Un appel contre le projet de Loi relatif à l’immigration, à l’intégration et à la nationalité qui sera débattu en septembre 2010 :

Ne laissons pas fragiliser le droit de l’étranger.

Pour la cinquième fois en sept ans, le gouvernement veut réformer le régime de l’entrée et de l’expulsion des étrangers en France. Cette nouvelle modification de la loi constitue une étape supplémentaire dans la fragilisation d’hommes, d’enfants et de familles déjà fortement ébranlés par les difficultés de l’exil. Ce sont pourtant des êtres humains. Certains fuient la guerre ou les traitements inhumains pour sauver leur vie. D’autres cherchent simplement à améliorer leur situation et celle de leur famille. Ils aspirent, comme nous, à vivre en paix, à trouver le bonheur, à travailler, en France, leur pays d’ “accueil “.

Mais le projet de loi va sonner le glas des aspirations de beaucoup et, par là même, de notre hospitalité et de notre humanité en réduisant leurs droits à la justice, à une vie familiale et à la solidarité.

Si nous laissons faire, les étrangers n’auront plus le droits d’être entendus !

Jusqu’alors, la loi réclamait le contrôle du juge des libertés si la mise en rétention excédait deux jours avant l’expulsion. Ce garde-fou, indispensable face à l’arbitraire de l’administration, est retardé par ce projet de loi : ainsi des expulsions seront possibles pendant cinq jours sur seule décision administrative. De plus, le juge judiciaire ne pourra plus sanctionner certaines irrégularités.

Si nous laissons faire, le droit d’asile sera entravé !

Ce projet de loi restreint les possibilités d’accéder au territoire pour demander l’asile et place un nombre plus important d’éventuels demandeurs dans des conditions défavorables pour l’examen de leur demande de protection. Et s’ils sont déboutés et renvoyés, il leur interdit de revenir dans l’Union européenne pour sauver leur vie.

Si nous laissons faire, le droit de vivre en famille sera restreint !

Des conjoints de Français ou d’étrangers en situation régulière, voire avec des enfants en France, sont parfois sans document de séjour. La loi qui peut déjà interrompre leur vie familiale va durcir les conditions de leur séparation en repoussant toute possibilité de retour. En effet, tout étranger renvoyé peut être ” banni ” de l’Union Européenne jusqu’à 5 ans : nous refusons cette double peine !

Si nous laissons faire, la solidarité restera répréhensible !

En modifiant la loi, le projet voudrait calmer les critiques sur le délit dit de  “solidarité “. En ne modifiant que très marginalement l’exemption pour un tel délit, le projet de loi persiste à dissuader quiconque aiderait, de bonne foi et dans la durée, un étranger dont nul ne sait a priori s’il est en situation administrative irrégulière. Il est contradictoire de maintenir le principe de fraternité dans la devise de la République et de punir les actes de solidarité. Motivés par la solidarité et la défense des plus faibles, notamment des étrangers, en partenariat avec d’autres membres de la société civile, nos organismes, mouvements, associations et services chrétiens refusent que des mesures de plus en plus restrictives, voire arbitraires, propulsent des milliers d’hommes et de femmes dans la précarité et le désespoir.

Aussi estimons-nous nécessaire d’éveiller les consciences, d’appeler à la vigilance et à l’information sur ce projet de loi qui comporte des dispositions très inquiétantes.

Nous nous engageons à agir pour que la figure de l’étranger ne serve pas de bouc émissaire en France et en Europe.

Initiateurs : -ACAT-France (Action des chrétiens pour l’abolition de la torture) -CCFD-Terre solidaire – FEP (Fédération de l’Entraide Protestante) – La Cimade (Service oeucuménique d’entraide) – Secours Catholique / CARITAS-France avec la contribution du SNPM (Service national de la pastorale des migrants).

Auxiliatrices de la Charité – Congrégation des Fils de la Charité – DEFAP – DOM’ Asile – Eclaireuses et Eclaireurs Unionistes de France – Association Espoir – Fédération des Réseaux du Parvis – Fédération protestante de l’enseignement – Fondation de l’Armée du Salut – JOC (Jeunesse Ouvrière Chrétienne) – Justice et Paix -France – Mission Populaire Evangélique de France – Mir-France (Mouvement International de la Réconciliation) – Nous sommes aussi l’Eglise (NSAE) – Pax Christi – France – Réseau chrétien – immigrés – VEA (vivre ensemble l’Evangile Aujourd’hui) – Alliance Nationale des Unions Chrétiennes de Jeunes Gens – UCJG-YMCA.

Juillet 2010.

