Mais comme dit Martin Hirch – lui-même fils d’un père juif et d’une mère protestante – « je ne veux m’enfermer dans aucune religion – et j’ai aimé qu’à EMMAÜS il y ait des mécréants et des vrais croyants accomplissant les mêmes gestes, vivant la même solidarité. La frontière n’est pas entre croyants et incroyants mais entre d’une part : ceux qui se posent des questions et s’interrogent sur le sens de leur vie et d’autre part : ceux qui ne cherchent plus rien et qui pensent que tout le monde doit être sur le même modèle » (fin de citation) .

A St Etienne des chrétiens ont donc bougé. L’Evêque auprès des différents préfets. Des prêtres – des militants d’ACO – du CCFD et d’autres se réunissent régulièrement ; le diocèse a offert un local pour l’Assocation solidarité Roms… Nous avons passé dans une église le film LE BATEAU EN CARTON qui raconte l’histoire des Roms… et nous avons organisé des rencontres – des conférences pour une meilleure approche de ce peuple… L’important étant de faire tomber les préjugés et les jugements racistes qui sont encore monnaie courante ici comme ailleurs. Protestants et catholiques ensemble nous avons aidé des familles Roms chrétiennes à constituer un groupe de prière et à trouver un lieu pour prier deux jours par semaine.

Notre travail a donc été aussi un travail de conscientisation de nos concitoyens et d’interpellation constante du pouvoir politique. Depuis 6 ans, il est impossible de compter le nombre de lettres à la Préfecture, à la Municipalité, au Conseil général, au gouvernement français, à nos députés et sénateurs pour que soit pris en compte la situation des familles Roms qui sont chez nous. Nous avons interpellé de la même manière les élus de droite et de gauche… – En août 2010, Sarkozy avait frappé très fort dans son fameux discours de Grenoble et les Roms avaient été impitoyablement chassés de leurs squats et des terrains occupés illégalement à St Etienne et ailleurs.  Nous avons dénoncé fortement ces mesures inhumaines. En 2012 certaines promesses de François Hollande nous avait donné quelque espoir, mais elles n’ont pas été suivies d’effet.  Aujourd’hui donc la lutte politique  doit  continuer notamment pour que soient abolies les  mesures transitoires propres à la France qui interdisent pratiquement aux Roms de s’insérer dans le monde du travail. De petits progrès ont été faits, mais on est encore loin du compte. Il n’est pas interdit d’espérer.

Nous avons bien conscience que le problème est complexe et qu’on ne s’en tire pas avec des YAQUA. Mais nous prenons la défense des familles Roms parce que sont des personnes humaines dont les droits fondamentaux sont bafoués Et pour nous disciples de Jésus – l’évangile nous indique avec clarté et force que l’accueil de l’étranger n’est pas une simple option que l’on pourrait accepter ou refuser.

Si nous voulons continuer de vivre d’Evangile, il nous faut d’abord ouvrir les yeux.

Jésus a reproché au riche de n’avoir pas VU Lazare qui mendiait à sa porte. Jésus a félicité le Samaritain qui s’est arrêté en chemin pour VOIR le blessé couché dans le fossé. D’autres étaient passé SANS VOIR .

Les familles ROMS – et les autres personnes à la rue – allez donc les voir – allez leur parler –  considérons-les comme des frères et sœurs en humanité. Je terminerai s’il vous plaît par un petit brin de chanson que chantait Anne Van Der love je crois il y a 40 ans déjà…

« Si vous voulez parler de ces pays lointains

Où l’on meurt de misère et de faim

Des enfants du Biafra et des petits Indiens

A 2 pas de chez moi – allez voir mes voisins.

A 2 pas de CHEZ TOI – VA DONC VOIR TES VOISINS. »

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Les jeunes, au-delà de Vatican II, aujourd’hui         Anthony Favier

Je tiens, tout d’abord, à ne pas parler ici « des » ou « au nom des » jeunes mais seulement apporter un témoignage et quelques réflexions fondées sur mon expérience personnelle dans une association du Parvis. La « jeunesse », comme bien d’autres identités sociales, a une part de fiction. Il s’agit d’un passage plus que d’un état dont on serait bien peine d’établir quand elle commence et finit. De surcroît, s’intéresser aux « jeunes », sans égard à d’autres éléments que sont les appartenances sociales, économiques, religieuses et culturelles n’aurait pas vraiment de pertinence.

