Pour un dialogue nouveau entre Église et Société

Communiqué de l’équipe nationale des groupes Jonas

Les groupes JONAS sont nés dans les années 1987-1988. « Jonas » a toujours eu comme souci de participer au grand projet de Vatican Il : «une Église qui se laisse interroger par le monde», «une Église douée d’une parole audible et compréhensible» pour ce monde. Les membres fondateurs de Jonas ont depuis plus de vingt ans, toujours veillé aux orientations de Vatican II sans en faire un point final.
Jonas s’est donné quelques moyens d’observation :
– des groupes dans bon nombre de Diocèses,
– un bulletin : « Courrier de Jonas»
– un site Internet : www.groupes-jonas.com/neojonas/
Adresse pour le Courrier de Jonas : redaction@groupes-jonas.com

COMMUNIQUÉ

Différents événements et initiatives secouent l’Eglise catholique dans les temps que nous vivons. Rien d’étonnant en cette période de bouleversements de tous ordres : socio-culturels, économiques, éthiques, politiques, religieux… Dans cette situation, le pire serait de s’enfermer dans l’aveuglement, le repli ou le refus du débat. Ceci est, pour nous, une évidence.
D’abord, nous constatons que de tous côtés, et notamment en différents pays européens, des appels pressants sont adressés à l’Eglise catholique pour qu’elle entende, enfin, certaines questions qui se posent et de manière insistante. Un moment étouffées- car les murs bétonnés existent dans l’Eglise- les vraies questions reviennent à la surface. Nous pensons, en particulier, aux conditions de réintégration des lefebvristes, au memorandum de plus de 400 théologiens germanophones, à l’appel de plus de 400 prêtres et diacres autrichiens, appel approuvé par plus de 71% de la population Leur inquiétude est aussi la nôtre et nous en sommes solidaires. Ces protestations expriment indiscutablement un malaise mais formulent également des demandes précises.. Ici, chez nous, nous sommes témoins que nombre de catholiques refusent le mouvement de restauration qui s’est instauré dans leur Eglise. Ils sont inquiets pour  l’avenir de leur communauté, spécialement pour sa mission d’évangélisation.

1 – Une première crainte concerne la fidélité à l’enseignement de Vatican II. Elle vient d’être activée, lors de la rencontre du cardinal Levada, préfet de la Congrégation pour la doctrine de la foi et de Mgr Felay, supérieur de la Fraternité Saint-Pie X. C’est toute  la légitimité du Concile qui est en jeu, avec quelques questions majeures : la collégialité épiscopale, le dialogue interreligieux, l’oeucuménisme, la liberté religieuse.
Est-il nécessaire de rappeler qu’un concile œcuménique est la plus haute instance législative de l’Eglise catholique ? A l’inverse d’autres conciles, Vatican II n’a pas été convoqué pour défendre une institution menacée ou revendiquer un pouvoir hégémonique dans la société mais pour confronter la Parole de Dieu avec le dynamisme de l’histoire. Quelles que soient les limites du travail conciliaire, c’est pour une large part, en acceptant ce parti-pris d’ouverture à la rencontre et à la liberté de recherche, qu’il a permis à l’Eglise de mettre en relief son identité profonde. Cette ouverture – déjà mise en valeur dans la longue histoire du Peuple de Dieu- dépasse, quoiqu’on en dise, de simples problèmes de réformes. C’est une manière autre de concevoir la nature de ‘Eglise et sa situation dans le monde.
C’est pourquoi, l’éventualité d’une seconde « Prélature personnelle » ( après celle de l’Opus Dei), en vue de réintégrer les lefébvristes ne laisse, à notre avis, présager rien de bon. Nous craignons que cela revienne à légitimer l’existence d’une Eglise dans l’Eglise et cela sur simple décision du pape. Va-t-on sacrifier les éléments novateurs de Vatican II sur l’autel d’intégristes résolus ?

