Centres de rétention, l’enfermement… Les Cercles de silence

Les Cercles de Silence contre l’enfermement des sans-papiers

Les Cercles de Silence ont démarré en 2007 sous l’initiative d’un frère franciscain de Toulouse, Alain Richard ; ils regroupent des citoyens de tous horizons qui, devant l’enfermement systématique des sans-papiers dans les Centres de Rétention Administrative (CRA), s’élèvent contre les atteintes à l’humanité des sans-papiers et à celle des exécutants d’ordres incompatibles avec leur propre dignité. Devant la gravité de la situation, les membres des Cercles de Silence désirent aller au-delà des mots et des cris. Ils expriment la force de leur réprobation et de leur interrogation avec les moyens de la non-violence, et spécialement le silence. Le silence des forts et des persévérants. Par le silence ils écoutent leur propre conscience et font appel à la conscience de leurs concitoyens.

Ces Cercles de Silence ont des aspects différents suivant les villes. Mais ils ont tous le même souci de rester collé à la réalité des Centres de Rétention Administrative (CRA) où la dignité humaine est mise en danger. Ils ont tous le même objectif d’aider nos concitoyens à prendre conscience de la réalité de l’enfermement. Ils sont tous habités par la même certitude qu’il existe des solutions alternatives à l’enfermement d’étrangers en situations irrégulières.

La dignité de chaque personne humaine ne se discute pas, elle se respecte. Le silence le crie et continuera de le crier jusqu’aux changements indispensables.

Il y avait, au premier avril 2012, 174 Cercles de Silence actifs en France et quelques-uns aussi en Suisse et en Espagne.




Echo après un Cercle de silence

A partir de l’Echo d’un participant au Cercle de silence.

Le temps du Cercle de silence
Est un moment unique :
Une intensité se dégage
De cet espace collectif.

Chaque personne est prise
Dans ce côte à côte mystérieux
Comme si une Présence invisible
Nous réunissait
Au nom de l’humain.

C’est un temps de vécu fraternel,
Un partage dans la diversité
Dans le souci d’humanité qui nous rassemble.

Des idées mobilisent :
Dénoncer l’enfermement inhumain
Redonner une place à chacun
Dans notre société.
Redonner du sens au mot ACCUEIL…
Maurice Elain




Résistances au rejet de l’Etranger

Résistances au rejet de l’étranger.

Lancés en octobre 2007 à Toulouse par les frères franciscains, les cercles de silence sont aujourd’hui plus de 160 ; leurs participants, issus de tous horizons, se réunissent chaque mois pendant une heure, dans le silence, pour “éveiller et réveiller des consciences sur des événements qui détruisent ce qu’il y a de plus précieux dans l’être humain : son humanité. Le silence n’est pas seulement une stratégie pour se faire entendre, mais un chemin de transformation : il permet à toute personne de s’y joindre, en dehors des mots vides ou qui séparent ; il permet à des citoyens jusque-là très éloignés de tout engagement et de toute revendication sociale de faire un premier pas ; il sert également de préparation intérieure à des formes plus radicales d’engagement. Des propositions concrètes faites à l’issue des Cercles de silence (pétitions, accompagnement au tribunal etc.) aident les participants à concrétiser la force et la clarté trouvés dans le silence vécu en commun”.
(pour en savoir plus : http://www.francicainstoulouse.fr).

Le réseau Chrétien-Immigrés de Paris s’est constitué depuis l’année 2000 autour d’une quinzaine de paroisses de Paris et de mouvements proches (Cimade, CCFD…), à partir de la communauté parisienne de Saint Merri, qui avait lancé une réflexion pour un changement de regard sur les personnes “sans-papiers”, au moment de leur irruption sur la scène publique. Il a double objectifs : le premier est de sensibiliser les communautés chrétiennes, et au-delà l’opinion publique, aux grandes difficultés vécues par les immigrés et leurs familles installés chez nous en quête d’un titre de séjour, et condamnés à vivre en permanence la peur au ventre dans la crainte d’une expulsion ; le second est d’aider concrètement les sans-papiers dans leur cheminement d’insertion.
(pour en savoir plus :http://imguion.free.fr).