Les personnes de mon âge avec qui je vis ne me semblent d’ailleurs pas se distinguer de nos contemporains en général. Ils se débattent entre les joies et les peines. Ils oscilleraient peut-être davantage, toutefois, entre une posture confiante et optimiste, car l’horizon des possibles est encore vaste devant eux, et, en même temps, une certaine défiance face à une société qui, malgré leurs diplômes, leur formation, leur bonne volonté, ne leur donne pas vraiment leur place, à travers des emplois fixes et suffisamment rémunérés notamment.

Ce que dit Vatican II sur la jeunesse ne les concerne sûrement pas forcément. Je ne sais d’ailleurs pas trop quelle mémoire mes camarades d’âge ont de cet événement. Je me suis amusé en préparant ce témoignage à reprendre dans les actes du Concile ce qui renvoyait explicitement à la jeunesse. J’y ai trouvé beaucoup de mises en garde en fait. Quelques extraits : « la transformation des mentalités et des structures conduit souvent à une remise en question des valeurs reçues, tout particulièrement chez les jeunes : fréquemment, ils ne supportent plus leur état ; bien plus, l’inquiétude en fait des révoltés » (Gaudium et Spes, 7) ou encore « alors que grandit de jour en jour leur importance sociale et même politique, [les jeunes] apparaissent assez peu préparés à porter convenablement le poids de ces charges nouvelles […] ils prennent leurs propres responsabilités et désirent être parties prenantes dans la vie sociale et culturelle ; si cet élan est pénétré de l’esprit du Christ, animé par le sens de l’obéissance et l’amour envers l’Église, on peut en espérer des fruits très riches » (Décret sur l’Apostolat des laïcs, 12)… Comme si l’institution catholique sentait bien au milieu des années soixante qu’un conflit de génération était en train de se nouer en Occident. Il éclaterait sur les campus américains au milieu de la décennie, chez nous au printemps 68 et jamais plus l’exercice de l’autorité, l’imposition de la norme, le fonctionnement de la hiérarchie ne seraient comme avant.

Je ne pense d’ailleurs pas à titre personnel qu’il faille nécessairement chercher dans ses pages du Concile concernant la jeunesse un message facilement mobilisable pour notre temps. De manière générale, Vatican II peut être autant pris comme un départ, qu’il faut célébrer et rappeler assurément, mais pas un nouveau catéchisme qui aurait réponse à tout. Il est situé dans une histoire et une époque qui avaient ses enjeux propres mais qui diffèrent peut-être des nôtres. Le Concile est, de surcroît, le fruit d’un compromis institutionnel  entre une majorité d’évêques, qui voulaient aller de l’avant, et d’une minorité puissante de cardinaux de Curie, qui ne voulaient pas vraiment changer les choses. Cette situation permet aujourd’hui à ceux qui refusent de voir la séparation que le Concile a induit de promouvoir, malheureusement au nom des textes qu’il a produit, une « continuité » qui est peut-être même un aménagement ou une restauration du catholicisme tridentin.

S’il faut parler de la jeunesse du point de vue de Vatican II, je préfère nettement me fier aux premières lignes de la constitution pastorale sur l’Église dans notre temps Gaudium et Spes « les joies et les espoirs, les tristesses et les angoisses des hommes de ce temps, des pauvres surtout et de tous ceux qui souffrent, sont aussi les joies et les espoirs, les tristesses et les angoisses des disciples du Christ, et il n’est rien de vraiment humain qui ne trouve écho dans leur coeur…» (GS, avant-propos). Peut-être un peu lyriques, j’avoue que ces lignes me parlent beaucoup. Pourquoi ? car elles posent le principe d’une communauté de croyants et de croyantes solidaires des enjeux sociaux de leurs temps. Des chrétiens capables par eux-mêmes, à la lumière de l’Évangile, de discerner, au ras du social et là où ils se trouvent, ce qui s’accomplit de juste. Capables de voir un Dieu d’amour présent, quand bien même cela dépasserait l’action des Églises instituées et les groupes confessionnels. Ce texte trace, me semble-t-il, un cap encore valide : sans certitude trop forte ni posture dogmatique, chercher à se rendre humain parmi les autres humains, qu’ils soient croyants ou non, chrétien ou d’une autre religion, pour travailler à une plus grande unité du genre humain et une plus grande justice.

