Le dérèglement climatique devient criant et catastrophique

En ce temps

où le dérèglement climatique

devient criant, démonstratif et catastrophique

dans certaines parties du monde.

Pouvons-nous penser

autrement le monde et son avenir ?

Jean-Marie Pelt

dans “Ecologie et spiritualité”

nous parle de méta-écologie

qui intègre la puissance spirituelle de l’être humain

seule capable d’assurer

la paix dans la nature et parmi les Hommes.

Car seule la dimension acquise par les sages

peut permettre ce passage qui est devant nous.

Nous ne devons pas réduire

aux seules dimensions matérielles, économiques

l’avenir de la planète.

Une nouvelle Ethique s’impose,

celle de l’écologie spiritualiste

la seule voie ouverte vers le futur.

L’être humain est porteur d’une responsabilité

qui s’inscrit dans le schéma de l’évolution.

Les gens,

après s’être enflammés

pour la défense de la planète

semblent s’être lassés.

Des intérêts privés,

grands forestiers, conglomérat des mines

certaines industries

se sentent protégés en haut lieu

n’épargnant plus la nature

et lui portant des coups dévastateurs.

Et pourtant l’écologie

est une responsabilité.

Nous sommes sur terre

pour prendre soin, pas pour saccager.

Les humains ne sont pas supérieurs à la nature.

Nous devons créer un Evangile de la terre

par lequel les humains

doivent réapprendre à vivre

en harmonie avec le monde naturel.




Vers quelle société allons-nous ?

Vers quelle société allons-nous ?

La crise de l’agriculture dans les secteurs : bovin, laitier, porcin… est un symptôme révélateur d’un malaise profond.. Sommes-nous dans une crise industrielle, une crise de civilisation ?

La pensée industrielle est standardisée, normative, robotisée, déshumanisée. Elle entraîne une crise de modèle de vie.

Notre inconscient collectif a été englué dans une notion de progrès. Nous avons forgé une armure idéologique qui fausse notre vision du monde avec des mots-clés comme “croissance”, “PIB”, “compétitivité”, “parcellisation des tâches” et des savoirs avec une soumission à une technologie qui entraîne l’humain à se déshumaniser.

Tout s’organise selon le modèle industriel et une logique technique avec une normalisation dévastatrice de pratiques en essayant d’éliminer le hasard, l’imprévu, le subjectif, la créativité dans une mise en équation du monde dans une pensée affaiblie soumise à la technique.

Et pourtant il serait nécessaire de garder toute activité en dialogue avec le vivant dans toutes ses multiples interactions. Ce qui est réductible à des gestes économes sur une chaîne de montage devient vite catastrophique dans d’autres milieux. Les animaux sont considérés comme des objets dans un processus de production.

Comment revenir à un raisonnement sur les besoins d’un territoire et non sur des objectifs nationaux et internationaux qui sont définis par des exigences de rentabilité des industries agro-alimentaires, la grande distribution, le machinisme agricole…

La filière est l’outil principal du productivisme. C’est un système qui fonctionne sur la vente du produit en détruisant la valeur du travail. L’homme devient une variable d’ajustement économique. La filière ne se pense pas comme une demande limitée par la démographie d’un territoire mais par une demande croissante fictive dont le mythe est l’exportation.

De ce fait les grosses fermes dévorent les petites. La filière entraîne une concentration de la production agricole et de ce fait détruit la société paysanne et rurale.

La filière est au coeur du système d’endettement des agriculteurs. Seul l’agriculteur prend les risques économiques. C’est lui qui emprunte pour les bâtiments, le matériel, le cheptel, sans pour autant pouvoir négocier ni les prix d’achat, ni les prix de vente.

Le filière a un effet ciseau sur le paysan qui le ruine et le pousse parfois au suicide (il y a un suicide d’agriculteur tous les deux jours).

De ce fait, il faut revoir le cadre conceptuel des filières en les territorialisant, en revoyant le mode d’élevage et le niveau de productivité, en revoyant le travail, l’entretien des sols, la consommation d’eau, l’utilisation des pesticides…Définir une stratégie de développement des territoires en positionnant l’agriculture comme une des actrices centrales de la vie par son impact sur le milieu naturel.

La gravité de la situation actuelle doit dépasser les clivages syndicaux et corporatistes en tendant la main aux naufragés qui sont des femmes et des hommes dans la détresse, abandonnés par les responsables politiques et syndicaux qui les ont conduits dans ce modèle.

Il faut désindustrialiser les filières en redonnant à l’agriculture et à la nourriture une place centrale dans la société : faire le choix de la qualité des produits, de la place de l’agriculteur, de la dimension écologique, de la qualité de la vie… Il faudra du temps, une vision et du courage politique.

                                                                                                                                              ME




Usage et usure des sols

Vastes problèmes et déontologie personnelle

L’article qui suit est une mine d’informations sur la terre et l’eau ; certaines ont de quoi inquiéter.

Ainsi l’affirmation que les limites de notre planète en terre agricoles et en eau seront bientôt atteintes. L’auteur nous projette dans la décennie à venir et termine par la question : que faire ?

La sobriété heureuse est une des réponses possibles à cette question, elle n’exclut pas, bien au contraire, les autres réponses suggérées dans le précédent article.

Usage et usure des sols

Une prise de conscience récente

On a longtemps pensé que les capacités de notre planète à nourrir convenablement toute sa population et à lui procurer les matières premières nécessaires à son existence n’avaient pas de limites physiques, ou qu’à tout le moins ce serait le problème qui se poserait à des générations loin dans le futur, aidées en cela par les inéluctables progrès techniques qui ne manqueraient pas de surgir entre-temps.

Comme on le sait maintenant à coup sûr, il n’en est rien. C’est nous qui découvrons, alors que le temps presse, que les limites de notre planète à produire des terres agricoles et à fournir l’eau nécessaire à ces terres vont être atteintes prochainement. Plus inquiétant, une personnalité comme Jacques Blamont, membre de l’Académie des Sciences, et ancien directeur scientifique du Centre National d’Etudes Spatiales (CNES), estime que “toute progression de la technique entraînera l’amplification de la consommation”, donc des pénuries et des conflits. On serait donc en train d’entrer dans une spirale infernale, amorce d’une catastrophe du genre humain.

Notre planète

Dans l’univers, la Terre semble bénéficier d’une situation favorable unique.

Là où l’eau se trouve sur d’autres planètes sous forme de vapeur ou sous forme de glace, nous avons à notre disposition une planète dont les températures sont presque toujours comprises entre 0 et 100°C, c’est-à-dire que nous disposons d’eau sous forme liquide. Mieux encore, la roche qui constitue la croûte subit de ce fait l’action de l’eau (gel, dégel, érosion), ainsi d’ailleurs que l’action de l’air (oxygène, gaz carbonique). La roche subit en conséquence des désagrégations propices à la croissance de végétaux, rudimentaires au départ comme les algues microscopiques, puis de plus en plus complexes, les débris des végétaux morts favorisant à leur tour le développement de leurs successeurs. Ce substrat engendre la prolifération des microbes qui concourent à la rendre fertile, puis des vers etc. Au terme de plusieurs milliers d’années, la roche est sur quelques décimètres d’épaisseur l’humus qui, avec les particules inertes d’argile, constitue la terre arable. Il est symptomatique que l’on désigne par le même mot “terre” le sol que l’on laboure, la boule de glaise que l’on pétrit et la planète elle-même sur laquelle nous vivons.

La Terre est la seule planète qui ait un sol, et toute la vie, y compris nous-mêmes, provient de se sol.

La situation actuelle

Les terres agricoles

Pendant des millénaires, la faible population humaine s’est accommodée de la chasse et de la cueillette pour subsister.

Ce sont les premières civilisations agricoles, il y a 8 000 ans, qui ont à la fois permis de nourrir une population plus nombreuse et introduit, si l’on ose dire, l’érosion, conséquence d’une domestication mal contrôlée. En ruinant ainsi la terre par de mauvaises pratiques, l’agriculteur a provoqué les premières famines. Au fil des siècles, l’homme a pris conscience qu’il ne fallait demander à la terre que ce qu’elle pouvait fournir sans l’user. De longues périodes de stabilité ont existé dans les civilisations quand on a pu vivre en bonne intelligence avec le sol. Comme le racontent les microbiologistes des sols Lydia et Claude Bourguignon, les sols des pays méditerranéens ont été progressivement épuisés par la culture du blé mal maîtrisée, ce qui a conduit à les consacrer à des céréales moins difficiles, comme le seigle, puis aux arbres fruitiers (amandiers et oliviers) encore moins exigeants, jusqu’à la vigne, étape ultime que l’on atteint quand le sol ne peut plus rien porter.

Dans le même registre, certains pensent que la disparition de la civilisation de l’Ile de Pâques a pour cause une utilisation abusive des forêts pour le chauffage et la construction.

Au XIXe siècle, la France atteint un équilibre entre son environnement ses besoins. C’est au tournant de ce siècle qu’apparaît la chimie qui ambitionne de révolutionner le labourage et le pastourage chers à Sully. C’est alors également que les consommations frugales de la population française, essentiellement rurale, explosent, notamment du fait d’une consommation carnée de plus en plus importante. C’est alors enfin qu’on développe des herbicides, des insecticides et des fongicides dont la vocation est de détruire respectivement la flore, les insectes et les bactéries que l’humus recèle en grandes quantités et dont la disparition conduit à la stérilisation progressive des terres agricoles.

L’agriculteur était jusqu’à présent le protecteur naturel du sol qu’il cultivait.

Désormais, le sol n’est plus sa préoccupation : il se conforme aux directives des sociétés qui lui fournissent les engrais industriels pour nourrir les plantes et les produits phytosanitaires pour les badigeonner. On préfère ignorer l’épuisement progressif des terres soumises à ces agressions chimiques tout comme la disparition de 50 % des oiseaux en Europe au cours de 30 dernières années.

Nous consommons en France de l’ordre de 400 kg de céréales par habitant et par an. Il s’agit de l’ensemble des céréales, celles que nous consommons directement, sous forme de pain par exemple, ainsi que celles qui ont été nécessaires à la production de nos aliments carnés.

Généralisées à toute la planète, une telle moyenne permettrait de nourrir trois milliards d’habitants, moins de 50 % de la population actuelle. Heureusement, si l’on peut dire, des pays comme l’Inde se limitent à 200 kg par an, moyenne que ce pays obtient avec une alimentation à base de riz agrémentée de viande une fois par mois !

Or, malgré des mises en garde, heureusement de plus en plus écoutées, malgré l’essor récent, hélas insuffisant, d’une agriculture respectueuse de l’environnement, l’agriculture dite moderne n’a toujours en tête qu’une augmentation de sa production et de sa productivité.

Maïs, soja et sorgho arrivent chaque année par millions de tonnes dans les ports européens en provenance d’Argentine et du Brésil pour nourrir nos poulets, porcs et bovins. Les logiques financières à court terme des banques agricoles et des circuits puissants d’approvisionnement en produits alimentaires ont évacue le souci à long terme de gestion de l’environnement.

Il faut ajouter à cette dégradation des sols arables les stérilisations importantes de sols agricoles pour accueillir les extensions urbaines, les routes et autoroutes, les zones d’activités particulièrement gourmandes en sols voués ensuite à l’imperméabilisation. Le paysan traditionnel limitait au strict minimum ses besoins en surface pour se loger, lui et ses animaux et stocker sa récolte, afin de consacrer aux cultures le plus possibles des faibles surfaces dont il disposait.

Maintenant, l’homme urbain devenu majoritaire dans la société, totalement déconnecté des préoccupations de ses ancêtres, rêve surtout d’un pavillon séparé de celui de son voisin, sur une parcelle où il pourra cultiver à loisir un gazon bien vert. La prise de conscience de ce gâchis se fait fort heureusement depuis quelque temps et on peut espérer que les plans d’urbanisme, comme c’est le cas dans plusieurs communes, imposeront une utilisation raisonnée des sols agricoles.

Enfin, nouvelle aventure pour l’agriculture, devant la fin plus ou moins prochaine des hydrocarbures extraits de la terre, “on” lui demande de participer à l’élaboration de biocarburants en y consacrant des surfaces importantes.

C’est d’ores et déjà le cas aux Etats-Unis où encore la moitié du maïs sert à fabriquer de l’éthanol, ce qui a entraîné il y a quelques années une montée des prix de la graine, déclenchant des émeutes dans le pays voisin, le Mexique, où le maïs est la nourriture de base de la majorité de la population.

L’eau

Si l’on se place maintenant du côté de l’usage de l’eau, on doit au préalable faire la distinction entre eau consommée et eau prélevée. Le plus souvent, l’eau prélevée pour les besoins domestiques, les usines hydroélectriques, les industries, est rejetée en majeure partie dans le milieu naturel, à l’exception d’une faible part qui s’évapore, de l’ordre de 10 %. En revanche, l’eau prélevée pour l’irrigation est véritablement consommée pour l’essentiel car elle est ensuite transpirée par la végétation, à hauteur de 70 %. Il en est de même pour l’eau de l’agriculture pluviale qui est entièrement évaporée. Il en résulte que l’agriculture, qui prélève globalement 66 % du total des prélèvements, est encore plus en tête du classement pour la consommation : 96 % de l’eau consommée est à usage agricole, soit 4 % pour les autres consommations, dont l’eau potable. Ce résultat peut sembler paradoxal parce que l’on est plus facilement frappé par des scènes de manques d’eau potable que par des sécheresses affectant les récoltes.

La généralisation de l’eau potable pour tous est un objectif que l’on pourrait atteindre en quelques années : il suffirait d’y consacrer un effort financier ridicule par rapport aux budgets militaires de la planète. En revanche, l’augmentation des ressources en eau nécessaires à l’agriculture, donc à la survie des humains, demande des investissements autrement plus importants. Notre vision est faussée également parce que nous habitons une région dans laquelle les sols arables et l’eau sont abondants et parce que les efforts à faire pour reconquérir la qualité des uns et de l’autre apparaissent somme toute la portée d’un pays comme le nôtre, riche en expertise et en capacités de réalisation.

Le tableau en page précédente appelle un certain nombre de commentaires.

Le riz exige des quantités d’eau importantes. Ce qui explique que lorsque l’eau n’est pas abondante, on doive se contenter d’une seule récolte par an avec l’eau de la mousson tandis que lorsque l’on dispose d’eau en abondance, on peut faire deux, voire trois récoltes par an. Ce qui montre également l’intérêt de la recherche agronomique pour mettre au point des variétés de riz moins gourmandes en eau.

Le blé demande lui aussi beaucoup d’eau, plus que le maïs pourtant réputé pour ses besoins. Le paradoxe n’est qu’apparent : le blé a besoin d’eau pour sa croissance, c’est-à-dire sous nos climats durant l’hiver et surtout le printemps, période où la pluviométrie est favorable. Quand la croissance est achevée et jusqu’à la moisson, les disparaissent. En revanche, pour le maïs, plante d’origine tropicale, les besoins liés à la croissance se situent en été, période pluvieuse en zone tropicale Nord, malheureusement période sèche en Europe. Il faut donc, en puisant dans des cours d’eau au plus bas de leur débit à cette période et à l’aide d’asperseurs parfois gigantesques, fabriquer des pluies tropicales artificielles !

On constate également les 13 m3 d’eau nécessaires à l’obtention d’un kilo de boeuf, soit 13 fois plus que pour 1 kg de blé. Quant aux produits maraîchers et aux pommes de terre, ils apparaissent comme peu gourmands en eau, surtout comparés aux produits carnés.

Comme on le sait, l’eau est très mal répartie sur la planète, à la fois géographiquement (régions humides, régions sèches) et dans le temps (inondations, sécheresses). Partout où il s’est installé, l’homme à cherché à s’assurer prioritairement la disponibilité de l’eau pour ses besoins. Les civilisations sont véritablement nées de la présence d’eau en abondance : le Nil en Egypte, le Tigre et l’Euphrate au Moyen-Orient. Quelques milliers d’années plus tard, l’Egypte, même après la réalisation du barrage d’Assouan, sait que sa ressource historique est menacée par les besoins des pays en amont, le Soudan et surtout l’Ethiopie. L’Irak et la Syrie sont de leur côté confrontés aux immenses investissements en barrages que fait la Turquie pour mettre en valeur sa région sud-est. Quant à l’ex-URSS qui jugé bon de détourner deux grands fleuves de l’Asie Centrale, l’Amou Daria et le Syr Daria pour produire notamment du coton dans les steppes de l’Asie centrale, ses successeurs doivent faire face aux conséquences néfastes de ces investissements gigantesques : disparition presque totale de la mer d’Aral où aboutissent ces fleuves, pollution, disparition des poissons.

Plusieurs pays puisent délibérément dans les eaux souterraines à un rythme très supérieur à celui de leur reconstitution. Aux Etats-Unis par exemple, en Arizona, on pompe plus 400 millions de m3 par an alors que les nappes ne se rechargent qu’à raison de 200 millions de m3 ; dans les Hautes Plaines du pays, on a désormais consommé 20 % de la réserve. Les prélèvements excessifs dans la région de Madras en Inde ont eu pour effet la salinisation des nappes par l’eau de mer jusqu’à 10 km de la côte. Plus près de nous, et nous en sommes bon gré mal gré les acteurs, la région sud-est de l’Espagne s’est convertis à l’agrumiculture et au maraîchage intensif pour devenir le premier fournisseur de l’Europe en la matière. Les nappes des vallées étaient, jusqu’à il y a peu, sollicitées par des prélèvements inférieurs aux apports des cours d’eau. Maintenant les prélèvements dépassent de très loin les apports. On va donc lucidement vers la ruine de l’agriculture de cette région.

Plusieurs pays puisent délibérément dans leurs eaux souterraines à un rythme très supérieur à celui de leur reconstitution.