2 – Un deuxième aspect retient notre attention. Il est lié à la vie ecclésiale. Il s’agit de ces sujets qui reviennent sans cesse dans les synodes diocésains  mais qu’il est interdit –curieusement – de transmettre  à Rome.
L’un des plus fréquemment évoqués concerne l’attitude de l’Eglise catholique à l’égard des divorcés remariés. La question revient souvent, posée  désormais par de hautes instances de la communauté ecclésiale (tel le président de la Conférence épiscopale allemande), par nombre de pasteurs et par une fraction chaque jour grandissante du peuple chrétien. Beaucoup s’étonnent – à juste titre- que l’Eglise ne tienne pas compte de la diversité des situations. Le synode des évêques sur la famille, en 1980, demandait par 179 voix contre 20 « qu’on se livre à une nouvelle recherche à ce sujet, en tenant compte également des Églises d’Orient, de manière à mieux mettre en évidence la miséricorde pastorale ». Cette demande expresse n’a produit aucun résultat, et il n’est pas étonnant que la loi encore en vigueur ait pour effet d’encourager les décisions individuelles de plus en plus nombreuses.

3 – Nous relevons aussi la question des ministères La situation des prêtres, en nombre continu de  décroissance et de vieillissement, est devenu un véritable défi. Certains « se tuent » littéralement à la tâche, trop souvent limitée au culte, et les nouvelles formes d’aménagement pastoral sont plus qu’hésitantes. D’autre part, beaucoup d’instances d’animation pastorale (conseils pastoraux, équipes pastorales) ne remplissent pas leur mission.
Parmi les questions  posées, en France et ailleurs, on ne peut oublier celle de l’ordination presbytérale d’hommes mariés, sans en faire une panacée et en tenant compte du  contexte. Quant aux diacres permanents, la plupart mariés, on constate que certains deviennent de véritables animateurs de paroisses, ce qui interroge sur la spécificité du diaconat et sur la confusion qu’on entretient entre « exercer un ministère » et choisir tel état de vie (célibataire, marié).Revient aussi, en différents lieux, la question de l’ordination des femmes, soit au diaconat, soit à la prêtrise. Sans doute, faudrait-il distinguer ce qui est théologiquement possible et ce qui demeure inopportun dans le contexte actuel…

4 – Un autre point d’attention – porte sur la rupture culturelle qui s’établit entre l’Eglise et la société. C’est cela notre première préoccupation. Le langage, les rites, la communication, la manière de sentir et de penser de l’institution ecclésiale sont décalés et deviennent imperméables à la majorité de nos contemporains. Il s’agit bien plus que d’une question de vocabulaire, il s’agit d’une manière autre d’approcher les réalités que nous vivons, et particulièrement les réalités d’ordre religieux.
Nous assistons à un véritable mouvement d’émancipation par rapport aux arguments d’autorité et de tradition,  et à une revendication   de la liberté  de penser et de croire. Ce rejet d’une vérité toute faite et intangible, ce refus d’une parole surplomblante et enfermante, cette impossibilité d’admettre un pouvoir discrétionnaire et sans appel sont au cœur du divorce qui sépare l’institution ecclésiale et la société. Le système doctrinal et ritualiste élaboré par des cultures et  des langages du passé devient irrecevable de nos jours. Par contre, il nous paraît primordial d’être attentif à la richesse des différentes cultures. Ne faudrait-il pas revenir à la Source, c’est-à-dire à l’appel de Jésus de Nazareth à le suivre sur les chemins inédits de libération qu’il ne cesse d’ouvrir ?
D’autre part, n’est-il pas urgent de clarifier la notion de « nouvelle évangélisation » désormais à l’ordre du jour ? En quoi l’évangélisation sera-t-elle nouvelle ? – Ce n’est sûrement pas en faisant appel d’abord à de nouveaux « outils » (Internet, rassemblements de tous ordres) pour autant nécessaires dans notre monde de communication. L’évangélisation sera « nouvelle » si elle s’inscrit concrètement dans un contexte qui lui, est, incontestablement, nouveau. Fera-t-on l’effort d’analyser ce nouveau contexte socio-culturel et d’en tirer courageusement les conséquences qui en découlent ? Nous demandons instamment que le synode romain 2012 y soit attentif.
C’est bien une Eglise en débat qui est ici en jeu pour affronter les défis de notre temps. Nous avons voulu y prendre notre modeste part et nous serions heureux si elle suscitait vos propres réactions.
L’équipe nationale des groupes Jonas
22 Septembre 2011
Source :
http://www.groupes-jonas.com/neojonas/article.php?sid=755&thold=0