Le mouvement des “amoureux au ban public”, qui revendique le droit des couples mixtes à vivre en famille et leur refus d’être systématiquement suspectés et contrôlés, est né à Montpellier, sous l’impulsion de la Cimade ; il est devenu en quelques mois un mouvement citoyen national implanté dans une vingtaine de villes.

(pour en savoir plus : http://www.amoureuxauban.net).

Le CCFD : un réseau de militants.
Le militantisme bénévole est consubstantiel au CCFD au même titre que son partenariat avec les organisations du Sud ; ces militants (28 mouvements et Services d’Eglise, un réseau d’un millier d’équipes locales et de plus de 15 000 personnes) ont en commun leur capacité d’indignation devant l’injustice, la pauvreté, les inégalités. La très grande majorité d’entre eux sont engagés dans plusieurs combats : ils sont membres d’un syndicat, d’un parti politique, d’une association de lutte contre les exclusions en France.
Ils sont animés par un certain nombre de motivations et de valeurs. Lutter contre les causes de la pauvreté et non contre ses conséquences. Pratiquer le partenariat, qui rompt avec “l’assistantialisme” et le développement vu comme un transfert de technologie du Nord vers le Sud. Sensibiliser l’opinion publique française aux conséquences néfastes d’une mobilisation essentiellement centrée sur la finance et le commerce.
(pour en savoir plus : http://www.ccfd.asso.fr).

C’étaient là quelques pistes pour rencontrer des “cathos”, qui ne se disent pas nécessairement “de gauche”, qui ne sont pas tous septuagénaires et qui veulent “changer le monde”.
Lucienne Gouguenheim.




Les sans-papiers et l’isolement

Les Sans-papiers et l’isolement…

Lors de la rencontre organisée par l’Association Culturelle de Boquen les 13 et 14 février derniers, nous avons cherché à mieux appréhender la situation des ” Sans-papiers ” et nous nous sommes demandés si nous pouvons résister, pourquoi et comment.

L’été 2009, lors d’une rencontre préparatoire dans notre maison de Poulancre, nous avons commencé concrètement, grâce à des jeux de rôle proposés par Anastasia Kerachni, à prendre conscience de ce que peuvent vivre et ressentir les personnes sans papiers et comprendre les différents positionnements que nous sommes amenés à exprimer dans ces situations.

Des scènes au sujet d’un contrôle de titre de transport, d’une visite à l’hôpital et d’une arrestation à domicile ont été l’occasion de développer nos interrogations pour mieux cerner les problématiques et les questions à poser aux intervenants qui viendraient participer à nos débats.

En février 2010, à Rennes, il nous apparaissait important de commencer par nous questionner sur nos propres représentations.

Odile Durand nous y a aidés par la présentation de l’ouvrage de Julia Kristeva, Etrangers à nous-mêmes.

J. Kristeva nous renvoie à une question essentielle pour le XXI ème siècle : comment vivre avec les autres sans les rejeter ni les absorber si nous ne reconnaissons pas ” étrangers à nous-mêmes ” ?

Prendre le risque de l’inquiétante étrangeté, c’est accepter l’abîme entre moi et l’autre qui me choque. Il m’annihile peut-être parce que je le nie dans sa différence. Face à l’étranger que je refuse et auquel je m’identifie à la fois, je perds mes limites et me sens perdu.

Or cette peur d’être bousculés aujourd’hui peut-être levée lorsqu’avec Pierre et Simone Bourges, nous examinons les déplacements de populations depuis le début de l’humanité.

Ils nous ont invités à reprendre conscience de la réalité des migrations et de la richesse de ces rencontres tout au long de l’histoire….

Ces leçons que l’histoire nous transmet nous amènent à notre époque contemporaine où nos échanges interculturels permettent de corriger nos peurs et de faire face à notre étrangeté radicale rendue visible aussi à travers la poésie, le théâtre, la littérature, l’art…

Les débordements possibles de rejet et de haine demandent des garde-fous personnels et collectifs, un cadre juridique avec une structure suffisamment précise pour contenir les différentes situations vécues par les sans-papiers, d’où des rapports de force à établir pour faire évoluer le droit tant sur le plan national qu’international.