Les décennies à venir

Si l’on se place aux alentours de 2050, l’hypothèse communément admise est celle d’une population de 9 milliards d’habitants. Les prévisions climatiques sont généralement assez pessimistes, l’augmentation inexorable, dans la situation géopolitique actuelle, du taux de gaz carbonique dans l’atmosphère conduisant à des dérèglements climatiques certains, même si leur localisation et leur importance sont difficiles à apprécier. L’amélioration prévisible et souhaitable de l’alimentation des terriens sous-alimentés actuellement amène à comparer les ressources dont actuellement amène à comparer les ressources dont nous disposerons alors en terres arables et en eau aux besoins en denrées alimentaires qu’il faudra produire.

Même si de telles extrapolations sont hasardeuses, on aboutit à un résultat très inquiétant.

Notre planète aura toutes les peines du monde à nourrir ses enfants. En matière d’eau, les besoins physiologiques étant assurés sans problème, les besoins pour l’agriculture devraient pouvoir l’être aussi. Il y a des contraintes à cela. Notre planète n’aura jamais assez d’eau pour nourrir neuf milliards d’êtres humains qui consommeraient de la viande au rythme actuel des habitants des pays riches, sans parler du fait qu’une surconsommation en calories conduit à l’obésité : il s’agit donc également d’un problème grandissant de sa santé publique.

Ce sont les terres agricoles qui risquent de faire défaut. Certains pays l’ont compris, qui cherchent d’ores et déjà à se procurer des terres arables dans des pays étrangers afin d’assurer la production alimentaire actuelle et surtout future de leur population (Corée du Sud, Chine, monarchies du Moyen-Orient).

Il faudra limiter la production des biocarburants qui utilisent des terres agricoles au détriment des productions alimentaires. Qui arbitrera entre l’un ou l’autre ? Le marché comme on dit ou une instance internationale ?

Il faudra limiter l’utilisation pour l’agriculture des surfaces protégées, ce que l’on appelle les écosystèmes, qui représentent 2,5 milliards d’hectares actuellement. Les scénarios actuels prévoient qu’il faudra les utiliser en partie pour la production alimentaire, ce qui les ramènerait à 1,6 milliards d’hectares, et 1 milliard d’hectares si on consacrait 600 millions d’hectares à la production de biocarburants, ce qui ne couvrirait en fait qu’un faible pourcentage des besoins énergétiques à cette échéance. Des défrichements gigantesques sont déjà en cours : en Amazonie, à Sumatra, pour des productions de biocarburants ou d’oléagineux. La poursuite inexorable de ces défrichements peut, à juste titre, nous faire frémir.

Une activité humaine nouvelle surgit en ce moment : le recours aux huiles et au gaz de schistes. Cela risque de réduire à néant les décisions sages qui sont prises depuis quelque temps en faveur des énergies renouvelables respectueuses de l’environnement. On espérait que ces dernières seraient rapidement compétitives devant les hydrocarbures en début d’extinction et donc condamnés à un renchérissement. Or, les gaz de schistes remettent en question ce scénario. Si certains pays, notamment européens, ont renoncé jusqu’à ce jour à les utiliser, à cause principalement de leurs effets destructeurs sur l’environnement, d’autres nations comme les Etats-Unis et le Canada y recourent délibérément. Pour les Etats-Unis, il s’agit de profiter de cette nouvelle ressource énergétique pour retrouver dans ce domaine une autonomie perdue depuis quelques décennies. Il y a là sans doute une justification à leur faible implication au récent Congrès de Rio. Quant au Canada, il a déjà manifesté sa position en se retirant en décembre dernier du Protocole de Kyoto.

Cette nouvelle donne bouleverse les hypothèses qui misaient sur un début de sagesse des Etats. Va-t-on recommencer un cycle de prélèvements destructeurs de l’environnement et de la biodiversité avec une énergie à nouveau bon marché ? Quelles en seront les conséquences, à priori défavorables pour le climat, donc pour les potentialités agronomiques des terres arables ?

Nous savions qu’on entrait dans une période difficile avec des choix cruciaux à faire. L’avenir devient plus compliqué à appréhender. Les Etats se rétractent sur leurs intérêts immédiats, les nantis ne voient pas au nom de quoi ils devraient diminuer leur niveau alimentaire, voire leurs gaspillages, les classes moyennes qui émergent dans leurs pays en développement rapide ne rêvent que de goûter à leur tour aux modes de vie des pays très développés et n’admettraient pas qu’ils ne puissent plus y accéder.

Comment s’en sortir ?

Quel mécanisme international pourra nous ramener à la raison ? Pourra-t-on limiter les défrichements et maintenir la biodiversité que nous nous arrogeons le droit de faire disparaître alors que nous en faisons partie ? Va-t-on répéter, à l’échelle de la planète cette fois, la catastrophe qui a vu la disparition de l’espèce humaine sur l’île de Pâques ? Une fraction de l’humanité va-t-elle envisager la disparition d’une autre fraction au prétexte qu’il n’y a plus assez de terres pour tout le monde ?

Les hommes ont pu, dans certaines conditions, s’organiser pour mettre fin à une pollution mondiale. Le graphique ci-contre concerne l’évolution d’une substance entre 1800 et nos jours. On voit sur le graphique qu’elle a crû rapidement jusqu’en 1970, date à partir de laquelle elle a décru encore plus rapidement jusqu’à disparaître pratiquement.

De quoi s’agit-il ?

Il s’agit du plomb que l’on mesure dans les neiges et les glaces du Groënland.

Ce plomb provenait essentiellement des carburants additionnés de plomb durant de longues années. Sous la pression des écologistes, l’essence sans plomb s’est imposée et la diminution du plomb dans l’air a été immédiate.

Même si l’on doit se réjouir d’un tel exemple, il est certain que le succès de la disparition de la pollution au plomb ne peut se répéter aussi facilement quand il s’agit de toutes les terres arables.

Que pouvons-nous faire ?

A notre niveau individuel, il faut adopter une vie plus frugale, s’informer de la provenance proche ou lointaine des aliments que nous achetons, de la manière dont ils sont produits et commercialisés. Faire des choix en conséquence, expliquer autour de nous les raisons de nos choix quand l’occasion se présente, surtout auprès des jeunes qui sont les plus réceptifs à ces problèmes et donc les plus aptes à généraliser des pratiques plus vertueuses, militer quand c’est possible dans les associations qui font prendre conscience des dangers écologiques qui nous menacent. En définitive, donner l’alerte aussi souvent que possible. Au niveau collectif, il faut participer aux activités citoyennes sous toutes les formes possibles, non pas en jérémiades, mais en actions collectives. Il faut interroger les responsables politiques en leur demandant de se fixer un horizon de développement soutenable qui dépasse la seule solution des problèmes du moment.

Le défi du nouveau millénaire, c’est celui de la réconciliation de l’homme avec sa planète, la Terre.

André Lefeuvre

de l’Association Hydraulique sans Frontières

avec l’apport d’Ahmed Aïdou

enseignant chercheur à l’Université de Rennes

Tous deux intervenants

aux Journées d’été 2011 de Parvis.




La sobriété heureuse

“La sobriété heureuse”

Ce que nous faisons ici et maintenant nous rétablit et nous maintient dans notre cohérence toujours menacée, dans nos solidarités toujours fragiles, dans notre lien avec tous.

La cohérence personnelle suppose une certaine harmonie entre le dire et le faire afin que la pensée ne se situe pas dans un registre et le vécu dans un autre.

La solidarité peut de vivre de multiples manières, elle peut s’exprimer, par exemple, non seulement dans les choix que nous faisons pour organiser notre vie matérielle mais dans l’esprit avec lequel nous faisons ces choix. Ainsi, si je diminue ma consommation d’eau, ça n’est pas seulement pour faire baisser ma facture d’eau et préserver l’environnement, c’est aussi parce que je sais combien l’eau est rare dans certaines autres régions du monde et que je me sens solidaire de l’humanité qui souffre de cette situation. A chacun, à chacune de prendre ses responsabilités en matière de consommation, entre autre en découvrant ou redécouvrant les valeurs de la sobriété.

“La sobriété heureuse”. Cette expression fut employée pour la première fois par Pierre Rabhi, reconnu mondialement pour ses propositions de techniques culturales accessibles à tous, mais aussi écrivain et penseur qui appelle à “l’insurrection des consciences pour fédérer ce que l’humanité a de meilleur”.

La sobriété heureuse désigne un mode de vie libéré des abus de la consommation. Or nous vivons dans un monde qui consomme l’énorme proportion des ressources planétaires.

Voici une liste non exhaustive des sens possibles à lui donner, dans le concret de notre existence.

La sobriété heureuse invite à non seulement être sobre mais heureux de l’être et donc à vivre dans une simplicité souriante.

Elle invite par exemple à :

– faire le choix de ce qui n’est pas jetable, de ce qui peut durer ;

– économiser l’eau, par exemple : préférer la douche au bain, privilégier les

chasses d’eau économes en eau etc. ;

– modérer notre train de vie ;

– limiter nos déplacements par air,

pratiquer le covoiturage, prendre à

chaque fois que possible le train plutôt que la voiture, limiter sa vitesse sur

l’autoroute ;

– préférer une alimentation saine et équilibrée, ne pas manger n’importe quoi,

faire soi-même sa cuisine plutôt que d’acheter constamment des produits

cuisinés, prendre des repas plus “écologiques”, en privilégiant les produits

locaux plutôt que d’autres plus coûteux et nocifs etc.

De nombreux autres exemples pourraient être donnés dans le domaine de la santé, du logement, du chauffage et de l’équipement de la maison…

Pour résumer, disons que nous sommes conviés à nous détourner de l’obsession de posséder et de consommer, à retrouver le sens de la limite, à chercher l’authenticité du monde et des choses et cela avec le sourire parce que nous aurons trouvé là un certain bonheur de vivre.

Ce qui est sobre est sans excès, sans tape-à-l’oeil, la sobriété va de pair avec la modération, avec la simplicité et même l’humilité. Inutile de se targuer de sa sobriété, d’en faire étalage. On ne peut vivre la sobriété que sobrement, vérité de La Palice !

Certes tout n’est pas possible par tous et tout de suite mais tout ce qui va dans le sens d’un meilleur environnement, d’une manière durable d’habiter la Terre mérite d’être considéré. “Il faut se mettre, écrit P. Rabhi, dans une attitude de réceptivité, recevoir les dons et les beautés de la vie avec humilité, gratitude et jubilation.”

A. B.

 




Usage et usure des sols

Vastes problèmes et déontologie personnelle

L’article qui suit est une mine d’informations sur la terre et l’eau ; certaines ont de quoi inquiéter.

Ainsi l’affirmation que les limites de notre planète en terre agricoles et en eau seront bientôt atteintes. L’auteur nous projette dans la décennie à venir et termine par la question : que faire ?

La sobriété heureuse est une des réponses possibles à cette question, elle n’exclut pas, bien au contraire, les autres réponses suggérées dans le précédent article.

Usage et usure des sols

Une prise de conscience récente

On a longtemps pensé que les capacités de notre planète à nourrir convenablement toute sa population et à lui procurer les matières premières nécessaires à son existence n’avaient pas de limites physiques, ou qu’à tout le moins ce serait le problème qui se poserait à des générations loin dans le futur, aidées en cela par les inéluctables progrès techniques qui ne manqueraient pas de surgir entre-temps.

Comme on le sait maintenant à coup sûr, il n’en est rien. C’est nous qui découvrons, alors que le temps presse, que les limites de notre planète à produire des terres agricoles et à fournir l’eau nécessaire à ces terres vont être atteintes prochainement. Plus inquiétant, une personnalité comme Jacques Blamont, membre de l’Académie des Sciences, et ancien directeur scientifique du Centre National d’Etudes Spatiales (CNES), estime que “toute progression de la technique entraînera l’amplification de la consommation”, donc des pénuries et des conflits. On serait donc en train d’entrer dans une spirale infernale, amorce d’une catastrophe du genre humain.

Notre planète

Dans l’univers, la Terre semble bénéficier d’une situation favorable unique.

Là où l’eau se trouve sur d’autres planètes sous forme de vapeur ou sous forme de glace, nous avons à notre disposition une planète dont les températures sont presque toujours comprises entre 0 et 100°C, c’est-à-dire que nous disposons d’eau sous forme liquide. Mieux encore, la roche qui constitue la croûte subit de ce fait l’action de l’eau (gel, dégel, érosion), ainsi d’ailleurs que l’action de l’air (oxygène, gaz carbonique). La roche subit en conséquence des désagrégations propices à la croissance de végétaux, rudimentaires au départ comme les algues microscopiques, puis de plus en plus complexes, les débris des végétaux morts favorisant à leur tour le développement de leurs successeurs. Ce substrat engendre la prolifération des microbes qui concourent à la rendre fertile, puis des vers etc. Au terme de plusieurs milliers d’années, la roche est sur quelques décimètres d’épaisseur l’humus qui, avec les particules inertes d’argile, constitue la terre arable. Il est symptomatique que l’on désigne par le même mot “terre” le sol que l’on laboure, la boule de glaise que l’on pétrit et la planète elle-même sur laquelle nous vivons.

La Terre est la seule planète qui ait un sol, et toute la vie, y compris nous-mêmes, provient de se sol.

La situation actuelle

Les terres agricoles

Pendant des millénaires, la faible population humaine s’est accommodée de la chasse et de la cueillette pour subsister.

Ce sont les premières civilisations agricoles, il y a 8 000 ans, qui ont à la fois permis de nourrir une population plus nombreuse et introduit, si l’on ose dire, l’érosion, conséquence d’une domestication mal contrôlée. En ruinant ainsi la terre par de mauvaises pratiques, l’agriculteur a provoqué les premières famines. Au fil des siècles, l’homme a pris conscience qu’il ne fallait demander à la terre que ce qu’elle pouvait fournir sans l’user. De longues périodes de stabilité ont existé dans les civilisations quand on a pu vivre en bonne intelligence avec le sol. Comme le racontent les microbiologistes des sols Lydia et Claude Bourguignon, les sols des pays méditerranéens ont été progressivement épuisés par la culture du blé mal maîtrisée, ce qui a conduit à les consacrer à des céréales moins difficiles, comme le seigle, puis aux arbres fruitiers (amandiers et oliviers) encore moins exigeants, jusqu’à la vigne, étape ultime que l’on atteint quand le sol ne peut plus rien porter.

Dans le même registre, certains pensent que la disparition de la civilisation de l’Ile de Pâques a pour cause une utilisation abusive des forêts pour le chauffage et la construction.

Au XIXe siècle, la France atteint un équilibre entre son environnement ses besoins. C’est au tournant de ce siècle qu’apparaît la chimie qui ambitionne de révolutionner le labourage et le pastourage chers à Sully. C’est alors également que les consommations frugales de la population française, essentiellement rurale, explosent, notamment du fait d’une consommation carnée de plus en plus importante. C’est alors enfin qu’on développe des herbicides, des insecticides et des fongicides dont la vocation est de détruire respectivement la flore, les insectes et les bactéries que l’humus recèle en grandes quantités et dont la disparition conduit à la stérilisation progressive des terres agricoles.

L’agriculteur était jusqu’à présent le protecteur naturel du sol qu’il cultivait.

Désormais, le sol n’est plus sa préoccupation : il se conforme aux directives des sociétés qui lui fournissent les engrais industriels pour nourrir les plantes et les produits phytosanitaires pour les badigeonner. On préfère ignorer l’épuisement progressif des terres soumises à ces agressions chimiques tout comme la disparition de 50 % des oiseaux en Europe au cours de 30 dernières années.

Nous consommons en France de l’ordre de 400 kg de céréales par habitant et par an. Il s’agit de l’ensemble des céréales, celles que nous consommons directement, sous forme de pain par exemple, ainsi que celles qui ont été nécessaires à la production de nos aliments carnés.

Généralisées à toute la planète, une telle moyenne permettrait de nourrir trois milliards d’habitants, moins de 50 % de la population actuelle. Heureusement, si l’on peut dire, des pays comme l’Inde se limitent à 200 kg par an, moyenne que ce pays obtient avec une alimentation à base de riz agrémentée de viande une fois par mois !

Or, malgré des mises en garde, heureusement de plus en plus écoutées, malgré l’essor récent, hélas insuffisant, d’une agriculture respectueuse de l’environnement, l’agriculture dite moderne n’a toujours en tête qu’une augmentation de sa production et de sa productivité.

Maïs, soja et sorgho arrivent chaque année par millions de tonnes dans les ports européens en provenance d’Argentine et du Brésil pour nourrir nos poulets, porcs et bovins. Les logiques financières à court terme des banques agricoles et des circuits puissants d’approvisionnement en produits alimentaires ont évacue le souci à long terme de gestion de l’environnement.

Il faut ajouter à cette dégradation des sols arables les stérilisations importantes de sols agricoles pour accueillir les extensions urbaines, les routes et autoroutes, les zones d’activités particulièrement gourmandes en sols voués ensuite à l’imperméabilisation. Le paysan traditionnel limitait au strict minimum ses besoins en surface pour se loger, lui et ses animaux et stocker sa récolte, afin de consacrer aux cultures le plus possibles des faibles surfaces dont il disposait.

Maintenant, l’homme urbain devenu majoritaire dans la société, totalement déconnecté des préoccupations de ses ancêtres, rêve surtout d’un pavillon séparé de celui de son voisin, sur une parcelle où il pourra cultiver à loisir un gazon bien vert. La prise de conscience de ce gâchis se fait fort heureusement depuis quelque temps et on peut espérer que les plans d’urbanisme, comme c’est le cas dans plusieurs communes, imposeront une utilisation raisonnée des sols agricoles.

Enfin, nouvelle aventure pour l’agriculture, devant la fin plus ou moins prochaine des hydrocarbures extraits de la terre, “on” lui demande de participer à l’élaboration de biocarburants en y consacrant des surfaces importantes.

C’est d’ores et déjà le cas aux Etats-Unis où encore la moitié du maïs sert à fabriquer de l’éthanol, ce qui a entraîné il y a quelques années une montée des prix de la graine, déclenchant des émeutes dans le pays voisin, le Mexique, où le maïs est la nourriture de base de la majorité de la population.

