La Justice et le droit

Idéalement, la justice doit donner à chacun une égale capacité à mener sa vie, assurer à chacun la capacité d’être acteur de son propre développement. Rendre justice à l’individu, c’est lui reconnaître ses potentialités. Conception qui repose sur l’Évangile mais aussi sur une vision anthropologique.

La justice institutionnelle Elle repose sur la loi, qui dit le droit, établie à partir d’un « consensus sur ce qui est acceptable par tous ». Notion pas toujours claire : qui fait la loi et pour qui ? Le consensus est « minimal» en termes de reconnaissance de l’égalité, ce qu’illustre le débat suscité par la parabole des ouvriers de la dernière heure, confrontés à « travailler plus pour gagner plus » ou « responsabiliser les chômeurs » et qui heurte aussi des positions syndicales. Le consensus peut être remis en cause parce que la loi apparaît injuste ; alors, on cherche à la modifier ou on entre en désobéissance. Exemple de la lutte des femmes pour obtenir l’égalité dans la loi (droit de vote, égalité de salaire) ; exemple de ceux qui décident d’aider les sans papiers dont ils jugent la situation injuste. On note que la transgression est au coeur du comportement de Jésus qui cependant ne veut pas «abolir la loi».

De la difficulté de se référer au droit quand il est injuste sans pour autant y renoncer

« Dans la Bible le mot “ justice” se retrouve 287 fois, et presque toujours associé au mot “droit” »« Un État de droit peut se perdre ; il peut être capable d’édicter des lois comme celles de Vichy ou celles de Besson. » « Dans mon exercice quotidien auprès des mineurs depuis dix ans, je représente la justice, et je dois l’assumer au quotidien ; par exemple face au jeune qui me dit “ça fait deux générations qu’on est au chômagechez moi, alors, qu’est-ce que tu viens me parler de droit ?” » Et cependant, aussi imparfait soit-il, le droit est indispensable ; même si on lutte pour promouvoir des principes au-dessus des lois, même si « le droit n’a pas tous les droits », on doit aussi se battre pour le faire respecter. « Même si je tiens fort à la singularité de la rencontre qui permet d’aider l’autre, je crois aussi à l’importance de la loi pour le vivre ensemble ». Exemple de la longue lutte d’un collectif d’associations pour faire appliquer à Mayotte le droit à l’école dont étaientprivés un millier d’enfants.

Que faire dans notre monde où croît l’injustice ?

Les régressions actuelles sont graves en matière de droits sociaux, l’injustice est croissante en matière de répartition des richesses, d’accès au logement, au travail, à la santé : rien n’est jamais acquis. Pourquoi ces droits ont-ils été reconnus dans la France du lendemain de la Seconde Guerre mondiale, qui était considérablement moins riche que la France d’aujourd’hui… qui les remet pourtant en cause ? Le «Programme National de la Résistance » a mis en avant la notion de solidarité au niveau de l’État ; il s’est élaboré dans un climat de réaction à la honte de la capitulation devant le nazisme. Les mouvements sociaux ne sont-ils pas l’indice de la réaction à la destruction de ces avancées dont nous somme héritiers et à la honte de cette « société du mépris » ?

Sur quels leviers s’appuyer ?

Sont cités les mouvement associatifs, citoyens et sociaux, l’action sur l’éducation (comprendre pour mieux agir), l’engagement politique, de petites expériences d’anti-individualisme et de sobriété : AMAP, SEL, microéconomie, consommer moins… Exemple de l’association « Pedibus » qui accompagne à pieds les petits enfants à l’école. De multiples témoignages d’engagements associatifs (ACAT, Amnesty, ATD Quart Monde, CCFD, commerce équitable…). Qu’il s’agisse des mouvements associatifs ou des politiques sociales, l’essentiel est d’agir sur les causes et pas (uniquement) sur les symptômes. « Les exclus doivent être des acteurs, pas desassistés ».

Une jeune chômeuse témoigne d’un collectif d’associations qui effectue un travail de lobbying auprès des politiques avec les personnes concernées : « la clé et la solution de la réussite c’est le partenariat, le travail en réseau d’associations ». On cite l’ « Appel des appels » qui tente de fédérer la résistance contre les lois injustes en train d’être élaborées (www.appeldesappels.org).

Une religieuse qui a vécu 40 ans en « Communautés ecclésiales de base » en Amérique latine témoigne d’une Église qui est sortie de sa dépendance de l’Europe et qui a bâti sa théologie de la libération : « Je suis très attentive à l’injustice ; la racine de cette injustice qui ne fait que croître, c’est le système néolibéral, basé sur le profit, l’argent (et là-dessus, Jésus a été très clair) ; il faut le casser, et je crois que c’est possible. Unautre monde est possible, une autre économie est possible ! »

L’atelier était proposé par NSAE qui renvoie pour sa présentation à des textes de Jaques Généreux(http://www.nsae.fr/2009/09/02/promouvoirla-justice-2/) et Etienne Grieu (http://

www.nsae.fr/2010/03/05/promouvoirla-justice-par-etienne-grieu-s-j/).