A la suite de la première session du synode sur la famille, nombreux sont les chrétiens et chrétiennes qui espèrent. La parole a circulé, au synode même et dans les communautés locales ; les questions essentielles ont été posées ; un ton nouveau a été entendu. Mais le document final de cette première session reste dans le cadre d’une théologie et d’une anthropologie encore bien trop éloignées des réalités du monde d’aujourd’hui.

Pour vivre et annoncer l’Evangile au 21ème siècle, peut-on ne pas tenir compte de faits reconnus de tous ainsi que de l’universalité des droits de l’Homme?

  • La famille est une notion plurielle et relative, dont une forme a été privilégiée dans la sphère occidentale depuis quelques siècles, mais dont les configurations varient selon les époques et les régions du monde.
  • L’égalité entre les femmes et les hommes, certes loin d’être acquise partout, est un principe que seules les religions (et certains pays à constitution religieuse) refusent de mettre en œuvre. Elle est pourtant un objectif fondamental pour plus de justice et de paix dans notre monde.
  • L’homosexualité est reconnue comme un fait, minoritaire certes, mais qui ne résulte ni d’une maladie

ni d’un choix pervers. L’amour entre deux hommes ou deux femmes peut être aussi beau, sincère et fécond que celui d’un homme et d’une femme. Le nombre de pays qui reconnaissent ces couples dans leurs lois civiles ne cesse d’augmenter.

  • La nécessaire attention à l’avenir de notre planète implique non une multiplication mais une régulation des naissances, donc la mise en œuvre de moyens contraceptifs efficaces donnant aux amilles la responsabilité et la maitrise de leur destin.
  • Les modes de vie actuels, liés notamment à l’important allongement de l’espérance de vie, remettent en cause la possibilité pour certains de vivre ensemble dans la durée, mais sont également porteurs de valeurs qu’il faut reconnaitre : souci d’authenticité et de vérité dans la relation de couple, capacité d’accueil de nouveaux membres pour recomposer une famille, par exemple.

Nous sommes convaincus que l’Evangile implique, non de condamner des personnes dont le parcours n’est pas « conforme », mais de reconnaitre et de célébrer tout ce qui, chez les femmes et les hommes d’aujourd’hui, est recherche et construction d’un monde d’amour et de tendresse.

Nous appelons tous les chrétiens catholiques, quelle que soit leur proximité ou leur distance actuelles avec les structures ecclésiales, à s’exprimer librement et sereinement sur ce sujet. Nous les invitons à s’associer aux actions de nos associations et groupes locaux, ainsi qu’à la préparation de l’évènement « Concile 50 ».

Ce rassemblement prévu à Rome en novembre 2015 donnera la parole aux catholiques qui agissent partout dans le monde pour que l’Evangile soit annoncé et vécu au plus près de la réalité et du vécu des femmes et des hommes du 21ème siècle.

« La Vie va de l’avant dans l’humble cœur palpitant des hommes et des femmes d’aujourd’hui, croyants ou non. Et l’Esprit et l’Amour habitent dans les couples que les évêques nomment « irréguliers », au sein des différents types de famille avec leurs joies et leurs angoisses, dans les personnes qui ont vu s’écrouler leur amour et refont leur vie avec un autre partenaire. Ceux-là n’ont pas été ni ne seront appelés au synode, mais la Vie les guide. » José Arregi.

 

Synode : réponses de FHEDLES aux “lineamenta” sur la vocation et la mission de la famille

L’association FHEDLES, en lien avec des membres de la CCBF, a travaillé sur le texte des lineamenta et les questions qu’il comporte.

Après un constat critique sur la forme du texte au style difficile et conventionnel et sur sa théologie déductive, manifestant que les pères synodaux sont restés emprisonnés dans leur doctrine et leur morale et qu’ils rendent ainsi problématique la prise en compte du vécu réel des familles, FHEDLES a voulu apporter une contribution constructive aux questions posées en se focalisant sur trois aspects.

L’égalité hommes/femmes

Il nous semble qu’il ne peut y avoir de familles harmonieuses sans une égalité homme/femme en son sein. Or le mot égalité ne figure pas dans le texte. En amont même de ce texte, l’égalité, sous forme de parité, devrait être présente au sein des instances synodales chargées de réfléchir aux familles d’aujourd’hui. Comment les familles peuvent-elles être touchées par des projections théoriques de vieux messieurs célibataires sur des réalités qu’ils ne connaissent pas de l’intérieur ? Le pape François souhaite une plus grande participation des femmes. Il semble que sur un thème comme celui-là leur présence soit indispensable. Peut-être alors comprendrait-on qu’un couple fondé sur l’asymétrie des rôles et des fonctions est à plus ou moins long terme voué à l’échec. Et bien sûr, cette préoccupation de l’égalité rejaillit sur l’éducation des enfants, filles et garçons. C’est l’avenir d’une société et d’une Église qui est en jeu. Il y a là une partie aveugle du texte à améliorer, car nous savons combien les religions sont opposées à cette égalité qu’elles transforment en complémentarité non réciproque et déséquilibrée. Le christianisme ne peut apporter sa caution aux discriminations et exclusions engendrées par un déficit d’égalité entre hommes et femmes.