L’eau

Si l’on se place maintenant du côté de l’usage de l’eau, on doit au préalable faire la distinction entre eau consommée et eau prélevée. Le plus souvent, l’eau prélevée pour les besoins domestiques, les usines hydroélectriques, les industries, est rejetée en majeure partie dans le milieu naturel, à l’exception d’une faible part qui s’évapore, de l’ordre de 10 %. En revanche, l’eau prélevée pour l’irrigation est véritablement consommée pour l’essentiel car elle est ensuite transpirée par la végétation, à hauteur de 70 %. Il en est de même pour l’eau de l’agriculture pluviale qui est entièrement évaporée. Il en résulte que l’agriculture, qui prélève globalement 66 % du total des prélèvements, est encore plus en tête du classement pour la consommation : 96 % de l’eau consommée est à usage agricole, soit 4 % pour les autres consommations, dont l’eau potable. Ce résultat peut sembler paradoxal parce que l’on est plus facilement frappé par des scènes de manques d’eau potable que par des sécheresses affectant les récoltes.

La généralisation de l’eau potable pour tous est un objectif que l’on pourrait atteindre en quelques années : il suffirait d’y consacrer un effort financier ridicule par rapport aux budgets militaires de la planète. En revanche, l’augmentation des ressources en eau nécessaires à l’agriculture, donc à la survie des humains, demande des investissements autrement plus importants. Notre vision est faussée également parce que nous habitons une région dans laquelle les sols arables et l’eau sont abondants et parce que les efforts à faire pour reconquérir la qualité des uns et de l’autre apparaissent somme toute la portée d’un pays comme le nôtre, riche en expertise et en capacités de réalisation.

Le tableau en page précédente appelle un certain nombre de commentaires.

Le riz exige des quantités d’eau importantes. Ce qui explique que lorsque l’eau n’est pas abondante, on doive se contenter d’une seule récolte par an avec l’eau de la mousson tandis que lorsque l’on dispose d’eau en abondance, on peut faire deux, voire trois récoltes par an. Ce qui montre également l’intérêt de la recherche agronomique pour mettre au point des variétés de riz moins gourmandes en eau.

Le blé demande lui aussi beaucoup d’eau, plus que le maïs pourtant réputé pour ses besoins. Le paradoxe n’est qu’apparent : le blé a besoin d’eau pour sa croissance, c’est-à-dire sous nos climats durant l’hiver et surtout le printemps, période où la pluviométrie est favorable. Quand la croissance est achevée et jusqu’à la moisson, les disparaissent. En revanche, pour le maïs, plante d’origine tropicale, les besoins liés à la croissance se situent en été, période pluvieuse en zone tropicale Nord, malheureusement période sèche en Europe. Il faut donc, en puisant dans des cours d’eau au plus bas de leur débit à cette période et à l’aide d’asperseurs parfois gigantesques, fabriquer des pluies tropicales artificielles !

On constate également les 13 m3 d’eau nécessaires à l’obtention d’un kilo de boeuf, soit 13 fois plus que pour 1 kg de blé. Quant aux produits maraîchers et aux pommes de terre, ils apparaissent comme peu gourmands en eau, surtout comparés aux produits carnés.

Comme on le sait, l’eau est très mal répartie sur la planète, à la fois géographiquement (régions humides, régions sèches) et dans le temps (inondations, sécheresses). Partout où il s’est installé, l’homme à cherché à s’assurer prioritairement la disponibilité de l’eau pour ses besoins. Les civilisations sont véritablement nées de la présence d’eau en abondance : le Nil en Egypte, le Tigre et l’Euphrate au Moyen-Orient. Quelques milliers d’années plus tard, l’Egypte, même après la réalisation du barrage d’Assouan, sait que sa ressource historique est menacée par les besoins des pays en amont, le Soudan et surtout l’Ethiopie. L’Irak et la Syrie sont de leur côté confrontés aux immenses investissements en barrages que fait la Turquie pour mettre en valeur sa région sud-est. Quant à l’ex-URSS qui jugé bon de détourner deux grands fleuves de l’Asie Centrale, l’Amou Daria et le Syr Daria pour produire notamment du coton dans les steppes de l’Asie centrale, ses successeurs doivent faire face aux conséquences néfastes de ces investissements gigantesques : disparition presque totale de la mer d’Aral où aboutissent ces fleuves, pollution, disparition des poissons.

Plusieurs pays puisent délibérément dans les eaux souterraines à un rythme très supérieur à celui de leur reconstitution. Aux Etats-Unis par exemple, en Arizona, on pompe plus 400 millions de m3 par an alors que les nappes ne se rechargent qu’à raison de 200 millions de m3 ; dans les Hautes Plaines du pays, on a désormais consommé 20 % de la réserve. Les prélèvements excessifs dans la région de Madras en Inde ont eu pour effet la salinisation des nappes par l’eau de mer jusqu’à 10 km de la côte. Plus près de nous, et nous en sommes bon gré mal gré les acteurs, la région sud-est de l’Espagne s’est convertis à l’agrumiculture et au maraîchage intensif pour devenir le premier fournisseur de l’Europe en la matière. Les nappes des vallées étaient, jusqu’à il y a peu, sollicitées par des prélèvements inférieurs aux apports des cours d’eau. Maintenant les prélèvements dépassent de très loin les apports. On va donc lucidement vers la ruine de l’agriculture de cette région.

Plusieurs pays puisent délibérément dans leurs eaux souterraines à un rythme très supérieur

à celui de leur reconstitution.

Les décennies à venir

Si l’on se place aux alentours de 2050, l’hypothèse communément admise est celle d’une population de 9 milliards d’habitants. Les prévisions climatiques sont généralement assez pessimistes, l’augmentation inexorable, dans la situation géopolitique actuelle, du taux de gaz carbonique dans l’atmosphère conduisant à des dérèglements climatiques certains, même si leur localisation et leur importance sont difficiles à apprécier. L’amélioration prévisible et souhaitable de l’alimentation des terriens sous-alimentés actuellement amène à comparer les ressources dont actuellement amène à comparer les ressources dont nous disposerons alors en terres arables et en eau aux besoins en denrées alimentaires qu’il faudra produire.

Même si de telles extrapolations sont hasardeuses, on aboutit à un résultat très inquiétant.

Notre planète aura toutes les peines du monde à nourrir ses enfants. En matière d’eau, les besoins physiologiques étant assurés sans problème, les besoins pour l’agriculture devraient pouvoir l’être aussi. Il y a des contraintes à cela. Notre planète n’aura jamais assez d’eau pour nourrir neuf milliards d’êtres humains qui consommeraient de la viande au rythme actuel des habitants des pays riches, sans parler du fait qu’une surconsommation en calories conduit à l’obésité : il s’agit donc également d’un problème grandissant de sa santé publique.

Ce sont les terres agricoles qui risquent de faire défaut. Certains pays l’ont compris, qui cherchent d’ores et déjà à se procurer des terres arables dans des pays étrangers afin d’assurer la production alimentaire actuelle et surtout future de leur population (Corée du Sud, Chine, monarchies du Moyen-Orient).

Il faudra limiter la production des biocarburants qui utilisent des terres agricoles au détriment des productions alimentaires. Qui arbitrera entre l’un ou l’autre ? Le marché comme on dit ou une instance internationale ?

Il faudra limiter l’utilisation pour l’agriculture des surfaces protégées, ce que l’on appelle les écosystèmes, qui représentent 2,5 milliards d’hectares actuellement. Les scénarios actuels prévoient qu’il faudra les utiliser en partie pour la production alimentaire, ce qui les ramènerait à 1,6 milliards d’hectares, et 1 milliard d’hectares si on consacrait 600 millions d’hectares à la production de biocarburants, ce qui ne couvrirait en fait qu’un faible pourcentage des besoins énergétiques à cette échéance. Des défrichements gigantesques sont déjà en cours : en Amazonie, à Sumatra, pour des productions de biocarburants ou d’oléagineux. La poursuite inexorable de ces défrichements peut, à juste titre, nous faire frémir.

Une activité humaine nouvelle surgit en ce moment : le recours aux huiles et au gaz de schistes. Cela risque de réduire à néant les décisions sages qui sont prises depuis quelque temps en faveur des énergies renouvelables respectueuses de l’environnement. On espérait que ces dernières seraient rapidement compétitives devant les hydrocarbures en début d’extinction et donc condamnés à un renchérissement. Or, les gaz de schistes remettent en question ce scénario. Si certains pays, notamment européens, ont renoncé jusqu’à ce jour à les utiliser, à cause principalement de leurs effets destructeurs sur l’environnement, d’autres nations comme les Etats-Unis et le Canada y recourent délibérément. Pour les Etats-Unis, il s’agit de profiter de cette nouvelle ressource énergétique pour retrouver dans ce domaine une autonomie perdue depuis quelques décennies. Il y a là sans doute une justification à leur faible implication au récent Congrès de Rio. Quant au Canada, il a déjà manifesté sa position en se retirant en décembre dernier du Protocole de Kyoto.

Cette nouvelle donne bouleverse les hypothèses qui misaient sur un début de sagesse des Etats. Va-t-on recommencer un cycle de prélèvements destructeurs de l’environnement et de la biodiversité avec une énergie à nouveau bon marché ? Quelles en seront les conséquences, à priori défavorables pour le climat, donc pour les potentialités agronomiques des terres arables ?

Nous savions qu’on entrait dans une période difficile avec des choix cruciaux à faire. L’avenir devient plus compliqué à appréhender. Les Etats se rétractent sur leurs intérêts immédiats, les nantis ne voient pas au nom de quoi ils devraient diminuer leur niveau alimentaire, voire leurs gaspillages, les classes moyennes qui émergent dans leurs pays en développement rapide ne rêvent que de goûter à leur tour aux modes de vie des pays très développés et n’admettraient pas qu’ils ne puissent plus y accéder.

Comment s’en sortir ?

Quel mécanisme international pourra nous ramener à la raison ? Pourra-t-on limiter les défrichements et maintenir la biodiversité que nous nous arrogeons le droit de faire disparaître alors que nous en faisons partie ? Va-t-on répéter, à l’échelle de la planète cette fois, la catastrophe qui a vu la disparition de l’espèce humaine sur l’île de Pâques ? Une fraction de l’humanité va-t-elle envisager la disparition d’une autre fraction au prétexte qu’il n’y a plus assez de terres pour tout le monde ?

Les hommes ont pu, dans certaines conditions, s’organiser pour mettre fin à une pollution mondiale. Le graphique ci-contre concerne l’évolution d’une substance entre 1800 et nos jours. On voit sur le graphique qu’elle a crû rapidement jusqu’en 1970, date à partir de laquelle elle a décru encore plus rapidement jusqu’à disparaître pratiquement.

De quoi s’agit-il ?

Il s’agit du plomb que l’on mesure dans les neiges et les glaces du Groënland.

Ce plomb provenait essentiellement des carburants additionnés de plomb durant de longues années. Sous la pression des écologistes, l’essence sans plomb s’est imposée et la diminution du plomb dans l’air a été immédiate.

Même si l’on doit se réjouir d’un tel exemple, il est certain que le succès de la disparition de la pollution au plomb ne peut se répéter aussi facilement quand il s’agit de toutes les terres arables.

Que pouvons-nous faire ?

A notre niveau individuel, il faut adopter une vie plus frugale, s’informer de la provenance proche ou lointaine des aliments que nous achetons, de la manière dont ils sont produits et commercialisés. Faire des choix en conséquence, expliquer autour de nous les raisons de nos choix quand l’occasion se présente, surtout auprès des jeunes qui sont les plus réceptifs à ces problèmes et donc les plus aptes à généraliser des pratiques plus vertueuses, militer quand c’est possible dans les associations qui font prendre conscience des dangers écologiques qui nous menacent. En définitive, donner l’alerte aussi souvent que possible. Au niveau collectif, il faut participer aux activités citoyennes sous toutes les formes possibles, non pas en jérémiades, mais en actions collectives. Il faut interroger les responsables politiques en leur demandant de se fixer un horizon de développement soutenable qui dépasse la seule solution des problèmes du moment.

Le défi du nouveau millénaire, c’est celui de la réconciliation de l’homme avec sa planète, la Terre.

André Lefeuvre

de l’Association Hydraulique sans Frontières

avec l’apport d’Ahmed Aïdou

enseignant chercheur à l’Université de Rennes

Tous deux intervenants

aux Journées d’été 2011 de Parvis.




Après Rio + 20… Développement durable

Conférence mondiale sur le développement durable : Après Rio + 20

Rio contre Rio+20 : 0 à 0 ?

Par Dominique Mourlane

Rio vient de voir se dérouler le sommet de la Terre, 20 ans après le premier qui se tenait lui aussi à… Rio, ainsi va Rio + 20 (1992 – 2012). En terme de présence, ce sommet a vu une redoutable augmentation du nombre de présents, passant de 110 à 130 chefs d’États et de 2 500 à plus de 50 000 participants entre 1992 et 2012. Notons au passage l’absence des plus gros pollueurs : États-Unis, Allemagne, Russie, Angleterre.

Mais est-ce là l’essentiel ? Que recouvrent ces sommets dans le concret ?

Le sommet de Rio avait acquis 5 grands axes :

– La Charte de la Terre ou déclaration sur l’environnement et le développement, qui énonce les principes de gestion responsable des ressources. Ce texte sans contraintes est la pierre angulaire des sommets de la Terre et influence l’ensemble des autres orientations.
Si ses résultats au niveau planétaires ne se font pas toujours sentir, nous pouvons déjà constater qu’en France il a abouti à une modification de notre constitution en institutionnalisant le principe de précaution. (2005 loi Barnier). Pour quels effets ? La route est encore longue !

– La déclaration sur la forêt. Ce texte reconnaît aux États le droit d’exploiter les forêts à condition que ce soit fait d’une manière écologiquement viable, dans l’intérêt des générations futures et sous réserve que cette exploitation ne génère pas de dommages à d’autres États.
Nous pouvons constater un ralentissement du déboisement au niveau international passant de 16 millions d’ha/an en 1990 à 13 millions dans les années 2000. Il est aussi nécessaire de reconnaître que le projet Yasuni ITT en Amazonie transforme les esprits. Sous l’impulsion de la société civile équatorienne, le président Rafael Correa a décidé de laisser sous terre quelque 920 millions de barils de pétrole pour éviter l’émission de 410 millions de tonnes de CO2. Dans cet échange qui préserve en outre la faune et la flore de cette partie de l’Amazonie riche en biodiversité, il est demandé une contribution financière aux pays qui polluent le plus, estimant ce montant à la moitié des ressources financières que l’Équateur aurait pu gagner en exploitant ce pétrole. C’est un excellent moyen de faire reconnaître la dette écologique historique.

– La Convention sur la biodiversité biologique. Il faut admettre que cette convention qui reconnaît aux États la propriété de leurs ressources biologiques, a permis d’étendre les espaces protégés, les faisant passer de 8 millions de km2 en 1980 à 16 millions en 2000. C’est également cette convention qui a permis la création du Protocole de Carthagène en 1998 qui entre autres permet de limiter l’introduction des OGM en le présentant auprès de l’OMC. De même cette convention a permis la signature du protocole de Nagoya en 2010 qui garantit un meilleur accès aux ressources génétiques avec un partage plus équitable des avantages de leur utilisation.

La convention climat. Afin de prévenir un dérèglement du climat, cette convention a pour objectif de stabiliser la concentration des gaz à effets de serre (GES) dans l’atmosphère.
Elle s’appuie sur les travaux du groupe international d’expert sur le climat (GIEC). Elle a donné naissance au protocole de Kyoto (1997) qui a vu des pays, dont l’Europe, s’imposer des objectifs chiffrés… Ces objectifs ont été prolongés en 2011 à Durban, sans l’accord des principaux émetteurs de GES (États-Unis, Chine, Russie, Canada et Japon). L’émergence d’une prise de conscience ne s’accompagne pas toujours d’une mise en application nécessaire.

L’agenda 21 doit permettre de développer le développement durable au niveau local. Dans un cadre démocratique invitant les populations locales à s’inscrire dans les schémas proposés sont traités les sujets tels la gestion des substances chimiques, la gestion des ressources en eaux, la désertification, la protection des océans, la pollution de l’air, la pauvreté, la santé,… L’agenda 21 a suscité beaucoup d’engouements et permis de donner le jour au programme REACH (Enregistrement, évaluation et autorisation des produits chimiques — en anglais : registration, evaluation and authorisation of chemicals) Certains objectifs sont atteignables à ce jour, comme de réduire de moitié d’ici 2015 la population sans accès à l’eau. Le taux de pauvreté selon les Nations Unies serait passé de 45 % en 1990 à 27 % en 2005. Le développement des énergies renouvelable peut aussi se ranger dans les acquis de l’agenda 21.

Ces 5 grands axes qui tentent de transformer l’état d’esprit général, remplissent quelques succès, mais souvent les États-Unis se désolidarisent de ces initiatives suivies dans leur exemple par la Chine et quelques autres pays fortement industrialisés. Les solutions individuelles, si elles doivent être encouragées, ne peuvent pas se dissocier de volontés politiques fortes. Malheureusement c’est cette volonté que nous ne voyons pas surgir de ces différents sommets de la Terre. L’idée d’une OME (organisation mondiale de l’environnement), à condition qu’elle intègre de manière forte la problématique africaine, peut très bien être un moteur de progrès pour les questions d’environnement, à condition qu’elle s’impose à l’OMC.