Sur cette voie, s’inscrire en tant que chrétien dans la jeunesse de notre époque est possible, même si, je ne vous le cacherai pas cela n’est pas toujours simple ou évident. Pour des jeunes chrétiens, il est tentant de céder à la posture identitaire, sous son versant victimaire — en déplorant sans cesse la fin d’un monde chrétien bien souvent fantasmé — ou sous son versant intransigeant — en se faisant un point d’honneur à ne rien céder d’une tradition qu’on ramènerait à l’intégralité de la foi. Croire en Jésus, tel qu’on peut l’approcher dans les Évangiles que nous avons reçus, cela reste, à mes yeux, une démarche critique. Elle nous appelle à ne pas sacraliser plus que tout le pouvoir religieux de son temps, sans le refuser, mais lui accorder une juste place et chercher le compagnonnage de ses frères et de ses soeurs, de surcroît s’ils et elles sont en difficulté.

Je partirai maintenant de mon expérience de membre mais aussi d’un des responsables de l’association David et Jonathan à Lyon. Je reviens du weekend que l’association organisait à destination des jeunes de 18 à 30 ans dans la banlieue parisienne. Ce temps est souvent fort pour la trentaine de personnes qui le vivent. Venues de toute la France, parfois sans le dire à leur famille ou amis, elles se rencontrent pour échanger sur leur situation. Il s’agit toujours un peu des mêmes témoignages qui ressortent des échanges. La difficulté de se saisir comme porteurs d’un désir minoritaire qui, quand bien même ne définit pas l’entièreté d’une vie, lui donne un visage si particulier. Faire l’épreuve de l’insulte, du rejet, sous une forme violente et explicite, ou, plus insidieusement peut-être, sous une forme paternaliste avec la pitié, ou bien encore sous une forme déshumanisante avec le silence, c’est encore malheureusement fréquent. Confondre dans son malaise ce qui relève de soi et ce qui relève de la haine venant de l’autre que l’on intériorise, se rendre coupable au-delà de ses propres responsabilités, c’est encore le sort de bien des jeunes homosexuels.

Dans ce processus, et même si l’image de l’homosexualité dans la société évolue et peut parfois être même reconnue positivement, restent les discours religieux. Malgré les années qui passent, ils semblent très rarement être des ressources possibles pour bien vivre ce qui est finalement assez courant et ne mérite pas un traitement honteux ni compassionnel. Dans cette situation, être en relation à Jésus-Christ, aux Évangiles, trouve souvent un écran : « l’institution » et il devient souvent tentant de tout rejeter. Le message originel et ses déclinaisons historiques et sociales diverses. Lorsque les responsables du weekend ont demandé ce qui avait été vécu comme temps fort parmi les jeunes présents, j’ai été surpris de voir que beaucoup répondaient le temps de prière. La possibilité de célébrer ensemble, à visage découvert, l’expression de leur foi reflétait sûrement le désir d’avoir retrouvé une communauté. Même si on n’est pas croyant, il n’est pas facile de se sentir rejeté de l’Église de laquelle on peut avoir été élevé ou qu’on a connu jeune.

L’autre pratique essentielle de David et Jonathan est celle du groupe de parole. Chaque nouveau dans les activités de l’association est mis au courant: il importe de se garder de faire des généralités et la consigne est de « parler au je »… En responsabilité à Lyon, j’anime avec un camarade un groupe similaire pour les jeunes. Peut-être que sous l’influence de notre époque on accorde beaucoup d’importance à l’individu et à son bien-être. Après tout, tant mieux, après des décennies où on accordait peu crédit à la psychologie et la parole individuelle. Mais, comment articuler, pour autant, l’expérience individuelle, la mise en mot de sa souffrance, à l’ouverture aux autres ? En permanence, le risque menace de partir de soi sans parvenir à s’intéresser aux autres.