La diversité des familles

Nous apprécions une bonne analyse du contexte socioculturel et de la complexité de la famille, mais un seul type de famille semble avoir droit à ce nom, la famille nucléaire (un père, une mère, un ou plusieurs enfants) issue d’un mariage chrétien. Or ce type de famille n’est pas universel, ni dans le temps ni dans l’espace. Les divers types contemporains qui ne rentrent pas dans ce modèle, mariages civils, concubinages, familles recomposées, familles monoparentales, divorcés-remariés, homosexuels, mariages naturels, malgré la miséricorde et la sollicitude qu’on leur accorde, restent des situations hors norme au regard de l’Église voire pécheresses. Les pères synodaux leur concèdent de posséder des éléments valables à condition qu’il s’agisse d’unions stables. Au mieux, elles peuvent être des occasions de cheminement vers le mariage chrétien qui seul est signe de Dieu. La somme d’amour, d’engagement, d’exemple, de fécondité de ces unions n’est prise en compte que sur un mode mineur, quand elle n’est pas totalement négligée lorsqu’on déclare la nullité d’un mariage qui pourtant a été conclu sur un amour authentique et a engendré la vie. N’y a-t-il que la miséricorde, ou la pénitence pour les divorcés-remariés, en dehors des cadres sacramentels ou éthiques hérités ? Qui sommes-nous pour dire que ces familles sont hors du plan de Dieu ? N’y a-t-il pas un énorme manque à gagner dans cette conception unique de la famille ? Non seulement les familles sont diverses, dans leur forme et dans les différentes cultures, mais encore au cours de sa vie, la famille, même chrétienne, ne cesse d’évoluer.

Une sexualisation du mariage

Le mariage semble être défini prioritairement par la relation sexuelle. Sans consommation, le mariage peut être déclaré inexistant. A l’inverse, pour rester dans la plan de Dieu, les divorcés-remariés doivent vivre comme frères et sœurs. Qu’en est-il des couples stériles ? Est-ce seulement l’enfant qui fait la famille ? Il n’y a pas que la dimension sexuelle dans un mariage, il y a la confiance donnée, l’amour partagé, l’engagement mutuel, la solidarité, l’amitié. C’est tout cela qui constitue le couple. Ce n’est pas le mariage qui fait le couple, mais l’inverse. Quant à la fécondité, elle est plus large que la naissance d’enfants. Il ne faut pas confondre la fécondité et l’engendrement. La fécondité des célibataires, des homosexuels, des couples âgés, de ceux dont un membre est malade serait donc nulle à l’exception de celle reconnue aux religieuses et religieux ? Les références à Humanae Vitae sont-elles bienvenues alors que cette encyclique est à l’origine d’une rupture entre l’Église et les familles ? Les familles se sont autonomisées, par rapport aux normes de l’Église, dans la recherche d’une sexualité épanouie et dans la gestion de leur fécondité, c’est un mouvement qui ne peut s’inverser. Au-delà de la seule sexualité, les familles recomposées forment des ensembles élargis offrant aux enfants des modèles divers d’identification. En leur sein, la figure du beau-parent met l’accent sur la nécessaire adoption mutuelle : beau-parent/beaux-enfants, là où il n’y a pas de légitimité biologique. Enfin, nous remarquons qu’un couple se forme non d’abord dans le but de fonder une famille et de transmettre la vie, mais pour être heureux. Cet adjectif « heureux » ne figure pas dans le texte pas plus que le mot « bonheur ». Or la famille naît comme une conséquence de cette recherche de bonheur. Il y aurait là un renversement de perspective à opérer.

En acceptant de se décentrer d’elle-même, l’institution catholique pourrait reconnaître que de nouvelles formes de famille ne sont pas dénuées de valeurs émergentes dans lesquelles l’Esprit est à l’œuvre.

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Contribution de « Croyants en liberté – Loire » à la consultation lancée par l’Eglise en vue du Synode de la famille

Nos motifs de joie et de fierté : être consultés dans le cadre du Synode et agir en tant que laïcs

          Nous apprécions que le Pape et les Evêques s’adressent à nous laïcs, pour prendre en considération ce que nous vivons dans le domaine de la famille et du mariage. Jusqu’alors, seuls  le Pape et la hiérarchie s’exprimaient sur ces sujets considérés comme régis par la «loi naturelle » et « la loi sacrée de Dieu ».