Aujourd’hui, pour la personne sans-papiers, l’expérience de la non-appartenance à une communauté nationale devient insoutenable parce qu’elle est aussi disqualifiée dans la reconnaissance de ses droits humains, de ses droits à la santé, au travail, à l’éducation du seul fait qu’elle n’est pas citoyenne.

Concrètement, en visionnant le film Welcome de Philippe Lioret (2009), nous prenons la mesure de l’impact de la rencontre, à Calais, entre un maître-nageur français et un jeune homme Kurde sans-papiers qui voulait rejoindre l’Angleterre à la nage, seul moyen pense-t-il d’échapper aux contrôles de frontière.

Les différentes instances et associations invitées nous montrent nous montrent les liens qu’elles nouent quotidiennement afin que ces personnes puissent accéder aux droits qui les concernent et recevoir le soutien humain dont elles ont besoin.

Un aumônier musulman de prison, la CIMADE (service oecuménique d’entraide), le Cercle de Silence de Rennes, le DAL (Droit au Logement), la municipalité de Rennes, le MRAP (Mouvement contre le Racisme et pour l’Amitié entre les peuples), le Secours Catholique, le RESF (Réseau Education Sans Frontières) étaient présents à notre table ronde.

Nous avons débattu autour des quatre questions suivantes :

Qu’est ce qui vous a amenés à intervenir, dans la structure où vous êtes, sur la question des Sans-papiers ?

Quelle est l’actualité de vos interventions ?

Quelles sont les difficultés rencontrées et qu’avez-vous réussi à faire bouger ?

Comment trouver un équilibre entre le soutien au cas par cas et les actions collectives de revendications ?

Quoique d’approches différentes, ces associations et instances se connaissent et souhaitent la complémentarité en vue d’accompagner au mieux ces personnes.

Les deux intervenantes de RESF ont présenté les cadres juridiques et administratifs dans lesquels peuvent se retrouver les personnes sans-papiers .

Elles se sont appuyées sur l’existence d’un CRA – Centre de Rétention Administratif – à Rennes pour nous faire toucher du doigt leur expérience de terrain (par exemple les délais à respecter pour engager un recours) et la complexité des situations des personnes retenues.

On retrouvera l’essentiel de leur intervention dans les deux petits guides pour comprendre les migrations édités par la CIMADE.

Un représentant de RESF a le souci de nous amener à comprendre que leur association aide aussi à la constitution de collectifs de soutien à des personnes sans-papiers, comme des groupes de parents d’élèves.

Les municipalités, bien que n’ayant pas les compétences pour agir directement auprès des préfectures, peuvent apporter un soutien individuel aux personnes sans-papiers par le biais des CCAS – Centre Communal d’Action Sociale -, par des parrainages républicains et par leur soutien dans certaines manifestations.

Les cercles de silence existant depuis 2007 à l’initiative des franciscains de Toulouse ont quant à eux la volonté de faire connaître la situation intolérable, au regard des Droits de l’Homme, faite aux personnes retenues dans les CRA, et cela de manière non-violente et silencieuses (cf. Matthieu, 25, 35 : ” … j’étais un étranger et vous m’avez accueilli… “).

L’aumônier des prisons musulman, connaissant la détresse des Sans-papiers retenus, a demandé à intervenir également au CRA de Rennes pour un soutien moral et amener progressivement l’administration à aménager, dans la mesure du possible, des conditions plus humaines – nourriture hallal, petit tapis de prière – dans le respect d’un lieu laïc.

De la même manière, le Secours Catholique a su progressivement apporter sa présence au CRA au fil des ans, par exemple un apport chaleureux autour de Noël, dont le temps s’est élargi au cours de ces trois dernières années.

Le Secours catholique a également construit un réseau de visiteurs ayant bénéficié de formations.

Le MRAP met avant le devoir d’information aux citoyens en vue de dénoncer les injustices.

Leurs bénévoles accompagnent des personnes sans-papiers dans leurs démarches au tribunal ou à la préfecture.

Il réalise un travail concernant les effets de la rétention sur la santé mentale de ces personnes.

Le DAL, surtout sollicité par les demandeurs d’asile, accompagne également les personnes sans-papiers en vue de l’obtention d’un logement.