Je reste en effet convaincu que l’expérience de foi reste là quand on parvient, même dans ses limites, de voir l’autre et d’agir pour l’autre. Je ne peux pas accéder au Christ des Évangiles sans m’ouvrir à ce que vivent les autres. À vrai dire, une des expériences les plus marquantes qu’il m’arrive de vivre en tant que responsable associatif à David et Jonathan c’est de voir passer un jeune du mal être, à l’acceptation de soi et à l’action pour les autres. Évidemment, ce n’est pas tout le monde qui arrive à cette articulation. Certains ont la foi, d’autres le sens de l’action pour les autres, certains ni vraiment l’un ni vraiment l’autre, mais après tout je ne suis pas là pour les juger. Je reste simplement convaincu qu’il n’y a pas de plus beau témoignage de l’actualité du message du Christ qu’une foi qui parvienne à agir pour autrui.

S’il y a une expérience des jeunes au Parvis, elle ne doit pas d’ailleurs différer de celle de leurs aînés. Elle est en accord avec celle qui s’exprime dans le réseau : l’attention aux plus petits, aux déshérités, à ceux qui sont du mauvais côté de la barrière ou au bord du chemin (1). L’action pour la justice au nom du commandement d’amour contenu dans les Évangiles ne nous empêche pas non plus  de pointer les éventuelles faiblesses de nos groupes religieux d’origine quand leurs rites, leurs langages, leurs pratiques éconduisent la domination et les abus de pouvoirs. Mais le chemin reste étroit pour se maintenir entre l’humanisme, qui, par définition, ne connaît pas de frontières religieuses, et l’affirmation de la dimension particulière du christianisme. Comment le faire sans imposer, inclure et non exclure ?

Plus que jamais il me semble important de développer deux dimensions pour prolonger cette vie chrétienne peut-être à la marge des institutions religieuses mais au cœur de ce monde. La première c’est la formation. Nous avons besoin d’un lieu pour articuler l’expérience de chacun à celle des autres, aux générations qui nous ont précédés  également, car non, nous ne partons pas à chaque fois de rien. Où vit-on cette transmission dans les réseaux ? Le bulletin, les assemblées générales, assurément, mais il importe encore plus de développer, et c’est la deuxième dimension que j’aimerais rappeler ici, ce qui est aussi capitale aujourd’hui : l’information. Quelle place sur les réseaux sociaux, sur l’Internet en général, de la vie et de la réflexion des Parvis ? Assurément, le temps est aussi là venu !

(1) voir notamment : ENTREMONT, Cécile (juin 2011) « Un monde nouveau : l’Évangile », éditorial du numéro de la revue des Réseaux du Parvis consacré à ce thème.

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Réflexion théologique

Être chrétien dans le monde

Questions qui se posent, et celles qui ne se posent plus.

Annie Grazon

Dans les statuts de « Nous sommes aussi l’Eglise », il est dit que l’association a pour but de rejoindre les combats citoyens en faveur de tous les droits humains sans distinction d’origine et de culture, en liaison avec les réseaux nationaux, européens, et internationaux.

Cela se traduit concrètement par notre engagement en tant qu’association, pour des causes telles  que l’appel à l’audit pour la dette publique, ou l’appel à la rencontre avec le frère venu d’ailleurs,      et en tant que groupes ou individuels dans des actions de terrain comme les cercles de silence , toutes les actions de soutien à ceux qui sont exclus pour une raison ou une autre, tout ce qui est engagement pour la dignité humaine.

L’engagement de vie est premier, et la réflexion théologique est seconde lit-on dans le hors série de Parvis sur la théologie de la libération, hors-série à l’initiative de NSAE.