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L’origine des Cercles de silence

Les Cercles de silence sont nés dans les années « 80 », en Allemagne. Il s’agissait d’une pratique non violente face à la violence implicite des fusées Pershing. L’autre précédent est celui des mères de la Place de mai à Buenos Aires.

Aujourd’hui, les Cercles de silence qui se déroulent en France et en Belgique sont nés à l’initiative d’organisations très diverses : Les Franciscains, à Toulouse, qui furent les premiers dans notre pays, des membres d’associations, des militants de RESF, des syndicats, des partis qui préfèrent souvent ne pas se définir par leur appartenance mais simplement par leur humanité.

Par la forme même du cercle, celui qui y participe exprime non seulement sa désapprobation devant les traitements inhumains et dégradants des Centres de rétention administrative, mais il se met en situation physique de réfléchir de façon à la fois individuelle et collective.

Pendant ces instants de silence, de nombreuses questions nous traversent et nous prenons conscience que nous ne pouvons pas ignorer les problèmes des sans papiers ni nous contenter des réponses superficielles et inhumaines des gouvernements actuellement en place en Europe et notamment en France.

Le Cercle réunit des personnes différentes qui ont des motivations différentes mais une action collective se crée à chaque fois, le silence fait le lien dans les différences.

Les cercles rassemblent des personnes qui ne viendraient jamais à une manifestation.

Le silence et l’immobilité interrogent dans notre monde d’agitation. Dans un monde de bruit, mais où la parole est interdite à certains, l’action de silence devient un mode d’expression qui appelle à l’interrogation, à la réflexion. C’est une parole silencieuse qui interpelle dans un environnement d’agitation et de bruit. Le silence suscite l’étonnement, la surprise, c’est pour cela qu’il touche. Il ouvre à l’humanité de l’homme.

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LES CERCLES DE SILENCE

A l’initiative des franciscains réunis sur la place du Capitole de Toulouse, les Cercles de silence naissent en octobre 2007, et se multiplient un peu partout en France. Fin décembre 2009, on en comptait plus de 150.

Pourquoi nous rassemblons-nous en cercle de silence ?
Pour protester contre les Centres de rétention administrative (CRA) où des personnes, des familles, enfermées dans des conditions psychologiques et sociales inaccceptables, subissent des traitements inhumains et dégradants. Nous nous rassemblons pour signifier notre solidarité avec les sans-papiers qui, après leur “arrestation”, sont mis en centre de rétention et expulsés. Nous nous rassemblons pour alerter l’opinion publique sur la gravité de la situation.

Faire parler le silence.
Oui, s’il est réel, le silence peut parler à notre société de blabla et de la parlotte.
Alors que souvent, les paroles divisent, mettent à distance, le silence des Cercles nous unit et nous “imprègne d’humanité”. Sa qualité importe tout autant que sa durée. Certains Cercles, pour préserver cette qualité, décident de rester silencieux une demi-heure au lieu d’une heure. Le silence veut dire que n’avons pas de solutions toutes faites, bien que nous soyons tous convaincus que l’enfermement des étrangers en situation irrégulière n’est pas la solution. Le silence est une interpellation des consciences à l’extérieur du Cercle parmi les passants, mais aussi à l’intérieur parmi les participants.
Alain Richard, doyen des franciscains de Toulouse, dit que le silence est un chemin de transformation.
Et chacun habite le silence comme il l’entend : prière, méditation, réflexion.
Dans un monde tapageur, la force non violente du silence témoigne d’une autre dimension de l’existence.

Comment se passe un Cercle de Silence ?
Chez nous, en Haute Normandie, à Rouen, au Havre, à Evreux, comme ailleurs en France, les Cercles se tiennent une fois par mois, sur la place publique, sur le parvis d’une église ou d’une mairie, à des jours et à des heures différentes selon les endroits.
Se retrouvent là des chrétiens, des migrants parfois, des personnes de tous horizons, de toutes convictions. Quelques-uns sortent du Cercle pour donner des explications qui ne gênent pas le silence des autres. Des panneaux, des tracts pour renseigner – peu ou pas de tracts jetés par terre : est-ce un signe de respect pour leur message ? Des passants qui viennent se joindre à nous. A Rouen, avant la dispersion, un court échange d’informations entre autres sur le CRA d’Oissel, tout proche.