Il veille également au respect et à l’application pour tous des dispositifs existant en matière de logement.

En conclusion, les apports de cette rencontre font ressortir notre devoir de citoyen de bien s’informer pour participer au combat contre les injustices qui s’accroissent au fur et à mesure que grandit l’isolement des Sans-papiers.

Anastasia Kerachni et Marie-Paule Aude-Drouin.

Une question essentielle : comment vivre avec les autres sans les rejeter ni les absorber si nous ne nous reconnaissons pas ” étrangers à nous-mêmes ” ?




Demandeurs d’asile et droits humains

Demandeurs d’asile et droits humains.

On ne peut qu’être frappé par le caractère extrêmement complexe des questions qui touchent au droit d’asile. Ce droit, qui est directement en relation avec les conflits qui éclatent sur la planète, et qui est assez peu en relation avec les réalités politiques françaises, représentait il y a deux ou trois décennies quelque chose de positif, dans l’inconscient collectif et dans la façon dont on le traitait au niveau des pouvoirs publics. On venait du Chili, ou d’Asie du Sud-Est.

Rappelez- vous les boat-people. On s’engageait alors dans une cause « noble ». On défendait les « Droits humains ». Aujourd’hui, on assimile volontiers les demandeurs d’asile aux sans-papiers ordinaires, et on prend prétexte de cela pour durcir la position officielle à leur égard. On dresse le plus grand nombre possible d’obstacles devant celui qu’on considère a priori comme un fraudeur potentiel, et on établit des procédures de sélect ion, ce qui revient à provoquer un certain nombre d’incohérences, puisqu’on s’éloigne alors inévitablement des object ifs de l’asile politique. L’OFPRA (Office Français pour la Protection des Réfugiés et Apatrides) est l’instance décisionnelle.

La provenance des « réfugiés » varie évidemment de manière considérable au fil des années. Ils viennent en grand nombre de Tchétchénie, du Daghestan, du Kurdistan turc.  Aujourd’hui, on voit aussi arriver de nombreux Bangladais et Sri-Lankais. Ils sont le plus souvent les victimes de conflits dans lesquels ils se sont trouvés embarqués malgré eux, en apportant, par exemple, une aide logistique aux mouvements de rébellion. S’ils se sont trouvés engagés dans des actions militaires, ou bien ils sont restés sur place, ou bien ils sont morts, ou encore ils le taisent, puisque c’est une cause fréquente du refus de les accueillir. La règle n’en reste pas moins que le demandeur doit prouver qu’il est mis en danger, et c’est là le noeud du problème. Comment fournir un vrai document qui va dans ce sens ?

Le demandeur est-il fiable ? Est-il particulièrement peureux ? Son arrestation a-t-elle été réelle, ou crainte ? Les fonctionnaires de l’OFPRA doivent donc s’en remettre à une « intime convict ion ». Il est clair qu’on voit alors s’affronter deux subjectivités. La situation des fonctionnaires de l’OFPRA (« Officiers de protection ») n’est pas si simple : chacun mène en moyenne deux, trois entretiens d’une heure par jour, puis rédige un rapport circonstancié après chaque entretien. Ce rapport est ensuite proposé à la signature du supérieur hiérarchique. Le nombre total de fonctionnaires est d’environ 650. Presque tous se trouvent à Paris (Fontenay-sous-Bois). Il y a une antenne en Guadeloupe, et du personnel détaché à la Cour Nationale du Droit d’Asile. Cet organe est l’instance d’appel en cas de rejet par l’OFPRA. On observe donc un fonctionnement très pyramidal.