          Nous sommes en accord avec le Pape au sujet des tentations qui guettent l’Église de faire preuve d’un raidissement hostile à tout changement, de s’en tenir à des déclarations miséricordieuses et ne pas répondre aux souffrances vécues par les personnes. Avec le Pape, nous refusons le principe de condamner les supposés “pécheurs”, en les séparant de la communauté ; nous préférons des paroles et des actes d’accueil.

          Nous regrettons la situation vécue l’année dernière en France, lors des débats sur la loi instituant le mariage pour tous, où une forme de conservatisme social cherchait à mettre l’Église au centre de la société, afin de guider ses choix. Des appels à manifester ont été lancés ; nous n’étions pas solidaires de ces appels.

La logique doctrinale de l’Église sur la famille

          Pour l’Eglise catholique, la famille est intrinsèquement liée au mariage, considéré très tôt comme indissoluble, et en conséquence sacralisé par l’institution d’un sacrement. Les termes utilisés par le magistère pour présenter l’union de l’homme et de la femme, image du Christ époux et de son Église épouse « sainte et immaculée », reposent sur une allégorie qui est d’un autre ordre que les paroles du Christ rapportées dans l’Évangile. Cette représentation établit un rapport de domination/soumission entre le mari, chef de famille, et sa femme, gardienne du foyer, que son mari est appelé à purifier par son amour. En dépit de paroles nouvelles sur la dignité de la femme, cette doctrine, héritage d’une conception patriarcale de la famille, est constamment réaffirmée par les papes successifs.

Les pratiques de vie actuelles

          Cette logique doctrinale apparaît de plus en plus comme dénuée de sens pour nos contemporains et en total décalage avec les pratiques de la société moderne. Puissent les clercs réunis au synode percevoir combien un langage décalé par rapport aux réalités du monde est un obstacle à la transmission de la foi ! Ainsi, le divorce, qui affecte une proportion croissante des couples, ne peut être que formellement condamné par le magistère, puisqu’il romprait l’analogie avec la figure de l’Église épouse du Christ, d’où ce blocage sans issue pour l’accès à l’Eucharistie des divorcés remariés. L’union libre avant le mariage, si ce n’est en l’absence de mariage, qui est devenue le comportement habituel des nouvelles générations, est forcément assimilée au péché. L’homosexualité continue  à être considérée par l’Église, au mieux, comme une déviance par rapport à la loi naturelle. Bien que l’immense majorité des couples de croyants assument depuis longtemps leur droit à la maîtrise de la fécondité et au plaisir hors procréation, les moyens artificiels de contraception continuent à faire l’objet du rejet obstiné du Vatican.

          Nous reconnaissons la grandeur des valeurs vécues aujourd’hui par beaucoup de couples, pour lesquels l’engagement et la fidélité restent bien l’objectif recherché. Le partage des tâches entre hommes et femmes évolue, leur égalité de droit est maintenant reconnue. L’éducation des enfants est aussi beaucoup plus largement partagée par les pères. Le choix ou la limitation du nombre d’enfants n’est pas ou n’est plus la manifestation d’un égoïsme, mais l’expression d’une parentalité responsable prenant en compte les exigences d’une éducation longue et les nécessités, pour la mère, d’une vie professionnelle épanouie.

Notre espérance : penser la famille d’une façon différente, à la lumière de la foi

          Nous proclamons que l’amour est premier dans les manières dont peuvent se nouer les relations humaines entre personnes de sexes différents ou de même sexe. L’Église gagnerait sans aucun doute en crédibilité et se montrerait fidèle à sa mission évangélique en reconnaissant dans les faits l’égale valeur des femmes et des hommes et en cherchant à promouvoir tout ce qui fait la grandeur et la richesse de l’union de deux êtres : qualité de l’amour, force et fidélité de l’engagement, respect de la personne, vertu du dialogue, sollicitude pour l’enfant, recherche de l’épanouissement de chacun au sein du groupe familial…. Il n’est même pas interdit de penser que, s’il en était ainsi, le sens profond du mariage serait davantage reconnu.

          L’Église se grandirait aussi si elle pratiquait avec humilité et bienveillance la miséricorde face à toute situation de détresse liée aux douloureux échecs qu’engendre souvent l’expérience des relations de couple et si elle se montrait particulièrement attentive à tout être blessé par le mépris, la violence conjugale, la rupture de la vie commune. Jésus n’a pas hésité à dialoguer avec la Samaritaine qui avait eu cinq maris avant de partager sa vie avec un autre homme.