Pourtant, il ne s’agit pas seulement de travailler à changer les structures socio-politiques et économiques qui asservissent l’homme,  il faut aussi nous libérer nous même de tout ce qui nous empêche de vivre pleinement humain, à la suite de Jésus.

Il s’agit de marcher sur  notre propre chemin d’humanité, de vivre notre foi d’une manière libre et responsable, dans la modernité présente pour pouvoir  vivre avec justesse la relation avec autrui, personnelle et collective, fondée sur le commandement de l’amour.

En ce sens, la recherche de l’intériorité pour chacun de nous n’est pas facultative

Les deux combats sont à mener en même temps, ils se nourrissent mutuellement.

C’est d’ailleurs  depuis des années notre fil conducteur à NSAE.

Les thèmes de nos dernières assemblées générales sont significatifs:

Comment l’engagement pour la justice et la lecture de l’évangile se fécondent-ils mutuellement ?

(2010)

Comment l’évangile donne-t-il  sens à nos combats de libération ?  (2011)

et cette année :A quelles expériences le mot Dieu renvoie-t-il pour un disciple de Jésus aujourd’hui ? (2012)

La commission NSAE et Évangile, que j’anime,  fait un travail de défrichage pour l’ensemble de l’association.

Après avoir mis pas mal d’énergie à dénoncer des situations inacceptables dans l’Eglise, nous cherchons plutôt aujourd’hui à revisiter notre héritage chrétien, avec des hommes ou des femmes qui cherchent à repenser la théologie pour qu’elle soit en adéquation avec notre sensibilité, nos connaissances et  notre intelligence de chrétiens du 21° siècle, et  pour qu’elle soit audible pour nos contemporains.

Plusieurs fois, nous nous sommes inspirés de textes de  théologiens ou prophètes de notre temps, spécialement  Odette Mainville, canadienne, José Maria Castillo, espagnol, Gui Lauraire, Jean-Marie Kohler ou Jacques Musset , français, ce dernier étant l’intervenant à notre AG de janvier prochain.

Il est intéressant de voir que tous avancent dans le même sens et que les mêmes intuitions se retrouvent chez les uns et les autres, même si elles sont formulées un peu différemment.

L’une d’elle, essentielle, est que nous ne pouvons connaître Dieu que par l’humanité de Jésus.

Nous ne pouvons pas sortir de notre condition humaine, fragile et limitée, pour connaître Dieu en soi, le transcendant, le tout autre.

C’est en Jésus seulement que nous pouvons l’approcher, et c’est à partir de la condition humaine qu’humblement, nous pouvons chercher celui qui nous fait vivre.

Pour nos contemporains, Dieu n’est plus une évidence.

Si nous voulons que la Bonne Nouvelle qui nous fait vivre soit crédible pour eux, nous devons revisiter notre héritage chrétien avec un regard critique, en partant, non plus de Dieu, mais de l’expérience humaine, sous toutes ses dimensions, du message et de la pratique de Jésus.

Le dieu qui nous a été présenté pendant des siècles dans l’Eglise, et qui continue à l’être, un dieu extérieur à nous, qui gouverne le monde, qu’il faut supplier pour qu’il nous soit bienveillant, ce dieu a été fabriqué par l’homme pour combler ses faiblesses et ses limites.

Les premiers hommes qui craignaient la foudre par exemple suppliaient dieu de les en protéger, aujourd’hui encore, le dieu vers lequel on s’adresse pour telle ou telle situation, celui qu’on dit tout puissant serait indifférent à tous les malheurs qui frappent l’homme et le monde ?

Cette question est objet de scandale pour beaucoup de nos contemporains qui ont quitté les certitudes proposées par l’Eglise institutionnelle.

Et en ce sens, les chercheurs actuels de Dieu qui partent du préalable que ce dieu extérieur et tout puissant n’existe pas, rejoignent les athées et cette possibilité de dialogue n’est pas inintéressante.

Mais, à  la suite de précurseurs comme Marcel Légault, ils voient  Dieu dans cette force vitale qui nous anime au plus profond de nous-même, et qui nous fait plus que nous-mêmes. Déjà Pascal disait « l’homme passe infiniment l’homme »

Dans l’évangile, Jésus appelle cette source d’humanisation, son Père et il nous invite à le prier en esprit et en vérité.