Malgré ça les mentalités progressent, car en marge de ce sommet de Rio 2012, les syndicats se sont retrouvés pour affirmer leur « conviction que notre modèle actuel de production et de consommation, guidé par le profit, est source d’inégalités sociales et de dégradation de l’environnement et doit être remplacé si nous voulons garantir un développement réellement durable ». Ils « affirment qu’il est nécessaire de garantir que les biens communs et les ressources naturelles et énergétiques soient et restent de propriété publique et que leur préservation et leur administration soient publiques et sous contrôle social ».
Ils « demandent aux gouvernements de financer avec des fonds publics une recherche scientifique qui contribue à l’objectif de soutenabilité à long terme, construite de façon démocratique et avec la participation de la société. »
Les syndicats « s’engagent à utiliser leur capacité organisationnelle et leur expérience issue des luttes du passé afin de former un mouvement puissant et organisé à l’échelle mondiale, de sorte à veiller à ce que les gouvernements et les entreprises, réticents à agir, prennent les mesures appropriées pour s’attaquer au changement climatique et le stopper. » Ils « s’engagent à renforcer les alliances avec d’autres mouvements sociaux, environnementaux et populaires, avec les femmes, les peuples indigènes, les jeunes, et les chercheurs, en faveur d’un développement durable ».

Une page pourrait bien se tourner là, dans la mesure où les syndicats, au niveau mondial, officialisent l’entrée dans leur gouvernance des questions environnementales.

Reste la question des dirigeants nationaux et le rôle de l’OMC, du FMI et des instances internationales dans ce contexte de plus en plus tendu.
Le résultat de ce sommet de la Terre, via les dirigeants de pays, s’attache plus aux contraintes économiques qu’aux dangers que cette économie fait peser sur notre écosystème entrainant ainsi de simples effets déclaratifs.
Le texte final ne trace aucune route, n’a aucune ambition pour résoudre les défis que le monde rencontre et prend au final la décision… de laisser les décisions se prendre plus tard.
Les intérêts de classe auront été très présents à Rio aussi cette année puisqu’un désaccord persiste entre la quasi-totalité des pays développés et les pays industrialisés sur le maintien dans le texte de la référence au principe de “responsabilités communes mais différenciées”, lancé au sommet de la Terre de 1992, qui fait peser une moindre pression sur les pays en développement.
On voit là que les intérêts de groupes particuliers vont à l’encontre des intérêts communs.
Il faudra beaucoup d’autres sommets de la Terre et une pression populaire beaucoup plus forte pour que l’avenir de la Terre soit pris en considération par nos dirigeants, qui pour l’instant se laissent convaincre par les intérêts économiques. La proximité du G20 et les priorités données au “sauvetage de la finance mondiale ainsi qu’au marché” laissent peu de chance pour que l’environnement soit pris en compte et le signal envoyé depuis Los Cabos au Mexique en direction de Rio au Brésil ne laisse rien augurer de bon dans ce sens, surtout compte tenu de la déclaration finale qui oublie toute ambition environnementale.
Bien qu’il soit déjà trop tard et même dans cette situation catastrophique où les grands élus de ce monde se détournent du sommet de la Terre, il faut encore et encore œuvrer pour l’avenir de notre Terre et pour celle de nos enfants.

Dominique Mourlane

co-responsable de la commission

Développement écologique et social de l’UFAL

22 juin 2012

 

Les défis de Rio+20

Par Ignacio Ramonet

Le Brésil accueille à Rio de Janeiro, du 20 au 22 juin, la Conférence mondiale des Nations unies sur le développement durable, également appelée “Rio+20″ parce qu’elle a lieu – au même endroit – vingt ans après le premier grand Sommet de la Terre de 1992. Plus de 80 chefs d’Etat et de gouvernement y sont attendus. Les discussions porteront principalement sur deux sujets centraux : 1) une “économie verte” dans le contexte du développement durable et l’éradication de la pauvreté ; 2) le cadre institutionnel du développement durable. Parallèlement à la Conférence officielle, un grand Sommet des peuples rassemblera de milliers de mouvements sociaux et d’organisations écologistes du monde.

Les questions environnementales et les périls liés au changement climatique continuent de figurer parmi les principales urgences de l’agenda international [1]. C’est une réalité. Même si elle paraît occultée, en Europe et en ce moment, par la gravité de la crise économique, financière et sociale.

L’eurozone connaît, en effet, une période de très grandes difficultés en raison de l’échec manifeste des politiques d’austérité. Plusieurs pays de l’Union européenne (UE) sont en récession, avec un chômage en forte augmentation et de dramatiques tensions financières. L’Espagne, en particulier, traverse son moment le plus critique depuis 2008 et la chute de la banque Lehman Brothers. Ce pays est devenu, après la Grèce, le “maillon faible” de l’euro. Les capitaux le fuient désormais massivement. La prime de risque (l’écart entre les taux des obligations à 10 ans de l’Allemagne et de l’Espagne) a atteint les niveaux les plus élevés depuis la création de la monnaie unique, menaçant de contraindre Madrid à demander (comme la Grèce, l’Irlande et le Portugal) une aide extérieure. Enfin, les craintes les plus vives s’expriment à propos de la fiabilité du système bancaire espagnol après la scandaleuse banqueroute-nationalisation de Bankia, quatrième établissement financier du pays par le nombre d’actifs.

Le pessimisme se répand donc en Europe. L’économiste américain Paul Krugman, Prix Nobel, a jeté de l’huile sur le feu, le mois dernier, lorsqu’il a prédit que, “fort probablement” la Grèce quittera l’euro durant ce mois de juin… [2]. Un abandon de l’euro par Athènes pourrait entrainer, par effet domino, une fuite de capitaux des autres pays menacés (Irlande, Portugal, Espagne, Italie, Belgique), et une ruée massive des particuliers vers les guichets bancaires (bank run) pour retirer leurs dépôts. Selon Krugman, il n’est pas impossible que, pour éviter cela, des pays comme l’Espagne et l’Italie en viennent bientôt à décréter – comme le fit l’Argentine en 2001 – la limitation du montant des retraits bancaires que pourraient effectuer les particuliers.

L’euro tiendra-t-il ? S’effondrera-t-il ? Ces questions préoccupent de nombreux citoyens qui suivent avec expectation, le calendrier électoral européen : élections législatives françaises du 10 et 17 juin ; et élections parlementaires grecques ce même 17 juin. Mais aussi, le sommet de Bruxelles des 28 et 29 juin qui décidera peut-être si l’UE poursuit le sentier allemand de l’austérité jusqu’à la mort, ou si elle s’engage sur la voie française de la croissance et du redémarrage. Dilemme vital.

Malgré leur dramatisme, ces questions ne doivent cependant pas nous faire oublier que, à l’échelle de la planète, il y a d’autres dilemmes non moins décisifs. Et le premier d’entre eux est le désastre climatique dont il sera question à Rio de Janeiro. Rappelons que, en 2010, le changement climatique a été à l’origine de 90% des catastrophes naturelles qui ont provoqué le décès de quelque 300 000 personnes et des dégâts économiques estimés à plus de cent milliards d’euros…

Autre préoccupation : en Europe, les citoyens réclament, à juste titre, davantage de croissance pour sortir de la crise. Mais à Rio, les écologistes ne manqueront pas d’avertir que la croissance – si elle n’est pas durable – signifie toujours une plus grande détérioration de l’environnement et un plus grand danger d’épuisement des ressources limitées de notre planète…

Des dirigeants mondiaux, ainsi que des milliers de représentants des gouvernements, d’entreprises privées, d’ONG, de mouvements sociaux et autres groupes de la société civile, se réunissent donc à Rio pour définir précisément un agenda global qui garantisse la protection durable de l’environnement, et aussi pour réduire la pauvreté et promouvoir l’égalité sociale. Le débat principal portera sur le concept d’”économie verte” que défendent les représentants du néolibéralisme, opposé à celui d’ “économie solidaire” promu par les mouvements engagés dans le dépassement du modèle actuel de “développement prédateur”, fondé sur l’accumulation privée de la richesse.

Les pays riches viennent à Rio avec cette proposition principale d’une “économie verte“. Un concept piège qui se borne à désigner, le plus souvent, un simple camouflage vert de l’économie pure et dure de toujours. Un “verdissement”, en somme, du capitalisme spéculatif. Le marché étendu, sans limite, à la Nature. Ces pays veulent que la Conférence Rio+20 leur accorde un mandat des Nations unies pour commencer à définir, à l’échelle planétaire, une série d’indicateurs de mesure pour évaluer économiquement les différentes fonctions de la nature, et créer ainsi les bases d’un marché mondial des services environnementaux.

Cette “économie verte” souhaite non seulement la mercantilisation de la partie matérielle de la nature, mais aussi la mercantilisation des procès et fonctions de la nature. En d’autres termes, l’ “économie verte”, comme l’affirme l’activiste bolivien Pablo Solon, cherche non seulement à marchandiser le bois des forêts, mais à marchandiser également la capacité d’absorption de CO2 de ces mêmes forêts [3].

Son objectif principal est de créer, par le truchement de l’investissement privé, un marché de l’eau, de l’environnement, des océans, de la biodiversité, etc. En attribuant une valeur marchande à chaque élément de la nature dans le but de garantir les profits des investisseurs privés. De sorte que l’ “économie verte”, au lieu de créer des produits réels, construira un nouveau marché immatériel de bons et d’instruments financiers qui se négocieront à travers les banques. Ce même système bancaire, coupable de la crise financière actuelle, qui a reçu des dizaines de milliards d’euros d’aide des Etats, disposerait ainsi, à loisir, de Mère Nature pour continuer à spéculer et à réaliser de nouveaux profits.

Devant de telles positions, la société civile organise en parallèle à Rio, un gigantesque Sommet des peuples. Elle y présentera des solutions de rechange pour défendre les “biens communs de l’humanité”. Produits par la nature et par des groupes humains, à l’échelle locale, nationale ou globale, ces biens doivent appartenir à la collectivité. En font partie : l’air et l’atmosphère, l’eau, les rivières, les lacs et les océans, les terres communales ou ancestrales, les semences, la biodiversité, les parcs naturels, les langues, le paysage, la mémoire, Internet, l’information génétique, etc. L’eau douce est déjà acceptée, un peu partout, comme le “bien commun” par excellence, et les luttes contre sa privatisation, dans plusieurs Etats, ont rencontré des succès.

Une autre idée défendue par le Sommet des peuples est celle d’une transition graduelle entre une civilisation anthropocentrique et une “civilisation biocentrique“, centrée sur la vie, ce qui suppose la reconnaissance des droits de la Nature et la redéfinition du “bien vivre” et du bonheur de sorte que ces deux notions ne dépendent pas de la croissance économique infinie. Défense aussi de la souveraineté alimentaire. Chaque communauté doit pouvoir contrôler la nourriture qu’elle produit et consomme, rapprochant consommateurs et paysans, défendant une agriculture de terroir et bannissant la spéculation sur les aliments.

Enfin, le Sommet des peuples affirme également, entre autres : son désir d’un vaste programme de “consommation responsable” fondée sur une éthique du partage ; sa préoccupation à propos de l’obsolescence artificielle des produits ; sa préférence pour des biens produits par l’économie sociale et solidaire basée sur le travail et non sur le capital ; et son refus de tout produit réalisé par du travail esclave [4].

La Conférence Rio+20 offre ainsi l’occasion aux mouvements sociaux du monde de réaffirmer leur lutte en faveur d’une justice environnementale par opposition au modèle de développement spéculatif. Et sa méfiance à l’égard de la tentative de “verdir” le capitalisme. D’après ces mouvements, l’ “économie verte” n’est pas la solution à la crise environnementale et alimentaire actuelle. Au contraire. Il s’agit d’une “fausse solution” qui pourrait aggraver le problème de la marchandisation de la vie [5]. En somme, un nouveau déguisement du système. Alors que les citoyens en ont assez des déguisements. Et du système.

Ignacio Ramonet

Chronique du mois – 1er juin 2012




Petite histoire du nucléaire

Petit historique du nucléaire.

Vers la fin du XIXème siècle et au début du XXème siècle, les avancées remarquables de la physique ont ouvert des horizons nouveaux avec la découverte de la radioactivité et de réactions fondamentales, la fission et la fusion. Dans la fission des éléments chimiques les plus lourds, par exemple de l’uranium 235, la cassure du noyau engendre des éléments plus légers en dégageant de l’énergie. Dans la fusion, les éléments les plus légers, les noyaux d’hydrogène, engendrent le noyau d’un élément plus lourd, l’hélium, en dégageant également une grande quantité d’énergie.

Dans ces deux types de réactions nucléaires, le bilan fait apparaître une perte de masse entre les éléments produits : la quantité (m) disparue est devenue source d’énergie (E), comme le prévoit l’équation établie par Einstein en 1905, E = mc2 (où « c » est la vitesse de la lumière) comme conséquence de la théorie de la relativité.

La dissipation brutale de l’énergie ainsi créée conduit à une bombe ; son émission contrôlée à une utilisation industrielle. Le processus de fission est à l’origine des bombes A et des centrales nucléaires.

Les noms d’Henri Becquerel, Pierre et Marie Curie sont associés aux découvertes portant sur les phénomènes de radioactivité. C’est Frédéric Joliot-Curie qui a découvert en 1939 la réaction en chaîne qui permet au processus de fission de s’entretenir.

Le processus de fusion qui transforme l’hydrogène en hélium a été décrit pour la première fois par Jean Perrin en 1929 ; il est la source de l’énergie produite par le Soleil au sein duquel il s’effectue de façon régulière et contrôlée. On sait maintenant le réaliser sur Terre de façon explosive, dans la bombe H, mais on ne sait pas encore le réguler pour en faire une source d’énergie utilisable.

Le nucléaire militaire.

Ces découvertes, intervenant un peu avant les débuts de la Seconde Guerre mondiale, vont être exploitées à des fins offensives. Les Etats-Unis ont compris de suite l’intérêt de cette formidable source d’énergie et, mis en garde par Einstein des risques encourus si l’Allemagne nazie s’en emparait, ils créent en 1942 le projet Manhattan destiné à structurer les recherches et fabriquer la bombe. Après d’intenses efforts, la première bombe atomique est réalisée en juillet 1945, expérimentée avec succès à Alamagordo dans le désert du Nouveau Mexique, puis lancée les 6 et 9 août suivants sur les villes japonaise d’Hiroshima et Nagasaki, sur l’ordre du Président américain Harry Truman sous le prétexte avancé de mettre fin à la guerre du Pacifique.

Quelques mois après cette tragédie, sous l’impulsion du général de Gaulle, est crée en France le Commissariat à l’énergie atomique (CEA) dont le but était de s’approprier la technique de construction de la bombe et de poursuivre la recherche nucléaire afin de prévoir ses futures applications.

En 1949, l’URSS fait exploser sa première bombe atomique dans le Kazakhstan. L’appel de Stockholm contre la bombe atomique (initié en 1950 par Frédéric Joliot-Curie et le Mouvement de la Paix) obtiendra plus de 150 millions de signatures dans le monde.
Mais cela n’empêche par les Etats-Unis, inquiets des réalisations rapides de l’URSS (renseignée par un solde réseau d’espionnage), de fabriquer une bombe H, 1000 fois plus puissante, qu’ils feront exploser en 1952. L’URSS répliquera trois ans plus tard par sa propre bombe H.

C’est l’escalade, chaque puissance voulant s’équiper de l’arme nucléaire. En France, le CEA décide d’un programme de mise au point d’armes nucléaires en 1954 ; en 1960 est testé un premier engin à Reggane et en 1968 la France fait exploser un dispositif de fusion thermonucléaire (bombe H). Elle devient la cinquième puissance nucléaire après les Etats-Unis, l’URSS, la Chine et le Royaume-Uni.

Cependant, à parti de 1954, conscients du danger et sous l’égide de l’ONU, les Etats-Unis et l’URSS ont signé des accords bilatéraux destinés à maîtriser les armements nucléaires. Puis, d’autres puissances s’étant équipées elles aussi, les accords devinrent internationaux ; ils aboutirent en 1968 au traité de non prolifération des armes nucléaires (TNP) signé par 189 pays, dont la France en 1992 ; trois pays, Inde, Israël, Pakistan, ne l’ont pas signé.

Le traité d’interdiction complète des essais nucléaires (TICE) a été signé le 24 septembre 1996 par la plupart des puissances nucléaires et une centaine d’autres nations. Ce traité n’est cependant pas entré en vigueur car 9 pays dont la signature est rendue obligatoire ne l’ont pas encore signé ou ratifié.

Le nucléaire civil.

Pendant cette course à l’armement, le nucléaire civil se développe. L’URSS est la première à ouvrir une centrale nucléaire, à Obninsk en 1954. Deux ans plus tard, ce sera le tour de la Grande-Bretagne. Le général de Gaulle, qui tient à l’indépendance nationale, autorise en 1967 EDF à construire deux réacteurs à Fessenheim dans le Haut-Rhin.
Deux événements internationaux vont conduire à une accélération spectaculaire du programme électronucléaire français. Le conflit israélo-arabe (notamment la guerre du Kippour), entraînant le premier choc pétrolier, met brutalement en évidence la dépendance énergétique des pays occidentaux et leur fragilité en la matière. En France, le Premier ministre Pierre Messmer, sous le gouvernement du Président Georges Pompidou, décide en 1974 d’accélérer le programme nucléaire. Après le succès des réacteurs expérimentaux de Marcoule, l’entreprise publique EDF est chargée de mettre en place le programme électronucléaire français. Parallèlement aux centrales se développent des centres d’études nucléaires, tels Cadarache près de Manosque, et des usines de retraitement des déchets nucléaires, telle celle de La Hague. Ainsi se multiplient les équipements nucléaires ; aujourd’hui la France produit 78% de son électricité avec l’énergie nucléaire, ce qui lui permet d’atteindre un taux d’indépendance énergétique d’environ 50%.

Nicole Palfroy.




Les journées d’été “Poulancre 2011” -La Terre- Compte rendu

Les journées d’été Parvis : “Poulancre 2011” -la Terre- Compte rendu

Les journées d’été « Parvis » : Poulancre 14 – 17 Juillet 2011 « La Terre »

Compte-rendu des 14, 15, 16 Juillet (Conférences et Tables Rondes), à partir de notes prises sur place.

