Economie et écologie, nos responsabilités…

« Économie et écologie : nos responsabilités »

Cet article est extrait de la présentation de l’atelier que l’auteur a animé lors du rassemblement de Lyon.

Nos responsabilités en la matière vont dépendre des réponses que nous pourrons apporter à un certain nombre de questions regroupées en quatre thèmes :

1. L’économie capitaliste, fondée sur l’esprit d’entreprise, la recherche du profit, la primauté de l’argent, la concurrence…, développée d’abord en Occident, s’est peu à peu étendue au monde entier (phénomène de la « mondialisation »). Elle s’est moulée de plus en plus dans le libéralisme, qui privilégie l’initiative individuelle face aux contraintes publiques (« l’État est le problème »), la suprématie du marché, la compétition effrénée. Plus récemment, elle a subi de graves dérives en raison de la place qu’a prise la spéculation financière, quasiment déconnectée de l’économie réelle, au point de susciter la grave crise que nous connaissons aujourd’hui et qui accentue de façon intolérable les inégalités et exclusions inhérentes au système.

Question. Pour sortir de la crise, peut-on faire confiance encore au capitalisme ? Est-il suffisant de lui imposer des règles, des garde-fous, de le « moraliser » et est-ce possible ? Ou faut-il abattre le capitalisme (jugé intrinsèquement pervers) pour construire un autre type d’économie et de civilisation ?

2. S’appuyant de manière indissociable sur les notions de croissance illimitée, de domination, d’exploitation des ressources naturelles, le système économique dominant, conjointement à la pression démographique grandissante, constitue aujourd’hui une menace majeure pour l’état de la planète et son avenir, en raison de l’épuisement des sources d’énergie et matières minérales fossiles, de la dégradation des sols et des écosystèmes en général, de lapollution de l’air, des eaux, des océans, des atteintes à la biodiversité… Les signes alarmants, tels que le réchauffement climatique, se multiplient. D’où le succès actuel de la notion pourtant très ambiguë de « développement durable ».

Question. Pour sortir de la crise, lutter contre le chômage, créer des emplois, on nous dit qu’il faut absolument relancer la croissance : est-ce compatible avec l’impérieuse nécessité de réduire les pressions de plus en plus vives qui mettent notre planète et l’humanité elle-même en grand péril (cf. l’éditorial du hors série « Les chiffres de 2011 » d’Alternatives économiques « Schizophrénie ? ») ? Une croissance douce, écologique reposant sur les « emplois verts », les énergies renouvelables… peut-elle permettre de concilier ces deux exigences ?

3. Face aux menaces et dégradations qui affectent la planète et aussi face aux inégalités sociales criantes et à l’instabilité politique qui caractérisent le monde moderne, une large prise de conscience se développe et s’exprime, entre autres, par la montée en puissance de la conscience écologique et de l’écologie politique. Certains lobbies dénoncent le catastrophisme ambiant, fustigent l’apologie de la décroissance ou le risque de la frugalité imposée de force. Il n’empêche que la nécessité de promouvoir un nouveau mode de vie gagne du terrain, fondé sur la remise en cause de la société de consommation et du matraquage publicitaire, sur la sobriété (cf. la « sobriété heureuse » de Pierre Rabhi), la lutte contre le gaspillage, la responsabilité citoyenne en matière d’ « empreinte écologique », conjointement à la réhabilitation de valeurs non marchandes : culture, loisirs, convivialité, amitié, amour, paix…

Question. Prisonniers que nous sommes de notre civilisation de la consommation, des transports motorisés, des biens jetables… sommes-nous réellement prêts à changer nos mentalités et comportements, à envisager pour nous-mêmes et l’humanité entière une autre forme de civilisation (cf. Hervé Kempf : « Pour sauver la planète, sortez du capitalisme ») ? De quelles manières individuelles et collectives ? Par quelles étapes ?

4. La conscience chrétienne est directement interpellée par les principes fondamentaux du capitalisme et plus encore par les dérives spéculatives et profondément immorales du libéralisme triomphant. Elle l’est aussi par la surexploitation et le pillage du patrimoine commun de l’humanité que sont les ressources de la planète, comme par la compétition sans merci dont elles font l’objet, au risque d’une aggravation explosive des inégalités et des frustrations.

Question. Comment les valeurs évangéliques, ou simplement humanistes, peuvent-elles nous aider à bâtir une économie vouée au service de l’homme ? Comment peuvent-elles sous-tendre

la conscience écologique dans sa double dimension du soin à apporter à l’environnement (à la « création ») et de l’action pour la justice, le partage des biens, la solidarité, la paix ?

Jean-Bernard Suchel

Croyants en liberté Saint-Etienne