          Les relations humaines s’accommodent mal du juridisme : lorsqu’elle formule des préceptes dans ce domaine, l’Église enferme ses « fidèles » dans autant de carcans. On ne peut éviter le rapprochement avec l’attitude de Jésus, faite de compassion, d’écoute, de reconnaissance des personnes, et celle des pharisiens qu’il dénonçait, arc-boutés sur l’observance « à la lettre » d’une loi dont ils ignoraient ou voulaient ignorer l’esprit. Les couples seraient-ils seuls susceptibles d’être ostracisés, alors que  les clercs, eux, peuvent être « réduits » (quelle expression !) à l’état laïc ?

          Nous osons espérer que l’Esprit Saint soufflera sur les évêques réunis en Synode, comme il a soufflé pendant le Concile Vatican II, pour que l’Église catholique, pleinement fidèle à la miséricorde de Jésus, sache se débarrasser des blocages liés à sa conception du sacré et se fasse moins dogmatique. L’Évangile nous donne à croire en un Dieu qui prend le risque de ce monde, l’Église nous donne à voir une morale qui a peur des risques du monde d’aujourd’hui. Qu’elle soit donc réellement à l’écoute du monde et accompagne son humanisation !

 A Saint-Etienne, le 3 mars 2015

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CONTRIBUTION  DE CELY AU  SYNODE  DES  FAMILLES

La présente contribution est la synthèse des réponses de plusieurs Groupes de Travail de l’association CELY (300 chrétiens des Yvelines – voir page 6), Groupes qui se sont réunis régulièrement.

Nous avons été sensibles au fait d’avoir été tous interrogés. Interroger tous les chrétiens du monde entier est une première mondiale. Nous avons été heureux de ressentir l’universalité de notre Eglise et espérons que cette consultation sera suivie par d’autres.

Nos principales propositions pour la Déclaration qui émanera du Synode:

   Q 5    Vie affective et sexuelle :   Exprimer toute la richesse de la vie de couple

   Q 8    Jeunes : S’adresser prioritairement à eux, dans un langage qui leur parle

   Q 20   Mariage : Accompagner les couples pas seulement le jour de leur mariage

   Q 35   Divorcés qui se remarient :  les accueillir plutôt que les ‘ex-communier’

   Q 40   Eglise et Homosexuels : les accueillir, les reconnaître, bénir leur union

   Q 41   Limitation des naissances :   cesser de choisir à la place des conjoints

Formulation du questionnaire

Ce questionnaire a été ressenti par tous comme élaboré à partir d’un corps de doctrine considéré comme définitif, dans un langage ecclésial traditionnel bien éloigné de notre culture actuelle. Il comporte donc des difficultés de compréhension et de réception, notamment pour les personnes sur le seuil ou loin de l’Eglise.

Un de nos groupes a exprimé son impossibilité de répondre dans une Note que l’on trouvera à la fin cette contribution. 

Q  5    Vie affective et sexuelle dans les familles

 «  Nous devons nous demander si les gens continuent à écouter les conseils de l’Eglise sur les questions sexuelles. L’Eglise, dans ce domaine, est-elle toujours une autorité de référence ou seulement une caricature dans les médias ? » Testament spirituel du Cardinal Martini

Nos constats

*   Nous voyons avec tristesse beaucoup de nos proches (parfois nos enfants) et amis s’éloigner de l’Eglise à cause de textes comme Humanae Vitae ou de discours culpabilisants. Ils refusent le côté infantilisant, une volonté de tout régenter, y compris sur les sujets les plus intimes. L’opinion de clercs célibataires est difficilement crédible sur de tels sujets.

* Des jeunes ont des relations sexuelles de plus en plus précoces ; ils risquent ainsi d’aboutir à une addiction sexuelle en multipliant le nombre de leurs partenaires. 

*  Trop peu de collèges et de lycées offrent de réelles séances d’éducation sexuelle ; trop peu d’adultes sont convenablement formés pour que ces séances soient solidement structurées et proposées en nombre suffisant.

*  Beaucoup de jeunes, éloignés de l’Eglise, demandent le mariage religieux surtout pour son cérémonial, plus qu’en raison de leurs convictions religieuses.

Nos propositions pour la Déclaration du Synode 

=>  Qu’elle porte un regard très positif sur l’amour dans les couples, sur le rayonnement des couples tisseurs de liens dans la société, sur l’importance des liens intergénérationnels dans la vie de famille.

=>  Qu’elle incite à mieux préparer les jeunes à vivre durablement leur amour de couples ; qu’elle insiste pour que des laïcs deviennent formateurs dans les écoles, y témoignent de la richesse de la sexualité, y expriment le lien entre amour profond et rapports sexuels.