Jeudi 14 Juillet

Conférence d’introduction par A.Aïdoud et A. Lefeuvre : « Usage et usure des sols »
Remarque préliminaire : de 7 milliards actuellement, la population mondiale devrait passer à 9 milliards en 2050. Comment nourrir cette population ? … des solutions sont proposées bien sûr, comme par exemple élever des rats pour les manger …

L’EAU
Concernant la planète dans son ensemble, et son caractère « fini », la prise de conscience est récente. Or l’augmentation de la population provoque, et provoquera, des conflits pour la maîtrise de l’eau et de la terre arable :

§ Concurrence entre surfaces agricoles et surfaces urbanisées : l’urbanisation consomme en France tous les 10 ans la surface d’un département. Pour limiter les dégâts, on a édicté des plans d’urbanisme sévères, limitant le développement des lotissements à un périmètre restreint autour des bourgs, exigeant un minimum de 15-20 logements à l’hectare pour éviter la dispersion de l’habitat.

§ Concurrence entre extension des terres agricoles et maintien de la biodiversité.
Au Brésil par exemple, où de plus en plus de zones non défrichées jusqu’ici sont mises en culture, des dispositions sont prises pour éviter le grignotage de la forêt amazonienne … avec quels résultats concrets ?

§ Concurrence entre terres agricoles à vocation alimentaire et surfaces cultivées pour fournir des bio-carburants.
C’est ainsi qu’aux USA, l’utilisation du maïs pour fabriquer du carburant a provoqué une hausse catastrophique du prix du maïs, aliment de base de certaines populations. Ceci a du même coup engendré la spéculation.

§ Conflits autour de l’eau
Certaines zones sont en grand danger : le Mahgreb, le Moyen-Orient, le Mexique entre autres … On y prélève plus de 75% de l’eau qui coule dans les cours d’eau . Par ailleurs, certains états n’ont pas la capacité de mettre en œuvre les ressources en eau nécessaires . ( Afrique, Amérique Centrale, Inde du Nord, Viet-Nam )
En Europe, on peut avancer que d’ici 20 ans, on aura :
– des zones encore « normales »
– des zones où la situation sera tendue ( Espagne du Nord, Italie du Nord )
– des zones de pénurie ( Sud de l’Espagne et de l’Italie ; Turquie, Pays-Bas )

LES ENERGIES FOSSILES
La consommation effrénée de nos jours contraste avec l’usage jadis limité du bois comme fournisseur d’énergie. Depuis deux siècles et demi, la machine à vapeur a fait exploser l’utilisation du charbon, dont le plus gros consommateur actuel est la Chine. Les réserves de charbon sont encore importantes, mais limitées.
Même chose pour le pétrole : depuis 150 ans, il a été le vecteur de la deuxième révolution industrielle, et il sera épuisé dans quelques dizaines d’années, la consommation mondiale augmentant de 2% chaque année . De plus, contrairement au carbone produit par les forêts, le carbone lâché à l’air libre par la combustion du pétrole produit du gaz carbonique qui augmente l’effet de serre, et donc le réchauffement climatique. On a constaté que la proportion de CO2, constante jusqu’en 1800, était à présent en augmentation exponentielle.
Ces changements climatiques sont inédits pour l’homme, qui joue les apprentis sorciers : on assiste à une augmentation de la pluviométrie dans le nord de l’Europe, et au phénomène inverse dans la zone méditerranéenne … il ne s’agit pas seulement d’un réchauffement, mais d’un dérèglement climatique.

LA TERRE
§ La notion de « terre nourricière » correspondait à une époque où l’homme était chasseur-cueilleur. Avec le développement de l’agriculture, et a fortiori de nos jours, c’est l’homme qui apporte à la terre des éléments nutritifs sous forme d’engrais.

§ Par ailleurs, les surfaces en terre cultivables sont limitées et l’homme cherche à les étendre, d’où un déboisement important

§ La formation d’une couche de terre cultivable est le résultat d’un processus long et complexe. Dans les fissures du roc vont se développer des mousses, des lichens, puis de petits végétaux du type « nombril de Vénus ». Leur décomposition, produite avec le temps grâce à l’action de bactéries et de micro-organismes divers, va finir par produire un humus cultivable. A ce propos, ne pas oublier que ces bactéries, micro-organismes que l’homme contemporain a tendance à dénigrer, sont des éléments indispensables à la vie.
Or, on assiste actuellement à l’appauvrissement des sols en matières organiques ; autrefois, on remédiait à cet appauvrissement dû à l’agriculture, grâce au fumier et au marnage. De nos jours, on nourrit les plantes et on les badigeonne de pesticides, en oubliant que cette couche arable, qui ne fait guère que 30 cms d’épaisseur, héberge 80% de la biomasse du globe.
La consommation humaine, prélèvement nécessaire à notre alimentation, est très disparate d’une région à une autre : il y a un écart énorme entre la consommation quotidienne d’un Américain du Nord et celle d’un Togolais. Pour une répartition honnête, on peut dire qu’il faudrait se limiter partout à la quantité consommée par un Indien moyen.

§ Les sols sont très variés : limons, grès, sols humides, sols méditerranéens plus secs et plus ferritiques, sols de la steppe aride, où existe seulement 10cms de sol fertile . Selon la nature des sols, les conditions climatiques, et le mode de culture, l’érosion peut détruire en quelques années une couche fertile vieille de 10.000 ans .
Le phénomène existe aussi en Europe, (érosion hydrique et éolienne ) mais il devient catastrophique avec le surpâturage en zone de steppe : la moitié de la matière organique peut être perdue en 12 ans .

§ Cette raréfaction des terres arables provoque une course à l’acquisition de terre ; la Corée du Sud était en passe d’acheter des milliers d’hectares à Madagascar, le gouvernement malgache semble avoir pris conscience du danger et le processus semble bloqué . La Chine contrôle des surfaces importantes au Laos et au Vietnam ; l’Arabie Saoudite en Indonésie, les Emirats arabes au Soudan et au Pakistan … et les Français achètent en Pologne et en Ukraine, le phénomène ne concernant pas seulement des organismes d’état, mais aussi des individus, voire des fonds de pension .

L’EAU
Il est intéressant de connaître la quantité d’eau nécessaire à la production d’un kilo de produit alimentaire :
– Riz : 1 500 à 2 000 litres
– Blé : 1 000 litres, mais répartis sur toute l’année, ne nécessitant pas d’arrosage en été .
– Maïs 700 litres, mais en été , donc à contre-saison, nécessitant un arrosage abondant
Les produits maraîchers ne sont pas gros consommateurs : 100 litres seulement pour la pomme de terre
Ces chiffres sont à comparer avec les quantités nécessaires à la production de produits animaux :
– Bœuf : 13 000 litres ( toujours pour 1 kilo ) Volaille 4000 litres
On constate l’énorme décalage existant entre productions végétales et productions animales .
Pour ce qui est de la consommation, le citoyen des USA a un régime largement déséquilibré, avec trop de produits carnés . Nous tous occidentaux devons revoir notre consommation à la baisse

Pour conclure : en 2050, c’est la terre arable qui risque surtout de manquer : pour nourrir 9 milliards d’hommes, il faudra prélever 3 milliards d’hectares de terres vierges … mais si on veut continuer à produire des biocarburants, ce sont 500 milliards d’hectares qu’il faudrait prélever sur les éco-systèmes !

Vendredi 15 juillet 2011

Conférence de Frédéric Rognon : le dialogue Ellul-Charbonneau : « le Christianisme est-il la cause de la destruction de la nature ? »
Professeur à l’Université de Théologie Protestante de Strasbourg, Frédéric Rognon présente d’abord les deux personnalités en question , qui étaient amis de jeunesse et resterons liés leur vie durant

Jacques Ellul (1912-1994)
Juriste, il appartenait à la Faculté de Droit de Bordeaux. Intellectuel, il était parfois qualifié de « Marxologue » : historien des institutions, c’était un grand spécialiste du Marxisme, sans être marxiste lui-même. Converti au Protestantisme à 17 ans, il a été toute sa vie engagé dans l’Eglise Réformée de France, il a même été membre du Conseil National, tout en étant parfois critique à l’égard de son Eglise.
A l’époque des « blousons noirs », il s’est engagé auprès des jeunes en rupture avec la société ; et, avec Charbonneau, il a été l’un des précurseurs des mouvements écologiques.
Auteur prolixe, il a écrit 58 livres, et quelque 1000 articles.

Bernard Charbonneau ( 1912-1996 )
Exact contemporain d’Ellul, à deux ans près ; il a lui aussi fait ses études à Bordeaux ; agrégé d’Histoire-Géographie, il a choisi de faire carrière à l’Ecole Normale de Pau.
Il a écrit 20 livres, dont certains où il traite de « la grande mue », bouleversement des paysages, notamment dans le Sud-Ouest français.
1937 : il écrit le premier ouvrage écologique : « Le Sentiment de la Nature, force révolutionnaire » . C’est le texte fondateur du mouvement écologique contemporain en France .
Charbonneau est un écologiste radical, partisan de la décroissance ; contrairement à Ellul, il est agnostique, mais travaillé par une recherche spirituelle .

Tous les deux sont restés dans l’ombre, peu publiés en France jusqu’à aujourd’hui : écrit par Ellul en 1949, « La Technique, ou l’Enjeu du Siècle », ne sera publié qu’en 1954. Ellul y déclare que la technique est en train de changer notre mode de vie, c’est un enjeu majeur de notre époque auquel on ne prête pas attention ; Marx avait raison à son époque, dit-il, mais ses vues sont dépassées au 20ème siècle. A l’Est ( en URSS ) comme à l’Ouest ( aux USA ) , on assiste à une course à la technologie, au productivisme, c’est une véritable mutation . Or ce discours était inaudible dans les années 50 !
De plus, Ellul n’avait jamais voulu « monter » à Paris, une démarche indispensable alors pour accéder à la notoriété ; et sa foi chrétienne était disqualifiante dans les milieux intellectuels français de l’époque.
Ce sont là deux personnages à contre-courant des modes intellectuelles. Pourtant Jacques Ellul a été reconnu aux USA dès les années 60, et il a été enseigné là-bas de son vivant, alors qu’il n’y est jamais allé !
Aujourd’hui, Ellul est réédité en France, où il jouit d’un intérêt croissant alors qu’il est un peu oublié aux USA . Il est connu aussi en Corée du Sud, pays émergent où se développe une conscience critique par rapport à la technique.
Il y a deux versants à la pensée d’Ellul :
§ Une critique de la société technicienne, montrant que la technique influe sur tous les aspects de notre vie
§ Une pensée théologique. Il était dans ce domaine autodidacte, mais passionné. Il a produit des commentaires bibliques et des essais de morale.
Le lien dialectique entre ces deux versants, c’est d’une part notre société qui court vers l’abîme : on fait ce qu’on fait avec la technique, dès qu’on peut le faire et sans réfléchir si c’est bien ; et d’autre part une réflexion sur l’agir chrétien dans cette société folle ; il reprend tous les aspects de la vie quotidienne, dans un discours confessant appuyé sur les textes bibliques . Il s’agit de cesser d’idolâtrer la technique pour l’utiliser avec discernement .
Ce volet d’espérance chrétienne nous amène à nous engager ; Ellul ( et Charbonneau ) ont, entre autre, lutté efficacement contre les projets de bétonnage de la côte aquitaine .
Ellul, pour sa part, insiste sur les deux versants de sa pensée : sans le Christianisme, dit-il à peu près, j’aurais arrêté de lutter ou je me serais suicidé.

Les responsabilités chrétiennes dans la crise écologique

Ce fut le thème d’un dialogue, d’un débat sans fin entre Ellul et Charbonneau, un débat qui les a conduits à approfondir leur pensée, grâce à leurs différences : creuser sa pensée jusqu’à la radicalité, mais aussi entendre le point de vue de l’autre .

Ellul
La question avait été posée par Nynn White en 1966 : elle accusait le Christianisme d’être responsable de la crise écologique contemporaine .

§ Pour Ellul, la Bible ne peut pas être tenue pour responsable des dérives ultérieures. C’est au contraire parce qu’on s’en est éloigné qu’il y a eu dérive. Il faut relire Gn 1,28 : « Remplissez la terre et dominez-la » (TOB)
« dominer » : le verbe hébreu signifie aussi prendre soin, veiller sur ; le contexte n’incite pas du tout à interpréter « dominer » ou « conquérir » (Chouraqui), comme l’attitude d’un potentat tyrannique ; au verset 27, il est dit que l’homme est créé à l’image de Dieu, d’un Dieu qui aime sa création ! et, au verset 29, le mode d’alimentation de l’homme ( et des animaux) est végétarien : l’homme de la Genèse ne tue pas pour se nourrir .
Il ne s’agit donc aucunement de saccager la création, mais de s’en montrer bons gestionnaires .
Deuxième exemple, tiré de l’évangile selon Matthieu : en Mt 10,29-30 : « Ne vend-on pas deux passereaux pour un sou ? Pourtant, pas un d’entre eux ne tombe indépendamment de votre Père » (TOB) Note de la TOB : littéralement : « sans votre Père » ; … l’expression signifie, soit que Dieu ne sera pas absent de la mort des disciples, soit que les disciples ne mourront pas pour l’Evangile sans que Dieu le veuille : leur mort ne sera pas un accident, elle aura une signification »
De toute façon, Dieu est présent à la mort d’un passereau, il ne s’en désintéresse pas.

§ La subversion du Christianisme.
Le message évangélique est par essence subversif, c’est une mise en question de toute forme d’ordre. Or nous avons subverti la subversion, nous en avons fait un nouvel ordre moral … et cela en dépit de l’existence de phares, tels que François d’Assise et Luther.
De même pour le saccage de la nature, les mouvements d’action catholique ont cautionné chez nous le productivisme après la seconde guerre mondiale, au motif qu’il fallait nourrir les habitants de la planète.

Charbonneau
Il était agnostique, mais de mère chrétienne. Adolescent, il a été formé au scoutisme protestant, qui lui a permis de découvrir la nature, mais qui était aussi à ses yeux un mode d’endoctrinement, d’embrigadement de la jeunesse.
Pour lui, le christianisme contient à la fois le poison et l’antidote, parce qu’il met un frein au productivisme effréné, à la domination de la terre par l’homme. Le saccage a commencé dans les pays protestants (USA), mais c’est là aussi que s’est développé la résistance à ce saccage.
Il faut donc acquérir un surplus de conscience, pour avaliser cette force de résistance subversive.

Le dialogue entre Ellul et Charbonneau est donc nourri des différences et des affinités entre les deux hommes . Ainsi, Charbonneau déclare qu’on pourrait faire de François d’Assise le patron des écologistes, et ne pas jeter le Christianisme par les fenêtres.
A noter que Nynn White prônait aussi une écologie d’inspiration chrétienne.

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Echange
§ Rôle non négligeable du Puritanisme américain dans le productivisme : réussir économiquement et financièrement était un signe de la bénédiction divine.
§ En France , la domination de la nature par l’homme a reçu la caution de Descartes, entre autres.
§ Le remembrement : catastrophique en Bretagne au début des années 60 ; on a ensuite évolué vers plus de modération.

Reprise de Frédéric Rognon
Ellul était aussi un spécialiste de la propagande ; il fait remarquer qu’on est manipulé, y compris dans les pays démocratiques. L’homme est plus malléable qu’on le croit, et il faut faire un réel effort de discernement pour résister. Il faut en réalité distinguer entre un fonctionnement de groupe, grégaire, qui est indispensable au fonctionnement d’une société humaine, et le fait de se laisser dominer et manipuler par la pensée ambiante : c’est une question d’équilibre, et, ici encore, de discernement.
A noter que le concept de nature est récent : on ne parle que de ce que l’on n’a plus, ou de ce qu’on risque de perdre : la nature est devenue un objet qu’on cherche à sauver, alors qu’elle était autrefois un milieu de vie qui allait de soi .

§ Une remarque sur le rôle de l’économie et du politique : stockage et spéculation aggravent encore les choses
Frédéric Rognon : Aujourd’hui, l’économie est-elle encore dominante ? le débat est ouvert. Ellul répondait à l’objection ci-dessus : c’est la technique qui prime en réalité ; la conquête spatiale est non rentable, or on y consacre une énergie et des sommes énormes.

§ Importance de la croissance démographique : est-elle prise en compte par Ellul ?
Frédéric Rognon : Oui ; elle n’est pas encore la cause première de la faim ; Ellul pour autant n’est pas technophobe, il considère que la technique est ambivalente : il faut savoir qu’à toutes les retombées positives d’un progrès technique sont liées des retombées négatives … ici encore, c’est une question d’équilibre et de discernement.
Réponse au problème de la grégarité : l’homme est un être grégaire, c’est vrai ; mais il y a une différence entre le grand groupe et le petit groupe. Quand le Christianisme a connu au 4ème siècle l’expansion que l’on sait, il est devenu impossible de vivre la radicalité du Christianisme. Au-delà d’une certaine taille du groupe, l’engagement radical devient impossible … la solution serait-elle de vivre en petits groupes associés en réseaux ?

§ Une question sur le risque de récupération de l’écologie par l’extrême droite
Réponse : Le risque existe ; ici, le christianisme peut être l’antidote, parce que les valeurs de l’extrême droite sont incompatibles avec un Christianisme authentique.

Table Ronde : «Cultiver ou exploiter ?»