Le chemin sera long
A l’heure où j’écris ces lignes, Monsieur Hortefeux vient de quitter le Ministère de l’Immigration et de l’Identité Nationale. Nous sommes nombreux à espérer sans trop y croire que “la politique du chiffre” d’expulsés ne sera plus l’obsession de son successeur. En effet, environ 26 000 expulsions hors du territoire français ont eu lieu en 2008. Le coût d’une expulsion est évalué à près de 21 000 Euros. Le chemin sera long… L’année 2009 s’annonce difficile, tant au niveau national qu’européen et international.
Au niveau national, les décrets ministériels pris en août 2008 permettent la limitation de l’intervention des ONG dans les Centres de Rétention Administrative et l’interdiction à ces mêmes ONG d’informer sur la situation dans ces Centres. De plus, est prévue une forte baisse des crédits d’aide à l’intégration des étrangers.
Au niveau européen, ironie amère du calendrier, la directive “de la honte” a été adoptée par le Conseil des Ministres de l’Europe, la veille du 60ème anniversaire de la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme ! Cette directive comporte une série de mesures très dures, dont une qui allonge jusqu’à 18 mois la rétention des sans-papiers avant leur expulsion.
A l’échelle planétaire, les rapports Nord/Sud sont profondément injustes.
Au Nord il y a ceux qui ont trop, au Sud ceux qui ont trop peu et qui s’arrachent à leur pays, parfois au péril de leur vie, pour un voyage plein d’espoir, se transformant pour certains en tragédie. C’est pourquoi les Cercles de silence sont une action de longue haleine qui demande et demandera persévérance et détermination. Le nombre des Cercles est en progression constante et nous sommes heureux à Parvis d’être très nombreux à les rejoindre et même à les organiser. Autour des sans-papiers se trouvent ainsi réunis l’esprit de François d’Assise et la non-violence de Gandhi.
Annie BARBAY.

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LA POLITIQUE MIGRATOIRE
DE L’UNION EUROPEENNE

La nécessité d’harmoniser les politiques migratoires au sein de l’Union Européenne (on emploie le terme de “communautarisation”) est apparue dans les années 1990, pour éviter que l’espace européen sans frontières qui allait être mis en place par le traité de Maastricht conduise à des déplacements incontrôlables de migrants. Pour éviter les phénomènes d’attraction massive de migrants vers les pays supposés les plus accueillants, il fallait des règles communes.
Cependant, en ce domaine particulièrement sensible, les Etats ne souhaitent pas se dessaisir de leurs prérogatives, par exemple en ce qui concerne l’accès à la nationalité ou le contrôle du marché du travail. Il en a résulté à partir de 2000 un ensemble inabouti de règlements (décisions directement applicables) et surtout de directives qui sont des décisions moins contraignantes, portant sur l’objectif à atteindre sans en fixer impérativement les modalités.

La mise en place de la politique de communautarisation.
Le Conseil Européen qui s’est tenu à Tampere, en octobre 1999, juste après l’entrée en vigueur du traité d’Amsterdam, a fixé les grandes lignes de cette politique, avec une liste de plus de 60 mesures à prendre selon un échéancier allant jusqu’en 2009.
Ces mesures devaient concerner trois domaines : l’intégration des immigrés en situation régulière, la protection des demandeurs d’asile et la gestion des frontières pour lutter contre l’immigration illégale, en dressant des obstacles aux arrivées d’étrangers ” n’ayant pas vocation à s’installer “. Très vite, c’est cette dernière préoccupation qui est passée au premier plan et qui à donnée lieu à une succession de directives concernant, pour donner des exemples, l’attribution de visas, les décisions d’éloignement, les passeurs, ou encore le statut des résidents de longue durée.

La situation des demandeurs d’asile.
Théoriquement protégés par la Convention internationale de Genève de 1951, ils sont de plus en plus considérés comme des immigrés économiques déguisés ; ils font l’objet de directives de plus en plus sévères sur les conditions à remplir pour être reconnus comme tels, sur les modalités d’examen de leur demande, ou sur les conditions de leur accueil. En fin de course le droit d’asile tend à ne plus être reconnu de fait.

Une harmonisation plus théorique que réelle.
De façon générale, la ” souplesse ” requise pour tenir compte des exigences de chacun des Etats membres conduit à alourdir ces directives d’un ensemble de conditions particulières ou d’exceptions. On peut donc bâtir autant de normes qu’il y a de combinaisons possibles entre le texte lui-même et les dérogations adoptées. Et ce nombre de combinaisons croît très rapidement avec lui des dérogations : l’analyse mathématique combinatoire montre qu’un texte avec 3 dérogations possibles peut donner par le jeu des combinaisons 7 normes d’application ; 4 dérogations conduisent à 15 normes ; 15 dérogations conduisent à plus de 32 000 combinaisons.
Pour donner un exemple, la directive sur les procédures d’asile, qui comprend une quarantaine d’articles de fond, prévoit plus de 50 dérogations possibles. Prétendre avoir harmonisé ainsi la question en Europe relève de la pure utopie !. Sauf si, de fait, tous les pays s’alignent sur le bas.