=>  Qu’elle magnifie le lien d’amour conjugal et exprime qu’une sexualité trop précoce rend plus difficile une vie commune d’amour durable.

=>  Qu’en matière sexuelle, elle respecte la place première de la conscience personnelle de chacun.

Q  8     Que les jeunes trouvent demain leur place dans l’Eglise

Nos constats

* La vie familiale est regardée positivement.

Mais jamais les jeunes couples n’ont vécu des tensions aussi fortes :

–   entre l’accomplissement individuel de chacun (je choisis seul ce que je fais de ma vie) et la vie collective en famille (tenir compte du conjoint).

–    entre leur besoin de stabilité familiale et les parcours de vie bousculés de l’un ou de l’autre: licenciements, chômage, mutations, déplacements, 

* Pour beaucoup de nos enfants  passionnés par le monde des SMS, films et  vidéos :

notre religion paraît peu attirante et désuète lorsqu’elle n’accepte pas l’égalité entre les hommes et les femmes, fait l’apologie du célibat, n’apprécie pas l’épanouissement sexuel, exclut les divorcés qui se remarient, les homosexuels, ….

notre religion paraît peu porteuse d’espoir  dans un monde où l’on manque d’espérance; elle apparaît trop à nos enfants comme un truc de vieux : vieux prêtres, vieux fidèles à la messe. Ils ont le sentiment qu’elle repart en arrière : retour à l’encens, aux chasubles, aux prières en latin, à la communion dans la bouche,… 

*   Dans une société où beaucoup souffrent de solitude, souvent les jeunes couples, quel que soit leur type d’union, rayonnent, accueillent, invitent, tissent des liens, relient des personnes qui trouvent de la chaleur auprès d’eux. Certains vivent la Bonne Nouvelle de l’amour profond, la font partager.

Nos propositions pour la Déclaration du Synode

=>   Qu’elle s’adresse prioritairement aux jeunes et les invite à exercer leur responsabilité pour  construire un monde meilleur, ouvert à tous et particulièrement aux plus fragiles.

=>   Qu’elle soit rédigée dans un langage simple qui parle aux jeunes. Un parler vrai !

=>   Qu’elle soit porteuse d’espérance, qu’elle retrouve le souffle de Gaudium et Spes (Joie… et Espérance), souffle souvent perdu sous les pontificats des années postconciliaires.

Q  20 & 21    Accompagnement confiant des couples qui se marient 

*  « Les sacrements ne sont pas un instrument pour la discipline, mais une aide pour les hommes dans les moments de chemin et dans les faiblesses dans la vie. » Testament spirituel du Cardinal Martini

Nos constats

En France en 2008, 58 % des enfants sont nés hors mariage civil

* Continuer d’affirmer que des relations sexuelles avant le mariage sont du domaine du péché conduit notre Eglise à se marginaliser par rapport aux  fidèles. Ne risque-t-elle pas de devenir une secte où seuls les « purs » se retrouveront entre eux ?

*  Le mot ‘miséricorde’ voudrait manifester une bienveillance, une ‘clémence’ pour les personnes non mariées vivant en couple. Mais il est souvent reçu comme méprisant : tu es mauvais, mais Dieu te pardonne. « Qui suis-je, pour juger ? » a dit le pape François.

*   Nous avons constaté que des jeunes qui ont découvert la foi se voient refuser le baptême du fait qu’ils vivent en couple avec une personne divorcée, sauf à l’abandonner.

*   L’obligation pour les couples de passer par le sacrement de mariage n’a été effective que très tardivement : en 1563, lors du Concile de Trente.

Nos propositions pour la Déclaration du Synode:

=>    Comprendre et accompagner tous les couples y compris ceux qui vivent en dehors du mariage institutionnel civil ou religieux.

=> Des moments pour faire le point sur leur parcours de vie, l’amour vécu entre eux, leur rayonnement de couple, leurs engagements, leur participation à la vie de leur église locale.

Q  35          Prendre soin de toutes les familles blessées

«  Je pense à tous les couples divorcés et remariés, aux familles élargies. Ils ont besoin d’une protection spéciale… L’attitude que nous prenons à l’égard des familles élargies déterminera la proximité de l’Eglise à la génération des enfants » (Testament spirituel du cardinal Martini).

Nos constats

*  Pas facile pour les couples de s’adapter aux mutations rapides des entreprises, au chômage,…Quand une situation difficile se présente, ils manquent de patience et d’espérance pour attendre que cela aille mieux… et se séparent.

Nos propositions pour la Déclaration du Synode:

=>  Demander que le langage de l’Eglise catholique cesse d’être blessant envers les personnes en souffrance dans leur vie de couple. La condamnation et l’exclusion par des clercs sont un contre-témoignage par rapport à l’attitude constante d’accueil qu’a vécue le Christ. A Pierre qui pourtant avait renié Jésus trois fois de suite, Jésus demanda : Pierre, m’aimes-tu ?