Gérard Boscher : Agriculteur à Saint Mayeux, a pris sa retraite à 58 ans pour permettre l’installation d’un jeune agriculteur . Il déclare d’emblée ne pas aimer la notion d’ « exploiter »
Paul Tilly, de Saint Mayeux, retraité du Ministère de l’Agriculture, un habitué des enquêtes et des statistiques
Annie Le Guern : agricultrice retraitée, de Lanvénégen
Née en 1941, elle a connu en agriculture l’époque du « tout manuel »
Femme d’agriculteur, elle a partagé la vie et l’activité de son mari
Comment avons-nous évolué vers le productivisme ?
Début 1964, il y a eu une crise du porc : sur Lanvénégen s’est organisée une grève de la viande, pas un kilo de porc ne s’est vendu pendant un temps ; à cette époque, les porcs étaient nourris au lait, à la pomme de terre et à la betterave : après la grève, les porcs avaient engraissé, plus personne n’en voulait . Alors on a réussi à fréter un camion pour une vente dans de meilleures conditions . Tout cela a abouti à un regroupement des agriculteurs pour changer les façons de faire : il y a eu des ateliers truies, des ateliers engraisseurs, nous étions conseillés par des techniciens … nous avions mis le doigt dans l’engrenage !
On est passé à 20 cabanes truies, 100 porcs, des porcelets, nourris désormais avec des aliments tout prêts fournis de l’extérieur : un progrès pour nous, moins de travail fastidieux … Puis l’exploitation s’est diversifiée, avec des truies de sélection : pour tout cela, il a fallu emprunter , et donc produire, produire pour rembourser .
1973 : nous sommes passée à une ferme laitière, avec une stabulation libre ; une salle de traite mal conçue au départ, il a fallu en construire une autre … et emprunter ; le Crédit Agricole alimentait, désormais nous avons toujours vécu sur des emprunts .
Nous n’avions pourtant pas l’impression d’être des pollueurs : nos vaches étaient nourries aux céréales et à l’herbe ; la production de lait était exponentielle grâce aux progrès de la génétique . Notre sort, celui des femmes surtout, s’était amélioré ; la collecte du lait avait supprimé la corvée du beurre à baratter à la ferme ; puis les coopératives laitières ne voulaient plus ramasser dans les petites fermes, alors on a trouvé le système des tanks réfrigérés pour pouvoir conserver le lait à domicile . La solidarité a été réelle tout ce temps .

Gérard Boscher et Paul Tilly
Saint Mayeux comptait un millier d’habitants en 1960, 540 en 2008.
2000 hectares de terres labourables .
Vers 1960, il y avait 70 exploitations de 32 hectares chacune en moyenne .
On vivait en semi-autarcie, avec des cultures de céréales et de l’herbe pour nourrir les vaches . Chaque ferme était tenue par un couple, parfois aidé par un journalier . C’était le début des tracteurs, il restait quelques chevaux , et il y avait à Saint Mayeux des écoles primaires … et 15 bistrots ! qui étaient des lieux de convivialité .

En 200O : 40 exploitations ; Aujourd’hui : 24
Les exploitations font 100 hectares chacune ou plus ; elles sont gérées par 35 actifs : 64% des épouses travaillent à l’extérieur par manque de revenus dégagés par l’exploitation, et parce que les machines peuvent faire le travail .
Les cheptels sont plus nombreux ; peu d’exploitations sont gérées en société ( 2 GAEC de 200 hectares ) ; 80% des terres sont cultivées en fermage ; les nouveaux agriculteurs sont en général titulaires d’un BTS agricole , avec une moyenne d’âge de 25 – 50 ans .
Il n’y a pas de salariés dans ce mode de fonctionnement, sauf pour les CUMA ( Coopératives d’utilisation du matériel agricole ) . Ces CUMA ont permis une utilisation mutualisée et plus rationnelle du gros matériel, mais il a fallu assez vite salarier des gestionnaires .
« Exploitant » … le terme peut choquer, mais c’est le terme administratif : de cultivateur, on est devenu éleveur, puis exploitant … C’est ainsi .

Les produits : surtout l’élevage
§ Sur les 24 exploitations, 16 produisent des bovins (dont 3 pour le lait, 6 pour la viande, et 7 mixtes)
3 élevages de porcs hors sol
3 élevages de volailles (œufs et volailles de chair)
2 élevages de moutons Certains élèvent des chevaux, pour la boucherie et pour le loisir
Les cultures : 65% de fourrage, dont 15% en prairie naturelle, 15% en maïs fourrager, 36% en prairie temporaire . A quoi s’ajoutent 27% de céréales ( blé, orge) , du blé noir et du colza ; et 2% de cultures de légumes : pommes de terre, haricots, pois , courgettes.
Il existe aussi sur le territoire quelques peupleraies, des résineux, et du chêne américain .
La rotation des sols se fait entre prairies temporaires, céréales et légumes .

En fait, cette agriculture est surtout orientée vers la production animale intensive, avec apport de maïs, de soja , de protéines importées du Brésil .

Conclusions : Aujourd’hui ?
Annie : il y a eu beaucoup d’évolutions depuis les années 90, époque de ma retraite .
J’ai aimé ce métier, le travail de groupe, la solidarité ; l’apprentissage du métier m’a beaucoup apporté

Gérard : les jeunes diplômés qui s’installent ont davantage de connaissances, mais ils manquent de recul et ils sont soumis à l’autorité des banques et aux directives européennes .

Paul : l’investissement foncier ( 100 – 200 ha minimum ) est désormais trop important pour permettre l’installation de jeunes qui le désireraient .
Remarque : il y a à Saint Mayeux … de nombreux Anglais ! 100 maisons sur la commune, pas tous des résidents permanents, mais ils représentent un bon apport, et la collaboration est fructueuse et intéressante , car ils s’investissent dans la vie de la commune .

Rencontre avec René Louail, élu au Conseil Régional de Bretagne

René Louail appartient à la Confédération Paysanne, et à Via Campesina, organisation du monde paysan, qui compte , en Europe, 24 associations fonctionnant en réseau .
C’est un élu récent au Conseil Régional, il a pris sa décision en 2007 ; il y travaille au sein de la Commission Economie, s’intéressant entre autre au volet foncier.
§ Au plan mondial, le problème paysan se pose de façon aiguë au Brésil (paysans sans terre ) , en Inde, en Indonésie, en Afrique …
L’accaparement de la terre est central : on perd chaque année dans le monde la surface de l’Italie en terre cultivable ; rien qu’en Bretagne, 8000 hectares chaque année.
Le partage de la terre est aussi une condition pour résoudre le problème de la terre : les paysans qui quittent leur terre pour s’agglutiner dans les bidonvilles autour des métropoles aggravent les choses. Depuis 1990 – 2000, la perte de terre cultivable s’accélère, et le nombre de personnes souffrant de la faim augmente.
S’y ajoutent la marchandisation de la terre, les spéculations (augmentation récente du prix du blé ) ; le dérèglement climatique fait que se multiplient les zones d’aridité : dans les années à venir, on devra faire face à l’exode des migrants climatiques.
Il faut § changer les modes de production, mettre fin à l’accaparement des terres pour produire des carburants : 54% de la surface cultivée aux USA est mobilisé pour produire du méthanol.
Et en France ?
S’orienter en priorité vers la production de denrées alimentaires
§ cesser le gaspillage : la moitié des denrées consommables finissent à la poubelle !
§ avec bientôt 9 milliards d’hommes sur terre, il faut des changements rapides ; or les décisions démocratiques se prennent après 10-15 ans de réflexion au sein des opinions publiques.
On prend conscience actuellement :
§ que, mondialement, la population rurale représente encore la moitié de la population du globe ; et sur ce nombre, une minorité seulement de paysans sont mécanisés : on peut assez facilement améliorer les conditions de travail de ces petits fermiers
§ qu’il faut revoir nos modes d’alimentation, et réduire de façon drastique notre consommation de viande.
Ces prises de conscience sont un facteur d’espoir ; il y faut un engagement à la base, au niveau associatif et syndical.
Echange

§ Cette intervention est une bonne conclusion à ce qui a été dit ce matin ; les enjeux d’aujourd’hui conditionnent demain.
§ En Bretagne, mécanisation, culture intensive et algues vertes …
§ La méthanisation ? Ce n’est pas une bonne réponse au problème . L’azote demeure, il change seulement de nature ; c’est seulement une réponse sur le plan énergétique . Il n’est pas souhaitable de cultiver du maïs pour alimenter nos moteurs … En Bretagne, le phénomène est en recul depuis trois ans , on produit beaucoup pour peu de bénéfice, la production n’est pas compétitive ; continuer serait une fuite en avant . En Allemagne aussi , l’expérience est en recul .
Dans ce domaine, importance de la démarche pédagogique et non violente
§ Quelles sont les possibilités d’action du Conseil Régional ?
Des orientations peuvent être données pour inverser la tendance, pour aider davantage une agriculture sociétale plutôt qu’industrielle : l’aide européenne (PAC) va en partie à des firmes agro-alimentaires, alors que la moitié des paysans européens ( Roumanie, Pologne, Italie ) exploitent de petites fermes ; ce sont ceux-là qu’il faut aider en priorité .
Pour inverser la tendance, il faut un rapport de force solide, agir depuis la base .
Samedi 16 Juillet
Table ronde : «Local et international, quels engagements pour la terre ?»

BRUDED, de Silfiac, Terre et humanisme , CCFD , WOOFING

BRUDED
Né le 27 Septembre 2005, avec le regroupement et l’engagement de 10 communes rurales bretonnes ; le mouvement regroupe actuellement 120 collectivités locales dans les 5 départements bretons . Ce mouvement est né de la volonté des organisateurs de mutualiser les initiatives pour être plus efficaces, l’époque étant favorable avec un public de plus en plus sensibilisé aux problèmes de l’environnement .
Des groupes se rencontrent régulièrement pour traiter des initiatives locales : éclairage public, cantine … A Silfiac a été construit un lotissement « durable », entièrement conçu pour limiter au maximum l’empreinte sur l’environnement : du coup cette petite commune rurale est devenue une commune de pointe, il s’y est créé une « Ecole de Silfiac », qui fait venir des conférenciers, des animateurs … A Langonnet aussi, par exemple, a été créée une cantine répondant aux mêmes préoccupations ; un lotissement et une médiathèque sont en projet ; et on a réhabilité des ruisseaux après le remembrement

Echange
§ il est intéressant d’aller sur le site internet pour s’informer
§ des élus ont pris à bras le corps le problème du développement durable : ici comme ailleurs, les ONG ne peuvent agir efficacement qu’en collaboration avec les autorités locales .
Cette démarche prometteuse mérite d’être connue et encouragée
§ Quels rapports entre BRUDED et France Nature Environnement ? Pas de réponse actuellement
§ Quelle implication des citoyens ? Sur la zone du Méné , l’initiative est partie d’un habitant, les autorités locales s’y sont rapidement associées .

CCFD
Quels engagements ? le défi est provocateur . Le CCFD ( Comité Catholique contre la faim et pour le développement ) est complémentaire par rapport aux autres intervenants, il soutient les initiatives sur le terrain, intervient en appui à des initiatives de partenaires locaux .
Depuis 2008, le CCFD a ajouté à son sigle « Terre Solidaire » . Il s’agit d’associer solidarité internationale et service d’Eglise ;
Un point essentiel : le CCFD est né et s’est développé en réponse à des appels : il y a 50 ans, appels de la FAO et de Jean XXIII : un milliard d’hommes souffrent de la faim, nous avons vu que 70% d’entre eux sont des petits paysans .
Le CCFD s’est laissé interpeller par le cri de Dom Helder Camara : « Rien ne changera là bas si rien ne change ici » … c’est en changeant nos propres comportements que nous contribuerons à améliorer la situation « là bas » .
Les objectifs du CCFD ont évolué : on a pris conscience qu’il fallait agir aux racines du mal, le saupoudrage ne servirait à rien . Le rapport d’orientation pour 2008-2012 a dégagé six priorités , dont ces deux cibles :

§ la terre, pour qui ?
Il faut apprendre à vivre ensemble à coexister sans violence . Une expérience en cours : « Pour une dette sans conflit et sans haine » : Dans la région des Grands Lacs en Afrique, où se pratique une agriculture tropicale de montagne , ce pourrait être le Paradis, un paradis mis à mal par de terribles conflits . Le CCFD conduit un programma sur les trois pays concernés, à partir du partage des ressources naturelles, partage cassé par des organismes locaux . Il s’agit en fait de trois programmes, avec 23 partenaires qui provoquent des échanges entre les trois états pour instaurer une dynamique de paix . Ceci s’accompagne d’un développement des moyens techniques pour optimiser les cultures ; la région Bretagne s’implique dans ce programme .

§ la terre pour quoi ?
Contrairement à ce que prône la FNSEA, la France n’a pas vocation à nourrir la planète .
Importance de la souveraineté alimentaire : à chaque pays, à chaque groupe humain de choisir son régime alimentaire, avec la possibilité de protéger ses cultures locales … un objectif partagé, entre autre, avec Via Campesina
La situation peut être différente d’un pays à un autre : au Brésil, la laïcité à la française n’existe pas, les partenaires sociaux et religieux sont liés . Le CCFD intervient ici à trois niveaux :
– Droit à la terre ( Paysans sans terre )
– Défense des Droits de l’Homme ( 35000 personnes y travaillent avec un statut d’esclaves )
– Défense de l’eau : dans le Nord-Est brésilien, la sécheresse endémique profite aux grands propriétaires .
La conférence des évêques brésiliens a choisi pour thème de l’année : « Fraternité et vie de la Planète », et a fait paraître à cette occasion un ouvrage très bien fait .
Une anecdote : A Brasilia, un débat intitulé « L’avenir de notre Planète », sur le thème du réchauffement climatique , avait mis face à face un expert et un paysan ; A la conclusion très pessimiste de l’expert, le paysan avait répondu : « Avant que cela n’arrive, allez planter un arbre . »

Débat
§ Pour des réalisations concrètes, y a-t-il possibilité d’aider ?
Oui ; par exemple, une avocate paraguayenne a appelé 8 jeunes Bretons à venir enquêter dans son pays. Ils ont vu les deux côtés, ceux qui profitent et ceux qui souffrent ; le film « Terre à taire » est né de cette enquête, il sensibilise des centaines de personnes, en Bretagne notamment.
§ Questionnement sur nos modes alimentaires : « Jusqu’à quand allez-vous nous faire crever ? » Il importe de nous interroger sur notre alimentation, sur nos modes de transport notre façon d’acheter : répétons-le : le consommateur vote trois fois par jour en garnissant son assiette.

WWOOFING (Working Week Ends on Organic Farms)
Il s’agit de faire bouger la jeunesse
Au départ, c’est Sue, une Anglaise originaire de la campagne, qui va vivre en ville ; pour son équilibre et pour son plaisir, elle vient les week end travailler sur les terres d’un fermier .
Ainsi est née l’idée de donner de son temps et de son énergie pour aider une ferme écologique, en échange de l’hébergement et du repas . La chose a pris de l’ampleur, c’est devenu le mouvement WWOOF, association internationale qui regroupe des gens, citadins ou autres, désireux d’aller aider bénévolement des fermiers qui en ont besoin . Le mouvement a rapidement intéressé des jeunes, notamment des étudiants en biologie .
En 2001, au Congrès International, on a changé le nom de « Willing Workers », qui pouvait être suspecté de cacher le travail au noir d’immigrés .
La charte prévoit 4 à 6 heures de travail par jour , en échange de l’hébergement et de la nourriture ; ce sont en réalité des moments d’échange amicaux, de relations confiantes , et, pour le jeune « woofer », importance de la découverte d’un travail sans rapport financier, même s’il n’a pas l’âme « Woofer » au départ .
La woofeuse la plus âgée a 75 ans, c’est une Espagnole qui part chaque année aider un fermier australien …

Débat
§ En France, c’est compliqué ; l’administration est tatillonne et craint toujours le camouflage de travail clandestin . Dans certains pays, on peut contracter une assurance spéciale quand on s’engage, c’est une facilité qui n’existe pas en France . Il y a pourtant des Woofers en Bretagne !
§ Un auditeur rapproche cet état d’esprit de celui d’un psychothérapeute qui se fait payer en nature et reçoit , au lieu d’argent, des poireaux, des carottes …etc . C’est une remise à l’honneur du troc et de l’entraide .
§ Quelqu’un fait remarquer qu’il faut tout de même disposer d’une certaine somme d’argent au départ, ne serait-ce que pour payer son voyage …
TERRE ET HUMANISME
En référence à Pierre Rabhi. Ce mouvement insiste sur la notion d’« ici et là-bas », et sur la promotion d’une agriculture harmonieuse . Le mouvement des « OASIS » fournit des lieux de formation sur les cultures et le jardinage durable.
Questions et remarques sur l’ensemble des interventions
§ Le prochain numéro des « Parvis » sera consacré au CCFD
§ Les éleveurs doivent se mettre en conformité avec des normes européennes strictes, et qui changent parfois d’une année sur l’autre … alors, s’endetter à nouveau ???
§ Un autre aspect de nos modes de vie : dans nos pays, la surface de l’habitat est passé de 20 à 40 m2 par personne , ce qui a aussi des conséquences sur les problèmes qui nous intéressent …
Réponses : les agriculteurs sont les premières victimes du modèle productiviste. C’est vrai que les règles sanitaires en Europe sont contraignantes, pour les effluents des porcheries par exemple … des règlements qui n’existent pas dans d’autres parties du monde. Et il y a aussi des lobbies intéressés par certains de ces règlements, qui imposent des dépenses d’installation.
Pour réagir à tous ces facteurs, importance des initiatives mutualisées locales.

Pour conclure, on revient à cette citation (de mémoire) de Dom Helder Camara
« La première chose que vous ayez à faire pour rendre la terre habitable, c’est de changer votre propre monde.»

Thérèse Joubioux

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JMJ Madrid : Un communiqué signé par 7 associations.

LES JMJ : Très chère « OPUS DEI » !

« Chrétiens en Recherche 41 »,
« Chrétiens sans Frontières 95 »,
« Chrétiens sans Frontières 61 »
« Equipe de Chrétiens en Classe Ouvrière de Caen »,
« Espérance 54 »,
« Jonas Alsace »,
« Prêtres mariés France-Nord »,
Tous membres de la fédération des Réseaux des Parvis,
De nombreux individuels membres des associations des Réseaux du Parvis,
Cécile Entremont, co-présidente des Réseaux du Parvis.

– Du fait de la période de congés, seulement un petit nombre d’associations ont pu faire connaître leur position sur le sujet.