Il existe en fait deux asiles politiques : d’une part, celui qui est accordé par l’OFPRA, selon les règles de la Convention de Genève signée en 1951 par plus d’une centaine de pays, et qui conduit à l’octroi du statut officiel de « réfugié » politique ; d’autre part, le droit d’asile d’État, totalement « régalien », qui dépend de la volonté politique au plus haut niveau, et qui remonte à la constitution de 1793. Le deuxième (le droit d’asile) peut être accordé, ou retiré. C’est ce que l’on a vu très clairement dans l’affaire Cesare Battisti, ou dans celle de Maria Petrella. Dans le passé, la République française a ainsi accueilli des représentants des Black Panthers, ou des Basques espagnols. On sait ce qu’il en est aujourd’hui de la situation des membres de l’ETA. Cependant, la France a commencé de recevoir des membres repentis des FARC sur décision du Président de la République. Il y a eu, en 2007, 23 000 demandes d’asile politique, dont 11% ont été satisfaites en première instance, mais le taux est monté à 30% après réexamen et décision en appel. On a ainsi d’assez bons résultats depuis 2005, car les victimes du conflit en Tchétchénie ont été jugés favorablement, comme les fillettes maliennes risquant l’excision. Mais il y a eu un revirement en juillet 2008 pour les Maliens.

Il est à noter que tous les conflits ne génèrent pas forcément des demandes. Par exemple, il n’y a pas eu de demandes de Touaregs. Et si l’on considère la guerre d’Irak, on observe qu’elle a généré plusieurs millions de « réfugiés politiques », qui se trouvent majoritairement dans les pays limitrophes (Syrie, Jordanie), ainsi qu’en Suède (quelques dizaines de milliers), parce que ce pays a une importante communauté irakienne. Il y en a très peu en France. Leur souci premier était clairement d’être accueillis par des proches. Quelle est la situation d’un « réfugié » ayant obtenu le statut officiel ? Elle est identique à celle de n’importe quel immigré ayant un titre de séjour. Cependant, l’immigré économique a pris sa décision à la suite d’un vrai « projet », tandis que le réfugié a agi dans la précipitation, et il n’a souvent pas de connaissance de la langue française, ce qui complique beaucoup les choses. De plus, si le statut lui est accordé de façon définitive, il est totalement révocable.

Que devient un réfugié dans la durée ? Il lui arrive de retourner dans son pays d’origine, si la situation s’y stabilise. Ou bien il demande sa naturalisation, qu’il obtient généralement. Ou bien encore son statut est révoqué, ce qui est très rare. S’il rest e en France, il peut plus facilement qu’un immigrant ordinaire obtenir le regroupement familial, car, pour lui, il n’est pas conditionné par un niveau de revenus plancher, ou la disp osition d’un logement. Il reste le problème des consulats pour l’obtention des visas d’entrée de la famille. Comment les réfugiés politiques parviennent-ils en France ? Par le même canal que tous les autres, c’est -à-dire en utilisant les services des « passeurs ». Ils arrivent forcément de manière illégale… Leur nombre total est d’environ 130 000, et assez st able au fi l des années par le biais des retours au pays et des naturalisations. Il est sans doute utile de rappeler que la mission de l’OFPRA est d’assurer la « protection » administrative et juridique des réfugiés. Il est par exemple chargé de la reconstitution de leur état civil. Il fournit ainsi actes de naissance et de mariage. N’oublions pas que 200 ou 300 millions de personnes vivent dans le monde dans un pays où elles ne sont pas nées. 10% d’entre elles sont des réfugiés politiques.

                                                                                   Propos recueillis par Didier Vanhoutte




Les droits des Roms sont les nôtres

Les droits des Roms sont aussi les nôtres

e respecter le principe de libre circulation des ressortissants européens et de mettre fin à sa rhétorique de stigmatisation. En France, Églises, organismes chrétiens et organisations des Droits de l’Homme marquent leur refus de la figure de l’étranger comme bouc émissaire. Un appel co-signé par le CCFD -Terre Solidaire prend acte du fait que « les thèses de l’extrême-droite sur le lien entre immigration et délinquance ont ainsi trouvé une légitimation au plus haut sommet de l’État » et récuse « la vision d’une société repliée sur elle-même et inscrivant dans ses lois l’inégalité entre les hommes selon leur origine ou leur statut administratif. » Début septembre, 77 000 à 100 000 personnes descendent dans les rues pour manifester contre le racisme d’État. L’accusation est lourde. « Je ne contesterai pas l’expression, c’est bien le chef de l’État qui a stigmatisé la population rom. Il a donc choisi, en cette qualité, de fonder son action sécuritaire sur cette forme d’ostracisme », estime Patrick Henriot, vice-président du Syndicat de la magistrature.« Ce-pendant, il faut être extrêmement attentif au choix des mots car, d’une part, la parole du chef de l’État ne résume pas à elle seule la politique de l’État. D’autre part et surtout, parce que l’État s’entend d’un ensemble d’institutions dont on ne peut pas dire qu’elles fonctionnent, en France, sur un modèle raciste (comme l’apartheid par exemple). Pour autant, les appréciations portées sur cette question peuvent varier considérablement suivant que l’on est Français nanti ou Rom dans la misère. »

L’article reproduit ici a été publié dans le n°251 de la revue Faim et Développement Magazine du CCFD-Terre Solidaire.