=> Demander que nos paroisses fassent régulièrement la promotion des associations et organismes religieux ou laïcs qui se chargent d’aider les couples à vivre mieux leur amour et qui les forment à dialoguer, y compris dans les moments de conflit.

  1. 37  Procédures en nullité de mariage

Nos constats

*   Ces procédures ne représenteraient que 0,1% des divorces prononcés chaque année. Certains proposent de les multiplier. Mais qui dit procès, dit verdict couperet : tout ou rien. La validité d’un lien ne doit-elle pas être définie de façon plus nuancée ?

*   Annuler un mariage sacramentel réduit à néant le fondement de toute une histoire vécue : des années de vie commune, l’amour initial, l’amitié, la naissance des enfants.

*   Et l’enfant, fruit de ce mariage annulé : a-t-on songé à la souffrance de celui qui devient le fruit de ce ‘non-mariage’, de rien ?

Nos propositions pour la Déclaration du Synode

=> Ecarter cette solution de facilité juridique pour éviter de poser la vraie question : accepter que des couples peuvent évoluer au cours de leur cheminement de vie et d’amour vers une distanciation, parfois une séparation.

Q.38       Accueillir les divorcés remariés

«Avant la communion, nous prions: «Seigneur, je ne suis pas digne …».  Nous savons que nous ne sommes pas dignes (…). L’amour est grâce. L’amour est un don. 

La question de savoir si les divorcés peuvent recevoir la communion doit être inversée. Comment l’Église peut-elle apporter son aide par la force des sacrements à ceux qui ont des situations familiales complexes ? »    (Testament spirituel du Cardinal Martini)

Nos constats

En France en 2011, le taux de divorce s’élevait à 44,7 % des couples .

*   Quand près de la moitié des couples divorce, notre Eglise qui s’obstine à considérer le divorce comme exceptionnel ne se met-elle pas d’elle-même hors-jeu vis-à-vis de tous ces couples ?

* Beaucoup de clercs adoptent trop souvent un langage de compassion. N’ayant pas la pratique de la vie de couple, ils considèrent un échec dans le parcours comme un mal volontaire qui aurait dû être évité.

*   Notre Eglise est perçue comme une institution qui juge et condamne les gens ; le Droit Canon y semble davantage prôné que l’Évangile de l’amour. Alors que l’Evangile est un appel exhortatif, trop nombreux sont les clercs qui insistent sur un Droit impératif, une règle avec sanction, loin du message libérateur du Christ (Lettre aux Galates).

*  Dans leur nouvelle union, les divorcés remariés, avec des enfants de la première et de la deuxième union, vivent souvent en couple des relations de qualité avec une réelle générosité. Pourquoi la seconde union n’aurait-elle pas, au regard de Dieu, autant de valeur que la première ? De quel droit exigerait-on que ces couples vivent « comme frère et sœur » ?

*   Les personnes qui ont souffert d’un divorce (et donc souvent d’un rejet par l’autre) ont un grand besoin d’appartenance, de participer avec les autres au repas eucharistique et de ne pas se retrouver encore rejetées (ex-communiées au sens littéral).

Nos propositions pour la Déclaration du Synode

=>  Constater les situations sans les juger (Jn 8, 15). Creuser la possibilité de tracer un chemin de réflexion pour éclairer ce qui s’est passé. Aider à progresser dans la nouvelle union. Parler de relecture du parcours, de conversion et d’amour comme le préconisait Mgr Jean-Charles Thomas, évêque émérite de Versailles, plutôt que d’un chemin pénitentiel. Aider les couples dont l’un ou les deux ont divorcé à revenir à une pratique sacramentelle. 

=>    Notre Eglise devrait accompagner les couples de divorcés qui le demandent par une bénédiction qui reconnaisse leur nouvel amour et leur nouveau foyer, comme cela a lieu chez nos frères d’autres sensibilités chrétiennes.

=>  A chacun de suivre sa conscience et de décider s’il souhaite partager l’Eucharistie. L’Eglise catholique le sait, elle doit l’annoncer officiellement et non plus trancher les situations au cas par cas selon le charisme du prêtre. Personne n’est exclu de l’amour de Dieu puisque Dieu est Amour.

40  L’Eglise et les personnes homosexuelles 

Nos constats

    En France :   4 % des hommes et  des femmes  de 18 à 69 ans déclarent avoir déjà eu des
rapports sexuels avec  un partenaire du même sexe qu’eux.

*  On ne choisit pas d’être homosexuel. Même si les scientifiques ne savent pas expliquer l’origine de l’homosexualité, l’homosexualité est une réalité et non un choix.