L’alignement par le bas du regroupement familial.
En effet, ces directives fixent un plancher au-dessous duquel nul ne doit descendre ; dans la pratique, chaque Etat est tenté de l’adopter comme norme pour ne pas se montrer plus laxiste que le voisin.
La réglementation du regroupement familial relève du volet “intégration ” de la politique d’immigration ; elle en a été conçue à l’origine comme la mesure phare. Son histoire illustre la logique d’alignement par le bas. Le projet initial présenté par la Commission en 2000 reconnaissait le droit au regroupement familial pour tout étranger résidant légalement dans un Etat membre ; la notion de famille était prise dans son sens le plus large, incluant les couples de fait et les ascendants ; le texte ne fixait aucune norme de ressources ni de logement. Le texte adopté en 2003 à la suite des compromis demandés par les uns et les autres a substitué à l’instauration d’un droit la fixation des ” conditions dans lesquelles est exercé le droit au regroupement familial ” ; il limite l’admission aux conjoints et aux enfants mineurs, autorisant même l’exclusion des enfants de plus de 12 ans ; il permet de différer jusqu’à trois ans la réunification de la famille.
Les conséquences ne sont pas fait attendre sur la législation française qui, par ses réformes successives, est passée d’un des régimes les plus favorables en matière de regroupement familial à l’un des plus restrictifs en Europe.

Relations avec les pays tiers et de transit.
L’Union Européenne a aussi décidé au sommet de Tampere d’impliquer les pays tiers dans sa politique migratoire. Il est prévu que la lutte contre l’immigration illégale doit faire partie des accords d’association et de coopération passés par l’UE avec ses partenaires.
Par ailleurs, l’agence Frontex, ” pour la coopération opérationnelle aux frontières extérieure aux Etats membres de l’Union Européenne “, a été créee en 2005 avec mission de cordonner les actions de contrôle à toutes les frontières, maritimes, aéroportuaires et terrestres, de l’Union. Elle mène par exemple les opérations d’interceptions maritimes au large des îles Canaries pour refouler les bateaux de migrants vers la Mauritanie.
Un pas de plus a été franchi en octobre 2007, avec l’accord conclu avec la Libye, qui envoie des patrouilles mixtes, associant des fonctionnaires européens et des garde-frontières libyens, sillonner le détroit de Sicile pour y intercepter les embarcations de ” boat people ” et les refouler en Libye.
En renvoyant en Mauritanie ou en Libye, au nom de la lutte contre l’immigration clandestine, des migrants qui auraient pu faire valoir des droits à demeurer en Europe, par exemple avec le statut de réfugié, et de façon générale, en déléguant aux pays tiers le soins de gérer la situation des migrants, l’Union Européenne expose ces derniers à de mauvais traitements et s’exonère de ses responsabilités au regard de ses engagements internationaux. Aussi bien Amnesty International que le Haut Commissariat des Nations-Unies pour les Réfugiés (UNHCR) n’ont pas manqué de lui faire remarquer.
L’idée d’externaliser les centres de transit remonte en 2003, quand Tony Blair a proposé de créer ces centres de traitement des demandes d’asile en dehors du territoire de l’Union. On parle aujourd’hui de les distribuer autour des frontières de l’Union, soit à l’extérieur soit dans les pays qui ont adhéré le plus récemment.

Qui peut circuler librement en Europe ?
La convention de Schengen, entrée en vigueur en 1995, a introduit, avec la suppression des contrôles aux frontières intérieures de l’U.E., la liberté de circulation des personnes, comme celle des biens, des marchandises et des capitaux.
Cependant, cette circulation des personnes est moins libre qu’il n’y parait.
Généralement, les ressortissants de l’un des Etats membres peuvent circuler, s’installer et travailler partout dans l’espace communautaire ; cependant les Roumains et les Bulgares sont soumis à des restrictions à la fois de circulation et d’installation. Les résidents étrangers ne peuvent travailler que dans le seul pays qui les a admis, sauf s’ils sont membre de famille d’un citoyen européen et se déplacent avec lui. Enfin, il n’y a pas de circulation autorisée pour les demandeurs d’asile, ni bien sûr pour les sans-papiers qui sont condamnés à l’invisibilité.
L’absence de parallélisme entre la libre circulation des biens, des marchandises ou des capitaux et celle des êtres humains a souvent été dénoncée. On pourrait faire remarquer que le travail se déplace de plus en plus, pour aller là où la main d’oeuvre est la moins chère et qu’il devrait être normal que la ma in d’oeuvre jouisse du droit symétrique de se déplacer là où il y a du travail.

Lucienne Gouguenheim.