Nous sommes solidaires avec les 147 collectifs catholiques de base espagnols
signataires du manifeste de « Redes Christianas (1) » et avec les 120 prêtres de
Madrid, regroupés au sein d’une association « Foro de curas de Madrid (2) », qui
travaillent dans les paroisses populaires de Madrid.
Avec eux, nous nous « indignons » devant l’image de monarque et de luxe que
véhicule Benoît XVI en présidant les JMJ de Madrid. Nous demandons avec eux que
les sommes investies lors de ces rassemblements à Madrid soient données aux
oeuvres sociales en lutte contre la précarité, afin de transmettre le témoignage d’une
Église en aide aux plus nécessiteux.
Avec le théologien espagnol Juan José Tamayo, nous estimons que « La visite du
pape est une erreur de lèse-laïcité », et dénonçons le soutien financier des pouvoirs
publics et de certaines entreprises privées à l’organisation des JMJ de Madrid (3).
Paris samedi 20 Août 2011

1- http://www.periodistadigital.com/religion/juventud/2011/08/18/jmj‐2011‐redes‐cristianas‐acusa‐a‐gruposde‐

peregrinos‐de‐provocar‐a‐los‐manifestantes‐de‐la‐marcha‐laica.shtml

2- http://www.elmundo.es/elmundo/2011/06/21/madrid/1308654590.html

3- http://golias‐news.fr/article5127.html

Les Curés du Forum de Madrid contre le Cardinal Rouco et ses mécènes pour la visite du pape

«Le coût de l’événement est très élevé et ne cadre pas avec le style de Jésus »

« Nul ne peut servir deux maîtres … Vous ne pouvez servir Dieu et Mammon » (Mt 6,24). Avec ce texte de l’Evangile comme fondement, le Forum pour les curés de Madrid, qui réunit un groupe de 120 prêtres de l’archidiocèse de Madrid, a publié un article accusant le cardinal Antonio Maria Rouco Varela d’avoir cédé à la tentation de « la confiance du pouvoir et de l’argent » pour financer «le coût très élevé» de la Journée Mondiale de la Jeunesse (JMJ), qui se tiendra dans la capitale Madrid en Août prochain. Les prêtres croient que « l’alliance (de Rouco) avec les forces économiques et politiques renforce l’image de l’Eglise comme une institution privilégiée » et la laisse incapable de dénonciation prophétique de la situation des pauvres.

Dans un document de 10 pages, intitulé « Les mécènes Rouco », les prêtres de Madrid offrent une analyse détaillée, avec chiffres, articles et notes de toutes sortes, concernant la Fondation de Madrid Vivo, orchestrée par le cardinal de Madrid pour aider à réduire le coût des JMJ.

Il s’agit, pour les auteurs, d’un groupe de 40 entreprises qui «ont beaucoup d’argent et de pouvoir, et qui contrôle non seulement leurs propres et immenses ressources financières, mais aussi l’économie espagnole. » – Un groupe d’affaires qui, selon les prêtres, « peut dominer le gouvernement et remettre en cause les décisions adoptées par les institutions démocratiques » et aussi « a une influence sur les organisations internationales et les médias. » – Des sociétés dont la «soif de profits incontrôlée» est non seulement à l’origine d’une crise ; mais aussi responsable de son développement », et qui ont fait payer leur échec en en facturant le coût sur la population, tout en faisant des affaires avec le « sauvetage » .

Après avoir examiné l’avantage connexe de ces grandes entreprises avec les pays du Sud, les prêtres ont également dénoncé son impôt tactique, plongé, souvent «l’injustice et la fraude fiscale, » à travers les paradis fiscaux. D’où la conclusion : « Il semble clair que le système fiscal et son application dans notre pays sont conçus au profit des banques, des multinationales et des grandes fortunes ».

«Rouco » a choisi la pire des contributeurs
Après avoir analysé la pratique de la Fondation de Madrid Vivo Thermalisme , le Forum de Madrid conclut que «l’évêque de Madrid, soucieux de faire face aux millions de frais engagés pour les JMJ de Madrid a choisi les pires des collaborateurs. »

Avec cette nouvelle alliance entre Dieu et l’argent, devenue «publicité réciproque », on voit « une photo des entrepreneurs debout à côté de Rouco et bénis par le Pape ! » dit Rodriguez Eubilio du Comité permanent des curés du Forum de Madrid.

Et le prêtre desservant la paroisse de la Cañada Real, un des plus grands bidonvilles de Madrid, conclut: «C’est comme si vous souleviez la coupe en disant:« Buvez Coca-Cola », parce que ces mêmes employeurs exploitent les gens de mon quartier, et avec cela, ils veulent blanchir de l’argent dans la soutane du pape. «

Ces curés madrilènes ne sont pas contre la visite du pape : »Une visite, oui ; mais pas comme çà » est leur slogan. « S’il vient accompagné de Corte Inglés, Telefónica et Banco Santander, mieux vaut ne pas venir », dit Evaristo Villar, un autre prêtre du Forum.

Ils demandent que le pape vienne « non pas en tant que chef de l’Etat, mais comme un humble berger » et « pour dénoncer (…) les problème d’emploi, la pauvreté, et les relations avec l’islam ou avec les Marocains. »

Autoglorification de Rouco
Les prêtres estiment que telles qu’elles sont organisées, les JMJ ne serviront qu’à glorifier Rouco et discréditer l’Eglise. « Les JMJ sont la glorification de la papauté de Rouco, un acte visant à renforcer l’institution », a déclaré Rafael Rojo, pasteur de Santa Adela Canillejas.

Et Eubilio ajoute : La conséquence est que, une fois de plus, à partir de Recaredo, les gens verront l’Eglise alliée avec les riches et les privilégiés ». En raison de cette image, « les gens s’écartent de plus en plus de l’Eglise. »

Bien qu’ils soient conscients que, désormais, l’organisation est arrêtée et impossible à modifier, ils appellent à des JMJ différentes. Ce serait une visite du Pape financée par les catholiques eux-mêmes, par exemple. « Mais comme les gens ne les suivent plus, ils ont cherché le soutien de grandes entreprises. »

Au résultat : « c’est l’Église elle-même qui est prêchée et non pas Jésus. »

« L’objectif, ce n’est pas Jésus-Christ mais l’Eglise» et ce qui est recherché « ce n’est pas l’évangélisation du peuple, mais son endoctrinement. »

La conséquence, c’est que «les catholiques sont nombreux à quitter l’Eglise » dans une sorte de ruée silencieuse, voilà à quoi, selon les prêtres, les JMJ vont contribuer.

Cela leur fait mal et les indigne. Par conséquent, outre l’envoi du document au cardinal Rouco Varela, ils se sont vus forcés d’entrer dans l’arène publique avec malaise. «Nous avons à critiquer notre propre maison et notre mère, car elle est capable de prendre la modernité. » Ils le font en sachant que la hiérarchie les considère comme des «bâtons dans les roues » et tente de faire taire leurs plaintes par tous les moyens au sein de l’institution elle-même.

Même les appels à l’Evangile. Ainsi, pour conclure leur papier comme ils l’avaient commencé: «S’appuyer sur la force du pouvoir et de l’argent quand il s’agit d’évangéliser, c’est succomber à une tentation aussi ancienne que l’Eglise elle-même. Ceux qui pensent ainsi le font sûrement avec la sainte intention d’utiliser des moyens plus réalistes, efficaces et rapides pour atteindre les masses.

Mais l’Evangile nous avertit que «nul ne peut servir deux maîtres … Vous ne pouvez servir Dieu et Mammon » (Mt 6,24) .

José Manuel Vidal | Madrid

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« La mondialisation et le système financier sont en train de détruire la société occidentale » nous dit Alain Touraine (interview Télérama Janvier 2011). Peut-on espérer l’émergence de résistances et de nouvelles forces pour envisager un autre avenir ?

Les sommes gigantesques injectées, dans le temps de crise, ont empêché une crise mondiale mais ils n’ont permis que la reconstitution rapide des profits des banques. Pendant cette période, le chômage a augmenté, passant de 7% à 10% en France. Le taux de pauvreté a également augmenté. Il est entre 15% et 25% dans les pays occidentaux. La crise est toujours là, il n’y a que le secteur financier qui se soit redressé.

La grande majorité des peuples ne se révolte pas contre un système financier qui semble se jouer « ailleurs », dans des domaines où l’on se sent impuissant. Les Anglais votent pour des conservateurs qui font le seul choix du système financier. Ce choix peut, à long terme ruiner le pays…Des jeunes bougent en Espagne, en Grèce, en France…

Le mythe actuel n’est plus le progrès, l’industrialisation, mais le fantasme de retrouver la richesse par la finance. C’est le jeu spéculatif qui l’emporte : le blé et le café sont achetés avant leur production et l’on fait monter les prix pour spéculer, il y a des transferts de blé et de café purement fictifs.

Le système financier va couler l’occident : si vous ne produisez pas et que vous vous endettez, cela ne peut pas durer éternellement.

Après la domination coloniale, après le mouvement ouvrier, la société est parvenue à un meilleur partage des richesses et à la construction de protections sociales pendant les trente glorieuses…

Aujourd’hui, il n’y a plus de modèle social : les syndicats, la Sécurité sociale, les Services publics, tout cela est remplacé par l’argent.

Les mentalités ont changé. Les classes moyennes sont tentées de dire « si on aidait moins les classes populaires on s’en sortirait mieux », la peur de l’Etranger est ravivée.

Nous sommes dans un monde où l’éthique disparait, les projets à long terme disparaissent, on vit dans le moment présent, le zapping médiatique, l’absence d’objectifs, de valeurs, de contenu culturel. Des résistances et réactions apparaissent au Forum Social Mondial, avec ATTAC et de nombreux groupes qui proposent d’autres politiques. Nous y voyons des signes d’espérance.

Mais nous sommes devant une société où l’on vit dans un monde de consommation immédiate, de marchandisation, de spéculation, de non production et de désindustrialisation, nous sommes dans une économie mondialisée qui n’a plus de règles, qui a rompu les amarres.

La politique des entreprises consiste à se protéger des tempêtes et des tsunamis financiers en fragilisant les travailleurs qui sont en première ligne : délocalisations, choix d’abord du rendement financier pour rémunérer les actionnaires avant les salariés qui travaillent dans les Entreprises.

La financiarisation fait disparaître le social.

Le social c’est quoi ? C’est une manière d’utiliser les ressources matérielles, en les façonnant, les transformant pour en faire des formes d’organisations : écoles, hôpitaux, services publics… Actuellement ces services sont réduits, certains supprimés, par quoi va-t-on les remplacer ? Par de l’humanitaire qui ne pourra jamais être à la hauteur des problèmes à traiter ?

Actuellement, l’économie et le financier sont comme au-dessus de la société, inatteignables avec aucune prise, aucune modification possible… Les modèles socio-démocrates sont en recul partout même en Suède. L’extrême droite renait et s’amplifie…

Que peut-on construire pour résister à ce Tsunami financier qui emporte tout le monde ?

Sur quels leviers, quelles forces nous appuyer ?

Il y en a deux :

1- La force des idées de l’écologie, la protection de la planète, de l’environnement, travailler contre le réchauffement climatique. Travailler le rapport entre nature et culture en imposant des limites à la finance. Ces limites sont vitales pour l’avenir, c’est une question de vie ou de mort. Le réchauffement climatique va faire changer l’évolution de la planète, va entraîner des migrations climatiques.

2- La deuxième force est non pas la recherche de l’argent, de la spéculation mais la recherche des droits pour chaque personne. Hannah Arendt dit que l’espèce humaine est celle « qui a le droit d’avoir des droits ».

Un être humain, du fait de son existence a des droits que nous associons aux mots : dignité, respect, intégration dans la société, vivre la démocratie, l’égalité. Chaque individu a des droits à l’éducation, à la santé, à avoir des revenus suffisants pour vivre, à la formation professionnelle, avoir une activité, des relations… Pour être acteur dans la société, c’est le fonctionnement du don et du contre-don…

Faisons vivre ce grand principe des droits des personnes pour qu’un renouveau démocratique apparaisse partout. Où il y a de l’éducation, du progrès, il y a davantage de démocratie et de libertés.

Nous avons besoin de faire vivre ces valeurs universelles.

Max Weber parlait, au début du siècle de « l’éthique de la conviction. »

Nous avons besoin de mythes qui donnent de la force : l’homme à Tian’anmen debout devant un tank restera un symbole. L’homme Tunisien qui s’immole par le feu fait lever un vent de liberté et de révolution. Il déclenche une action collective.

Ne restons pas dans les idées dominantes de la consommation, la marchandisation, la spéculation, dans un climat d’insécurité et de peurs. Affirmons que la personne a des droits à faire valoir. Créons une société de citoyens qui ont des droits et nous construirons une démocratie où chacun s’appuiera sur ses droits pour être citoyen et participer à la vie de la société en respectant la diversité culturelle, en vivant égaux et différents.

Nous avons le droit d’être singuliers sans être démolis et réduits à des consommateurs, fondus dans une masse, un communautarisme.

Pour cela, il faut prendre le parti du faible, c’est cela l’universalisme« En reconnaissant les droits du plus faible vous reconnaissez les droits de tous. » nous dit Alain Touraine. Cela s’inscrit dans la tradition Européenne de la déclaration des droits de l’homme… au mouvement ouvrier… mais aussi dans les luttes de Gandhi, Mandela, Martin Luther King…

Les personnalités, les modèles sont importants mais aussi les petits groupes, les petites communautés utopiques qui avancent des idées, militent, s’engagent…

Nous ne pouvons plus dire, aujourd’hui : je parle au nom de Dieu, de l’histoire, du progrès, de la nation, de la science. Les Evangiles doivent nous tenir en éveil pour analyser, interroger le fonctionnement de notre société afin de mettre la priorité sur la place de la personne et non pas de la finance.

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Rassemblement de 1800 personnes à DETROIT, USA…

A l’occcasion de la Pentecôte “L’AMERICAN CATHOLIC COUNCIL” organise à DETROIT, USA, une grande rencontre d’environ 1 800 chrétiens et chrétiennes partageant les mêmes espoirs suscités à l’époque de Vatican ll et bien décidé à oeuvrer dans ce sens.

Voir le site : http://americancatholiccouncil.org/

Pour manifester notre solidarité à ces amis d’outre Atlantique, le Co-Président des Réseaux du Parvis leur a fait parvenir un message de solidarité dont il a été chaleureusement remercié.

Dear Anthony,
I am co-chairman of the French Federation Reseaux du Parvis.
Our steering committee held in Paris a few days ago requested me to forward to you and all members of ACC the expression of our warm support on the occasion of your forthcoming gathering in Detroit.
Unfortunately, there will be nobody representing our organization in Detroit, but we know that some other European will participate.
Last month in Barcelona, at the annual meeting of European Network Church on the Move, you met our delegate Didier Vanhoutte as well as Hubert Tournes and Francois Becker representatives of associations members of our federation.
They told us how great is the ACC willingness in strenghtening ties with European organizations.
Even though the associations which are members of our federation are very diversified, in particular regarding how they stand either inside or outside (or in-between) the Catholic Church structures, all of them consider as a strong priority to speak and act in view of conforming to authentic Gospel message. This has been once again confirmed at our our large assembly (500 participants) held in Lyon last november.
Therefore we also can say that our federation globally agrees on the ACC Bill of rights and responsibilities and we really look forward to cooprerating with ACC in the future.
We wish to all ACC members and participants a very successful assembly in Detroit.

Warm regards
Jean-Pierre Schmitz
Co-chairman Federation Resaeux du Parvis

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Traduction :
Je suis co-président de la fédération Parvis.
Lors de notre bureau il y a quelques jours à Pars, j’ai été chargé de vous transmettre, ainsi qu’aux membres de ACC, l’expression de notre soutien chaleureux pour votre prochaine assemblée à Detroit.
Nous ne pouvons malheureusement pas y envoyer de représentant de Parvis, mais nous savons qu’il y aura quelques Européens.
Le mois dernier à Barcelone, à la réunion annuelle du Réseau Européen, vous avez rencontré dotre délégué Didier Vanhoutte ainsi que Hubert Tournès et François Becker représentant d’associations membres de notre fédération.
Ils nous ont dit combienest grand le désir de ACC de renforser les liens avec les organisations européennes.
Même si nos associations sont très diverses, en paticulier sur le positionnement à l’intérieur ou en dehors (ou entre les deux) des structures d’Eglise; tous considèrent comme une forte priorité de parler et agir en conformité avec le message authentique de l’Evangile.
Cela a encore été confirmé à notre rassemblement de Lyon (500 participants) en novembre dernier.
Aussi nous pouvons dire que nous sommes globalement d’accord avec la déclaration des Droits et reponsabilités de ACC et nous souhaitons coopérer avec ACC dans l’avenir.
Nous souhaitons à tous les membres de ACC un excellent rassemblement à Detroit.

Réponse reçue par retour de Anthony Padovano :

Thank you,Jean Pierre for this extraordinary letter of encouragement and support. I have sent it to our planning committee and I know it will delight them. I am honored to be associated with the work that you are doing.
Anthony

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Après l’Espagne, la Grèce… les “Indignés” en France.

En Espagne, en Grèce et maintenant en France… les “Indignés” occupent les places centrales des grandes villes.

Les “indignés” disent qu’il faut une démocratie plus proche du peuple, ici et maintenant.

Ils dénoncent les puissances de l’argent qui obligent les pays à des plans d’austérité alors que les banques, les marchands de pétrole… réalisent d’énormes profits…

” Nous sommes indignés par la situation économique et sociale : le chômage des jeunes, la précarité, les inégalités, les injustices. Cette situation nous fait du mal quotidiennement, mais tous ensemble nous pouvons la renverser…”

” Le fonctionnement actuel de notre système politique et gouvernemental devient un obstacle pour la progrès de l’humanité…”

” La soif de pouvoir et son accumulation dans les mains de certains créent des inégalités, des injustices …”

“On a placé l’argent au-dessus de l’être humain alors qu’il faut le mettre à notre service…”

“Nous sommes des personnes, pas des produits du marché… Nous ne sommes pas des marchandises dans les mains des politiciens et des banquiers…”

“Nous croyons que nous pouvons changer cela tous ensemble…”

Les citoyens sont invités à venir s’associer et discuter : “C’est en se solidarisant que l’on peut changer les choses…”

Ces paroles entendues dans ces rassemblements de 19H. à 23H. à Paris, Orléans, Lille et ailleurs sont des cris pour l’avenir…

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Catastrophes au JAPON, des questions pour l’avenir.