* Le vocabulaire du questionnaire nous est apparu condescendant: « Orientation », « tendance », « il faudrait s’occuper des personnes dans ces situations »… Les rédacteurs donnent l’impression de souhaiter que les personnes homosexuelles deviennent hétérosexuelles.

Ce questionnaire nous a semblé aussi porter davantage son attention sur les familles dont un membre est homosexuel que sur les personnes homosexuelles elles-mêmes

*   L’attitude critique adoptée par de nombreux  évêques français lors de la préparation de la Loi sur l’égalité des sexes a donné à beaucoup d’entre nous l’impression d’un rejet par eux de l’homosexualité… et d’une mise à l’écart des personnes homosexuelles.

* Le choix fait en France de favoriser des engagements stables et durables entre personnes de même sexe est pour nous un progrès : progrès pour  leur vie  de couples devenus plus stables par le PACS ou le mariage civil ; progrès pour la société en réduisant le vagabondage sexuel et diminuant ainsi les risques de SIDA. 

Nos propositions pour la Déclaration du Synode

=> Souligner les valeurs positives vécues par des couples homosexuels : tendresse, don réciproque de leur personne, entraide dans les difficultés, la maladie, à l’approche de la mort. 

=> Proposer pour les couples de même sexe une bénédiction qui manifeste le regard bienveillant du Seigneur et de toute la communauté sur leur engagement d’amour et favorise la stabilité de leur union dans l’amour du Christ. Comme dans l’église protestante unie de France.

Q.41             La limitation des naissances   

Nos constats

Deux chiffres :

* A ce jour, notre planète porte 7,162 Milliards d’habitants .

*  Une étude de l’ONU parue en 2013 revoit les hypothèses à la hausse et prévoit 9,6 Milliards d’habitants en 2050.

*        Les § 57… de la Relatio Synodi s’inquiètent du défi de la dénatalité mais pas du défi de la surnatalité. Ne sommes-nous pas responsables de notre fragile planète qui risque d’être dénaturée par la surpopulation ? Que dire des guerres que cette surpopulation peut engendrer? Les évêques du Synode souligneront-ils l’importance de l’écologie, des équilibres démographiques ?

*   Notre Eglise appelle officiellement les couples mariés à une « parentalité responsable ». Humanae vitae leur a demandé de n’avoir des rapports sexuels qu’en dehors des périodes de fécondité des femmes, donc au moment où leur désir est le plus réduit. Pour elles, peut-on vraiment parler de méthode naturelle ? Cette abstinence pendant de longues périodes et en particulier lors des jours féconds peut créer un climat familial tendu. Ou, effet inverse, entraîner des avortements faute d’avoir utilisé des moyens de contraception.

=>   Dès 1968, le futur cardinal Yves Congar écrivait discrètement à ses frères évêques : « Il se passe pour Humanae Vitae quelque chose d’analogue à ce qui s’est passé pour le Syllabus…

Que notre Eglise reconnaisse sans ambiguïté que l’enseignement d’Humanae Vitae a besoin d’être complété, et pas seulement au point de vue pastoral, car il laisse en dehors de ses limites non seulement de nombreux cas personnels, mais des aspects positifs exprimés par quelques-unes de ses contestations vraiment sérieuses…

Si on ne parle pas ainsi, il se confirmera un hiatus, voire un abîme, entre la hiérarchie pastorale et une masse de fidèles dont beaucoup sont vraiment évangéliques et généreux.»

Cette encyclique a effectivement engendré l’abîme annoncé par le Père Congar :

– dans les pays développés : le départ massif de beaucoup de nos proches et amis chrétiens qui se sont éloignés de l’Eglise ; certains y ont vu un choix pour s’opposer à la libération des femmes et à leur accession à l’égalité avec les hommes.

– dans les pays les plus pauvres du monde : des drames sociaux et humains dus à la surpopulation et au SIDA,…

Etonnamment, Humanae vitae a été promulguée par Paul VI contre l’avis de la Commission pontificale d’experts, de cardinaux et d’évêques qu’il avait réunie.

*  Les hommes célibataires qui voteront au Synode sont-ils bien placés pour dicter aux couples ce qu’ils doivent faire ? Il serait préférable qu’ils leur reconnaissent le droit légitime de décider à deux de leur mode de contraception.

Nos propositions pour la Déclaration du Synode:

=> Insister non plus sur telle ou telle technique de prévention des naissances, mais sur l’importance de l’amour au sein du couple à l’image de l’amour du Christ pour tous les hommes.