Été 2010. L’espace médiatique est saturé d’images et de discours sur les Roms migrants. Les autorités françaises s’enorgueillissent de mener une vaste opération de démantèlement des bidonvilles et organisent la reconduite à la frontière de près d’un millier de leurs occupants.

Pourtant, pour les associations de soutien à ces populations, il n’y a rien de nouveau sous le soleil. « Chaque été est l’occasion d’opérations de grande envergure à l’encontre des Roms migrants », souligne Marilisa Fantaci, coordinatrice du Collectif national Droits de l’Homme Romeurope. « Les autorités profitent de l’absence d’une partie de ceux qui pourraient protester : bénévoles, enseignants… La différence, c’est que jusqu’à présent ce n’était pas médiatisé. » Stigmatisation, amalgames, ethnicisation des débats : l’instrumentalisation de la présence d’environ 15 000 citoyens européens roms sur le territoire français atteint son point d’orgue avec le discours de Nicolas Sarkozy, le 30 juillet dernier à Grenoble. Le refoulement des Roms migrants, l’éradication de leurs campements sauvages sont au programme de « la guerre » que le président a « décidé d’engager contre les trafiquants, contre les voyous », tout comme la déchéance de la nationalité française, la révision des prestations sociales destinées aux personnes sans papiers et la suppression des allocations familiales aux parents défaillants.

Une instrumentalisation dénoncée au-delà des frontières

La violence des propos comme des actes – les évacuations de terrain sont exhibées sur les écrans de télévision – a ému au-delà de nos frontières. Mises en garde, condamnations, témoignages de solidarité envers les Roms : des prises de position notamment du Vatican, du Conseil pontifical pour les migrants et les gens du voyage, de l’ONU à travers son Comité pour l’élimination de la discrimination raciale (Cedr), du Conseil de l’Europe et du Parlement Européen enjoignent au gouvernement français d

 Être Rom dans la misère en France signifie avant tout être à la merci de procédures iniques. À tel point que Viviane Reding, commissaire européenne chargée des Droits des citoyens, s’est décidée à lancer deux procédures d’infractions contre la France : la première, en raison du non-respect des garanties légales prévues par la directive sur la libre circulation des ressortissants européens, en cas d’expulsion. La seconde liée au caractère « discriminatoire » des mesures décidées par les autorités françaises. Les associations de soutien, qui, depuis 2007 (date d’entrée de la Roumanie et de la Bulgarie dans l’Union Européenne), ne cessent de dénoncer les violations du droit communautaire par la France – en 2008, huit d’entre elles dont le Gisti et le CCFD -Terre Solidaire avaient déposé une plainte auprès de la Commission -, ne peuvent que s’en féliciter.

Il faut dénoncer aussi la gestion des flux migratoires « souterraine », via la pression sur les pays d’origine. Ainsi, des migrants expulsés pour « ressources insuffisantes » ou rapatriés en Roumanie dans le cadre de l’aide au retour humanitaire se sont vu confisquer leur passeport par les autorités roumaines au mépris de la loi communautaire qui s’oppose à l’interdiction de territoire administrative pour les ressortissants de l’Union Européenne. « C’est la logique moderne d’externalisation du contrôle social sur les migrants pauvres », explique le juriste Grégoire Cousin. La France n’est pas la seule à conclure ce type d’accord informel, ni à avoir programmé des expulsions massives ou encore l’évacuation des camps sauvages. L’ltalie, le Danemark, la Suède y ont recouru récemment. L’Allemagne a expulsé vers le Kosovo des Roms à qui l’asile politique avait été refusé. Dans ce contexte, qui menace qui ?