Cette façon nouvelle de concevoir Dieu change profondément la relation que nous avons avec lui,  c’est un retournement complet qui peut être déstabilisant, parce qu’il remet en cause des certitudes héritées depuis notre enfance,  mais en même temps, il est vraiment libérateur.

Cette démarche exigeante a des conséquences multiples.

La prière par exemple s’en trouve complètement modifiée.

Nous ne prions plus Dieu de bien vouloir satisfaire nos demandes, mais nous nous prions nous mêmes de faire le nécessaire pour qu’advienne plus de justice, plus de fraternité, dans le sillon tracé par Jésus de Nazareth.

C’est beaucoup plus respectueux pour nous-mêmes, mais aussi pour Dieu que nous  ne cherchons plus à mettre à notre service.

La liturgie des messes devient souvent  imbuvable, avec ses incantations répétées à un dieu tout puissant.

A ce sujet, je repense au travail fait par la commission sur l’article d’une théologienne canadienne qui remet en cause la manière de vivre la consécration.

Elle nous dit que le jeudi saint, Jésus n’a pas pu réunir ses disciples pour leur dire «  adorez-moi », mais qu’il les a réunis pour leur dire qu’ils devaient le suivre dans son don de vie pour les autres.

Le « faites ceci en mémoire de moi » s’entend comme un appel à s’engager activement à sa suite pour ceux qui sont notre prochain.

L’idée de la vocation, de dessein de Dieu sur le monde n’est plus cohérent avec la nouvelle approche de Dieu.

Dieu n’est pas le grand manipulateur qui organiserait nos vie, qui aurait un dessein qu’on aurait seulement à trouver et à accomplir.
Dieu est au plus intime des humains, à la manière d’une présence inspirante qui nous accompagne sans peser sur nos libertés, avec un infini respect.

C’est Jésus qui nous aide à le découvrir, Jésus qui aide chaque être humain rencontré à naître à lui-même et à vivre en inventant son propre chemin d’humanité.

Parmi les questions qui se posent, il y a la notion de la divinité de Jésus, et celle aussi de sa résurrection.

Jésus est-il de nature divine, ou est-il simplement un humain exceptionnel, en adéquation parfaite avec lui-même et avec celui qu’il appelle son Père et dans ce cas là, c’est aussi la notion de Trinité qui est remise en cause.

On peut en discuter en prenant nos références chez des exégètes sérieux, mais la question est posée.

De même pour la résurrection de Jésus.

Il y a quelques années, dans un numéro de Témoignage Chrétien,  Jacques Noyer disait que pour lui, la résurrection de Jésus devait être prise dans un sens symbolique, à savoir qu’après 2000 ans, il était toujours vivant et présent dans le coeur et la vie des chrétiens.

Je me souviens qu’à l’époque, dans notre groupe NSAE du Cher, cet article avait provoqué des remous importants entre ceux qui adhéraient à cette façon de voir les choses et ceux qui la refusaient.

Les théologiens auxquels nous nous référons disent qu’il n’est pas sacrilège que de soumettre à la critique l’héritage doctrinal élaboré au cours des siècles, et qu’il n’est aucune question qui ne puisse être réexaminée, pour tous ceux qui désirent vivre de l’esprit de Jésus, sans renoncer à réfléchir d’une manière exigeante, avec les données d’aujourd’hui.

L’un d’eux dit « nous ne sommes qu’au commencement de la réflexion sur la nouvelle façon d’appréhender la théologie ».

Cette recherche de théologiens de différents pays est  une vraie richesse , aussi, malgré les difficultés liées à la langue, privilégier les différents réseaux qui échangent ces avancées est capital.

Les chercheurs de sens qui prennent le risque d’être incompris, d’être stigmatisés par l’autorité hiérarchique, ont un courage certain, et ont besoin du soutien de la base pour continuer à ouvrir des chemins nouveaux.

C’était une des priorités du document d’orientation NSAE pour 2012