 

 

Les catastrophes au JAPON posent beaucoup de questions pour l’avenir. Le tremblement de terre très important a entraîné un Tsunami sans précédent qui a eu des répercussions énormes sur les Centrales nucléaires

Il y a et il y aura un nombre considérable de victimes. Nous pensons d’abord à ces victimes qui subissent un enchaînement de catastrophes imprévues.

Cela montre bien qu’une suite d’évènements peut faire voler en éclat toutes les sécurités prévues. Les conséquences sont énormes non seulement pour les populations du pays mais pour toute la planète.

Cela nous amène à nous interroger sur les menaces qui pèsent sur nos sociétés. Les accidents nucléaires peuvent avoir de très lourdes conséquences :

Souvenons-nous de Three Mile Island (Etats-Unis), en 1979, une série d’erreurs humaines et de défaillances techniques entraînent la surchauffe d’un réacteur, 140 000 personnes sont évacuées, accident classé au niveau 5 sur 7.

En 1986, Tchernobyl (Ukraine), un réacteur explose au cours d’un test de sûreté. L’enceinte de la centrale est éventrée. Au moins 100 000 décès et des milliers d’irradiés dans de nombreux pays. Accident classé au niveau 7.

De nombreux autres accidents moins importants ont eu lieu.

Le 11 mars 2011, explosion du bâtiment abritant le réacteur N°1 à la centrale nucléaire de Fukushima (Japon), puis deux autres explosions avec un début d’incendie, incident classé, pour l’instant, au niveau 6…

L’ASN : l’Autorité de Sûreté Nucléaire, dans un communiqué du 21 Mars affirme : « L’évolution de la situation demeure incertaine. Cet accident grave a déjà conduit à des rejets radioactifs importants et qui se poursuivent ».

Pour l’avenir de l’humanité et l’avenir de la planète, il devient urgent :

– d’améliorer la transparence et la sécurité dans le fonctionnement des centrales nucléaires.

– de ne plus prolonger la vie des installations vieillissantes.

– encourager la diversité des énergies renouvelables (éolien, solaire, hydraulique, biomasse, géothermie…)

– de travailler à la maîtrise de la consommation.

Tout cela suppose des changements politiques et comportementaux.

Pour Bruno Genty, Président de FNE, France Nature Environnement, « Il est urgent que la prévention des risques soit une priorité absolue et que, face à ces risques nucléaires croissants, on se donne les moyens d’en sortir par une politique énergétique qui privilégie avec constance et détermination la maîtrise des consommations et les énergies renouvelables ».




Economie et écologie, nos responsabilités…

« Économie et écologie : nos responsabilités »

Cet article est extrait de la présentation de l’atelier que l’auteur a animé lors du rassemblement de Lyon.

Nos responsabilités en la matière vont dépendre des réponses que nous pourrons apporter à un certain nombre de questions regroupées en quatre thèmes :

1. L’économie capitaliste, fondée sur l’esprit d’entreprise, la recherche du profit, la primauté de l’argent, la concurrence…, développée d’abord en Occident, s’est peu à peu étendue au monde entier (phénomène de la « mondialisation »). Elle s’est moulée de plus en plus dans le libéralisme, qui privilégie l’initiative individuelle face aux contraintes publiques (« l’État est le problème »), la suprématie du marché, la compétition effrénée. Plus récemment, elle a subi de graves dérives en raison de la place qu’a prise la spéculation financière, quasiment déconnectée de l’économie réelle, au point de susciter la grave crise que nous connaissons aujourd’hui et qui accentue de façon intolérable les inégalités et exclusions inhérentes au système.

Question. Pour sortir de la crise, peut-on faire confiance encore au capitalisme ? Est-il suffisant de lui imposer des règles, des garde-fous, de le « moraliser » et est-ce possible ? Ou faut-il abattre le capitalisme (jugé intrinsèquement pervers) pour construire un autre type d’économie et de civilisation ?

2. S’appuyant de manière indissociable sur les notions de croissance illimitée, de domination, d’exploitation des ressources naturelles, le système économique dominant, conjointement à la pression démographique grandissante, constitue aujourd’hui une menace majeure pour l’état de la planète et son avenir, en raison de l’épuisement des sources d’énergie et matières minérales fossiles, de la dégradation des sols et des écosystèmes en général, de lapollution de l’air, des eaux, des océans, des atteintes à la biodiversité… Les signes alarmants, tels que le réchauffement climatique, se multiplient. D’où le succès actuel de la notion pourtant très ambiguë de « développement durable ».

Question. Pour sortir de la crise, lutter contre le chômage, créer des emplois, on nous dit qu’il faut absolument relancer la croissance : est-ce compatible avec l’impérieuse nécessité de réduire les pressions de plus en plus vives qui mettent notre planète et l’humanité elle-même en grand péril (cf. l’éditorial du hors série « Les chiffres de 2011 » d’Alternatives économiques « Schizophrénie ? ») ? Une croissance douce, écologique reposant sur les « emplois verts », les énergies renouvelables… peut-elle permettre de concilier ces deux exigences ?

3. Face aux menaces et dégradations qui affectent la planète et aussi face aux inégalités sociales criantes et à l’instabilité politique qui caractérisent le monde moderne, une large prise de conscience se développe et s’exprime, entre autres, par la montée en puissance de la conscience écologique et de l’écologie politique. Certains lobbies dénoncent le catastrophisme ambiant, fustigent l’apologie de la décroissance ou le risque de la frugalité imposée de force. Il n’empêche que la nécessité de promouvoir un nouveau mode de vie gagne du terrain, fondé sur la remise en cause de la société de consommation et du matraquage publicitaire, sur la sobriété (cf. la « sobriété heureuse » de Pierre Rabhi), la lutte contre le gaspillage, la responsabilité citoyenne en matière d’ « empreinte écologique », conjointement à la réhabilitation de valeurs non marchandes : culture, loisirs, convivialité, amitié, amour, paix…

Question. Prisonniers que nous sommes de notre civilisation de la consommation, des transports motorisés, des biens jetables… sommes-nous réellement prêts à changer nos mentalités et comportements, à envisager pour nous-mêmes et l’humanité entière une autre forme de civilisation (cf. Hervé Kempf : « Pour sauver la planète, sortez du capitalisme ») ? De quelles manières individuelles et collectives ? Par quelles étapes ?

4. La conscience chrétienne est directement interpellée par les principes fondamentaux du capitalisme et plus encore par les dérives spéculatives et profondément immorales du libéralisme triomphant. Elle l’est aussi par la surexploitation et le pillage du patrimoine commun de l’humanité que sont les ressources de la planète, comme par la compétition sans merci dont elles font l’objet, au risque d’une aggravation explosive des inégalités et des frustrations.

Question. Comment les valeurs évangéliques, ou simplement humanistes, peuvent-elles nous aider à bâtir une économie vouée au service de l’homme ? Comment peuvent-elles sous-tendre

la conscience écologique dans sa double dimension du soin à apporter à l’environnement (à la « création ») et de l’action pour la justice, le partage des biens, la solidarité, la paix ?

Jean-Bernard Suchel

Croyants en liberté Saint-Etienne




Pas de démocratie sans pluralité

Pas de démocratie sans pluralité.

La démocratie est fondée sur les libertés et la reconnaissance théorique et pratique de l’égale dignité de tous les hommes et toutes les femmes ; elle donne des droits et des devoirs également partagés. Elle engage, en principe, les personnes et leurs organisations à un respect mutuel et, dans le cas du vouloir ” vivre ensemble “, à un échange clair et constant entre les composantes plurielles – très diverses sur tous les plans – de la société globale avant toute décision commune jugée nécessaire, mais aussi, simplement pour cultiver l’humanité, dans la paix.

Une volonté tenace est nécessaire…

On ne peut, en effet, se cacher les difficultés et les efforts exigés pour dépasser les tendances égocentriques, souvent dévoreuses de l’autre, en chacun et dans chaque groupe humain. Penser au temps qu’il faut (qu’il faudrait) donner à la concertation, aux rencontres avec les élus, pour collecter les problèmes, proposer des solutions, être présent partout (associations républicains, syndicats, partis politiques, médias…) où peut s’exprimer la pluralité, à l’écoute de tous. Même si le débat s’établit dans des groupes d’affinité, ce n’est pas sans moments de tensions : elles sont inévitables et souvent utiles pour avancer.

Un apprentissage de l’écoute et de l’expression des diversités dans le dialogue est un des rôles majeurs de l’école, quand celle-ci est le vrai décalque de la société environnante. Volonté tenace, patience et générosité sont absolument requis du ” citoyen actif “, respectueux de l’autre, attentif aux diversités, composant avec elles. Tout le monde y gagne.

… et des progrès certains vers l’égalité sociale réelle.

Cette résolution (utopie ?) d’humanité dialoguante ne peut pas s’épanouir dans un monde où les inégalités sont établies et crispées. Chaque nation, chaque groupe social, doit pouvoir espérer toujours du mieux-vivre et du mieux-être, dans une autonomie réelle. La perspective libérale, encore à la mode, n’est évidemment pas favorable : la diversité affichée des options, des goûts, des identités, de bon ton dans un pays, n’est que celle – consciemment ou non insolente – des ” élites “, ceux qui ont ” réussi ” et transmettent leur héritage (matériel et culturel) à leurs proches. Portion congrue pour ” les autres ” dans l’expression de soi ! De temps à autre le bulletin de vote et quelque tribune médiocre ; les médias publics eux-mêmes sont grignotés par les intérêts privés, réduits par la concurrence et tournés vers le spectacle, même quand il s’agit de débats de fond. Ce ne sont pas, comme chez nous en France, les “quotas”, les collèges ” ambition-réussite ” ou autres ” classes d’excellence “, en trompe-l’oeil, qui résoudront ce grave problème : au bout de l’échelle, c’est un sentiment d’impuissance définitive ; la masse des laissés pour compte ne sait pas, ne peut plus dire ce qu’elle aurait aimé exprimer, dans sa diversité ; elle se méfie même des lieux possibles du débat. Ne restent parfois que la débrouille, le coup de colère voire la violence apparemment gratuite. Tout un combat est à mener vers une redistribution solidaire des cartes qui ne soit pas un jeu d’illusion. Ce sera très dur car certains devront accepter de perdre des avantages consistants.

La disparition totale du pluralisme est toujours possible.

Aux antipodes de la démocratie, toute diversité disparaît évidemment dans les régimes au pouvoir absolu, qui se font et se défont encore ici ou là. Leur socle est souvent la peur de l’étranger, manipulée, la calomnie démagogique, la soif du pouvoir, la violence, avec le risque évident d’affrontements nationalistes avec les pays voisins : on se justifie par une revanche à prendre, la défense de l’identité nationale et du territoire soi-disant menacés, voire l’absurde soif d’une ” pureté de la race”. Des idéologies politiques, qui avaient des intentions généreuses au départ, ont cru inévitable, une fois au pouvoir, de passer par une phase durement contraignante, jusqu’à la coûteuse violence, avec le risque de tuer la diversité source d’inventivité et de progrès, finissant par se saborder elles-mêmes en catastrophe. Néanmoins, même dans les régimes républicains bien établis, l’exercice de la démocratie pose parfois quelque problème, par le fait même de cette grande liberté qui est leur marqueur.

L’identité affirmée n’est pas d’abord l’ennemie du pluralisme…

A tous les niveaux, personnels ou collectifs, on ne peut pas refuser la qualification par des traits caractéristiques, acquis par l’histoire, la culture d’origine, l’éducation familiale, le choix convaincu… Il n’y a pas d’humanité charpentée qui soit monotone et incolore : d’où le prix des différences. Mais les échanges ne sont gagnants que si chacun, chaque groupe, chaque nation garde la modestie accueillante indispensable et la volonté permanente de relativiser, au moment nécessaire, tel ou tel point de l’identité d’origine : le compromis bien délibéré n’est pas un mol abandon mais le signe réalisé de cette volonté. Condamner l’ ” identitarisme ” ne vaut que si cette volonté est absente.

… au contraire d’une conviction collective et sacralisée.

Ce qui est vrai pour les personnes l’est encore plus pour les groupes de conviction ; encore doit-on mettre à part les partis politiques dont c’est le sens de fournir les représentants élus des démocraties. L’expression des diversités est menacée plus clairement dans le cas d’un corps social cramponné sur une identité rigide – qui lui sert parfois de bouclier face à la méfiance ou pire, le mépris – ; ce groupe cherche à échapper par système au vivre ensemble et même à la loi générale dans plusieurs domaines : c’est la racine du communautarisme. C’est aussi le cas dès qu’un collectif, bien que s’affirmant démocrate, est intimement (et vaniteusement) persuadé de l’excellence unique et intouchable de ses choix (économiques, sociaux, éthiques, culturels) vers le bien commun.

Trop de sûreté de soi entraîne fatalement le soupçon des autres. A terme, la rupture du dialogue est inévitable.

Qui doit défendre le pluralisme ?

Les élus d’une démocratie doivent être très vigilants et faire barrage à tout groupement à tendance impérialiste ou exclusiviste, quelles que soient ses méthodes d’action. Mais la grande liberté d’expression démocratique oblige à agir dans la légalité, autant que possible après de loyaux débats et en s’attaquant aux causes profondes des disjonctions. La démocratie n’est réelle dans l’intime des convictions que quand certains groupes qui ont gardé – naturellement ou artificiellement – l’écoute de l’opinion donnent l’exemple en se posant eux-mêmes des limites à la prétention d’incarner l’unique vérité. Les identités multiples font la diversité et l’efficacité des échanges, mais le projet de vivre avec des valeurs citoyennes communes passe en premier.

Le rôle des religions…

On le sait bien : des religions peuvent induire, le plus souvent en faussant leurs principes, un fanatisme exploitable par différentes causes et en particulier celle des renfermements communautariste ou nationaliste. De même, leurs institutions ont toujours – on pourrait dire par nature – une propension à exercer un contrôle individuel et social : on les reconnaît particulièrement bien parmi les groupes de conviction absolue déjà signalés. Aussi, des Etats, pour asseoir leur autorité, ont très souvent – de fait ou après accord – associé une religion à leur projet unificateur (anti-pluralisme) en se partageant les rôles : celle-ci offrant au pouvoir politique la caution du divin. On comprend qu’il a fallu, par précaution, poser des limites par des lois de laïcité. Pourtant, comme toute Eglise chrétienne, l’Eglise catholique pourrait, si elle était fidèle à l’Evangile, contribuer spontanément à la consolidation de la démocratie. Des observateurs extérieurs, M. Gauchet, par exemple, ont pu le reconnaître.

… et celui, positif, que l’Eglise catholique surtout hésite à jouer…

A-t-elle peur d’y perdre dans l’immédiat ? En tout cas l’Eglise officielle n’a pas retrouvé intiment une confiance suffisante dans son texte fondateur, ni dans les capacités des peuples à se déterminer sans elle : elle a gardé des réflexes de ” chrétienté ” ou communautaristes (l’école spécifique par exemple). Dans beaucoup de pays, les constitutions n’ont prévu qu’une laïcité minimale car les Eglises influentes tiennent à garder des moyens officiels pour peser dans la société, et indirectement sur les décisions publiques. Sinon, la tendance est de retrouver, pas à pas, d’une manière insidieuse, une place reconnue et garantie dans la société, tout en ménageant prudemment l’opinion et les structures républicaines. C’est ce que fait l’Eglise catholique en exerçant la ” nouvelle évangélisation ” : Jean-Paul II, l’initiateur de celle-ci, parlait de ” pénétration capillaire “, au goutte-à-goutte. En même temps cette Eglise fait tout pour se tailler – légalement, bien sûr – une part consistante parmi les organisations conseillères instituées auprès des organes dirigeants de l’Europe. Tout en signalant qu’elle a, elle, des compétences quasi universelles : ce qui peut inquiéter.

La France a su, par la loi, séparer nettement les deux ” pouvoirs “, en montrant que c’est la façon la plus sûr de garantir l’égale liberté d’expression des consciences et des croyances, individuellement et collectivement.

Rien ne refuse cette liberté aux religions. Mais il y a sans arrêt des tentatives de l’institution catholique (avec des succès) de rogner les ailes de la laïcité. Cet objectif est opiniâtre : “Rome” incite constamment la France à l’alignement concordataire. En même temps, ici et partout, le Vatican de Benoît XVI s’obstine à dénoncer le ” relativisme ” laïque, condition pourtant indispensable d’une liberté qui ne préjuge pas des projets et des règles de la vie commune, choisis ensemble par tous les citoyens, croyants ou non.

… pour promouvoir sans réserve le pluralisme.

Il est bien regrettable que l’Eglise, elle qui a les moyens de fond pour le faire, ne donne pas l’exemple, dans un esprit de laïcité bien assimilée, d’une modestie ” relativisante “, mais réellement valorisante. Elle devrait reconnaître qu’elle n’a aucun droit prioritaire pour “définir”, par ses choix particuliers, les identités nationales ou internationales. Elle aiderait également d’autres religions à se défaire du réflexe communautaristedestructeur du pluralisme. D’ailleurs les démocrates qui s’affirment à la fois citoyens et chrétiens ne se reconnaissent pas dans une institution qui parle en leur nom, et qui, quoi qu’elle en dise, reste bloquée dans de vieilles habitudes. Car tout recul, même apparemment anodin, vers un monopole de la vérité, est dangereux pour la démocratie exigeante et naturellement plurielle.

JACQUES HAAB.