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Questions pour la réception et l’approfondissement de la Relatio Synodi

« Groupe réflexion » (se réunissant une fois par mois dans la paroisse d’Ablis )        

Notre groupe a reconnu l’immense liberté qui était donnée à chacun, depuis des années, de s’exprimer, sans contrainte, sans barrière. Cette liberté et ces échanges ont nourri, mois après mois, nos réflexions et nos vies.

Lors de nos réflexions pendant 3 séances sur la famille et le Synode, il nous est apparu que l’Eglise avait fait un effort pour s’ouvrir aux problématiques non occidentales. Et nous nous sommes souvent demandé quelle était notre capacité à accepter d’autres modèles.

Tous ceux qui ont fait un travail d’accompagnement soit des futurs baptisés, soit des futurs mariés ont d’ailleurs rappelé l’importance de ces moments de rencontre, non dogmatiques mais au cœur des réalités, simplement humaines.

Cela dit, nous avons buté sur la difficulté de rentrer dans le langage et le discours d’approfondissement qui nous était demandé.

Ce questionnaire nous a troublés. Il nous est apparu plus comme un effort de communication que comme une vraie refonte du discours de l’Eglise sur la famille. Datées par une histoire et donc un peu dépassées, les 46 questions n’ont pas semblé en mesure de réécrire une véritable « morale sociale » au carrefour de la foi personnelle et de son expression dans une communauté.

Rappelons qu’à juste titre l’Eglise présente un modèle de ce que peut être l’amour humain, l’amour dans la famille, la vie conjugale. Mais ce modèle « sublime » tellement prégnant dans le questionnaire offre une vérité « absolue », « donnée par Dieu » (les écritures et le magistère) et situe le « monde » à partir de ces seuls éclairages.

Comme si toute la vérité (sur l’homme, le mariage, la procréation, la vie) était inscrite dans ces textes (de toute éternité), dans les dogmes (indépendamment de l’évolution sociologique) et dans les encycliques. Et ce, de façon totalement universelle, indépendamment des histoires et des cultures.

Le texte du questionnaire semble dire : « Puisque des questions complexes de société (l’homosexualité par exemple) se posent (alors qu’elles ne devraient pas se poser… ou qu’elles ne se posaient pas autrefois) – sauf à reconnaître qu’elles sont révélatrices de péché – quelle est la réponse de l’Eglise et comment devons-nous donner de « bonnes » réponses et faire rentrer nos contemporains dans le droit chemin ?

Les questions occidentales (union libre, perte de repères dans l’éducation, avortement, homosexualité, GPA…) mais aussi les questions posées par d’autres sociétés asiatiques ou africaines (dot, mariage une fois la naissance d’un ou de deux enfants, refus parfois viscéral de l’homosexualité…) ne sont pas prises en compte comme des questions « légitimes ».

Quelle capacité l’Eglise a-t-elle pour proposer des réponses uniformes (universelles) à tous ces questionnements parfois contradictoires. Doit-elle laisser aux Eglises locales le choix d’avoir une parole « adaptée » culturellement parlant ? Comment peut-elle se satisfaire de réponses (un peu médiocres) qui consisteraient pour les divorcés en quête d’un remariage « de rendre plus accessibles et plus souples les procédures de reconnaissance des cas de nullité » 37

L’Eglise se penche avec « miséricorde » sur les familles blessées et fragiles, mais justement pour tous ceux qui dévient de la voie chrétienne donc « royale » (celles qui ont avorté, les homosexuels, les divorcés-remariés), le seul appel est-il de dire : « Comment pouvez-vous sortir de votre péché ? » La seule réponse est-elle de les faire rentrer dans la bonne voie ?

Dans la mesure où l’Eglise détient la vérité, il n’y a pas de place au doute, au questionnement (y compris sur l’Eglise elle-même et son mode de fonctionnement au Vatican ou ailleurs, sur ses erreurs, ses crimes… dans l’histoire, ses péchés). Il n’y a pas de place pour la proposition ou la recherche de sens (en lien avec nos contemporains).

Le seul projet des chrétiens et des clercs (tel qu’il est encore défini par le questionnaire) nous renvoie à la question d’une pédagogie : Comment faire entrer les égarés, les déviants, les pécheurs dans la bonne voie, celle de l’Eglise indiquée par son magistère (33, 38, 40, 44) ?

Est-il possible de comprendre nos contemporains (les blessés, les fragiles et les autres), avec discernement, de les prendre là où ils sont, avec leur vie telle qu’elle est, leur questionnement, leur recherche, leurs angoisses, leurs espérances …

Dans ce cheminement qui n’est pas dogmatique, où nous n’apparaîtrons pas comme « possesseurs de la vérité » mais en « quête (nous aussi) de sens… », l’Eglise, les clercs et les chrétiens de base auront peut-être (à la lumière de l’Evangile) quelque chose à offrir et à partager.