EU-Midis, une étude de l’Union Européenne sur les minorités et la discrimination réalisée par l’Agence européenne des droits fondamentaux en 2009, confirme que les 10 à 12 millions de Roms d’Europe constituent la minorité la plus exposée aux violences et discriminations. Au cours des douze mois précédant l’enquête, un Rom interrogé sur cinq a subi au moins une fois un crime à caractère racial – agressions, menaces ou harcèlement grave – et un sur deux au moins une fois une discrimination. La montée des extrêmes- droites et les dynamiques sécuritaires qu’elles génèrent n’augurent pas de jours meilleurs. Des pogroms et des cas de stérilisations forcées continuent même d’être signalés (Robert Kushen, directeur exécutif du Centre européen pour les droits des Roms (ERC ) dans Libération le 19 août). En Hongrie, le Jobbik, parti d’extrême-droite aujourd’hui au Parlement, préconise de créer des sections de gendarmerie dédiées aux « problèmes roms » et de limiter la fécondité rom en supprimant les allocations familiales à partir du troisième enfant !

Combattre les discriminations par le développement humain

L’Europe s’est dotée d’un arsenal juridique en termes de reconnaissance des minorités et de lutte contre les discriminations, et la plupart des pays avec des populations roms importantes ont établi des bases légales garantissant leurs droits. Reste à les faire exercer. Selon le rapport EU-Midis, l’immense majorité des Roms ne signalent pas à la police les crimes dont ils sont victimes (entre 65 % et 100 % des Roms selon les pays). La principale raison invoquée est que « ça ne changerait rien », plus de la moitié ignorent comment s’y prendre et plus d’un tiers craignent les représailles.

« L’approche civique s’avère nécessaire, soutient Nicolae Gheorghe, sociologue roumain rom, fondateur de Romani Criss, une association partenaire du CCFD -Terre Solidaire. Nous n’avons pas hésité à porter de nombreux litiges devant les tribunaux ou les instances internationales, certains jusqu’à Strasbourg, pour obtenir le dédommagement d’une personne rom dont la maison a été détruite ou qui a été battue par la police. C’est un symbole fort. Mais cette approche de confrontation doit être menée de pair avec le développement économique et social local. La priorité étant l’accès au marché du travail dont tant de Roms sont exclus. Malheureusement, cette position est perçue comme “assimilatrice” au sein d’une partie des élites roms elles-mêmes qui misent surtout sur la promotion de l’identité culturelle. » Combattre les discriminations raciales par le développement humain ; inclure les questions liées à l’intégration des Roms dans les politiques plus générales consacrées à l’éducation, l’emploi, la santé publique, la planification urbaine…, plutôt que de les traiter dans le cadre d’une politique distincte, fait cependant consensus au niveau européen. Les Fonds structurels de l’UE , le Fonds européen agricole pour le développement rural (Feader) et l’Instrument d’aide de préadhésion (Iap), qui représentent près de la moitié du budget annuel de l’Union Européenne, doivent permettre de s’attaquer aux chantiers. Oui, mais… « L’Union Européenne traverse une phase creuse et peine à porter les dossiers dans un esprit communautaire, analyse Julie Siro, chargée de mission Europe au CCFD – Terre Solidaire. Elle s’oriente plutôt vers de l’intergouvernemental. » Or, les pays membres, à l’exception de l’Espagne, n’ont jusqu’alors manifesté aucune volonté politique et renvoient la balle aux organisations internationales et européennes. Peut-on espérer que la tempête médiatique de cet été se retourne contre les semeurs de troubles et change la donne ? La France, disait crûment le porte-parole de l’UM P, Frédéric Lefebvre, n’a pas vocation à accueillir tout le quart-monde de l’Europe. Les Européens, devrait-on lui rétorquer, n’ont pas vocation à faire prospérer une poignée de nantis au détriment des droits économiques, sociaux et culturels du plus grand nombre, Roms ou non- Roms. Rappelons-le à nos élus !

Bénédicte Fiquet

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Immigration, les jeûneurs devant l’Assemblée Nationale

Écrit par Les Réseaux du Parvis
Mardi, 31 Août 2010 18:32

La France et l’immigration.

Le monde entier n’en croit pas ses yeux. La France a trahi l’enfant qu’elle lui a donné : Les Droits humains. C’est ce que proclamaient en septembre les” jeûneurs de l’Assemblée Nationale “* et ceux qui les ont soutenus (certains appartiennent à nos Réseaux) en s’opposant de toute la force de leurs convictions à la législation qui est en train d’être mise en place. Elle était en gestation depuis longtemps, mais la poursuite des Roms, quelle que soit leur nationalité, et la menace devenue très réelle de faire perdre la nationalité française aux ” néo-Français ” ont fait éclater le scandale. Vous savez tout cela.

Nous vous proposons quelques éclats, quelques pistes.

*Alain Bosc, Jean-Pierre Garbisu, François Gaudard, Jean-Baptiste Libouban, Jean-Paul Nunez, Alain Richard, Pierre Rosenzweig, Ana Verissimo, Jean-Claude Vigour.

Appel des jeûneurs (extraits)

Après un examen des dispositions de la loi qui mettent précisément en question les Droits humains, les jeûneurs concluent :

” Dans un Etat de droit, toute personne, quels que soient son statut, sa condition ou ses origines, doit pouvoir jouir de ses droits fondamentaux, dont celui du droit à la justice, du droit d’être entendu, du droit à une protection. En acceptant peu à peu de considérer les migrants comme des personnes de ” moindre droit “, nous perdons par là même une part de notre propre humanité.

Ce projet de loi (aujourd’hui voté) heurte profondément notre conscience.

(…) Nous disons NON à une politique d’immigration fondée sur la peur et le repli sur soi.

Nous disons OUI à un projet qui affirmerait l’audace républicaine d’une fraternité qui ne tienne compte ni de l’origine, ni de la nationalité, ni de la religion ou de la couleur de la peau.

N’ajoutons pas à la précarité des sans-papiers d’autres humiliations en les criminalisant. “

Paroles de jeûneurs, chemin faisant…

septième jour de jeûne contre le projet de loi immigration

Fin du septième jour de notre jeûne citoyen. Le moral est bon.

Nous avons été reçus ce mardi 14 septembre à l’Assemblée Nationale par cinq députés de différents partis politiques. Ce sera l’objet principal de la lettre du jour.

Avant cela, nous tenons particulièrement à remercier l’ensemble des personnes qui, jour après jour, viennent nous rendre visite. Dans cette action où nos corps doivent nécessairement ralentir, où nous économisons nos pas, nos déplacements, où nous gravissons avec difficulté les escaliers qui se présentent à nous, la lenteur qui s’installe en nous nous permet de savourer ces moments passés sur la petite place Edouard Herriot avec tous ces inconnus, amis, militants d’associations, sans-papiers, personnalités, médias souvent acquis à notre démarche, qui viennent échanger avec nous. Les discussions sont nourries, enrichies des expériences, engagements, inquiétudes et espoirs aussi de chacun. Cela vaut bien des repas.

A la réunion à l’Assemblée Nationale étaient présents (en plus de représentants des jeûneurs) :

­ députés : Serge Blisko (PS), Patrick Braouezec (ex-PC), Michèle Delaunay (PS), Sandrine Mazetier (PS), Etienne Pinte (UMP) ;

­ personnalités : Jacques Maury (ancien Président de la Fédération Protestante de France), Dominique Noguères (avocate et ancienne vice-présidente de la Ligue des Droits de l’Homme), Laurent Schlumberger (Président de l’Eglise Réformée de France), Jean Alzamora (Gisti).

A noter que seule la Chaîne Parlementaire était présente alors que les médias avaient été invités. Un reportage a été diffusé mardi soir sur LCP et est disponible en ligne.

 Jean-Paul Nunez : ” Nous sommes des jeûneurs, nous ne sommes pas des grévistes de la faim. Nous ne sommes pas dans une action de chantage mais dans une logique d’interpellation des députés, et en particulier ceux de la Commission des Lois. Et au même titre que ce que fait chacun de nous, nous souhaitons que les députés sortent de la logique des partis pour regarder au fond d’eux, comme nous le faisons, pour rechercher le fond d’humanité qui est en eux. Nous croyons aux vertus de l’exemple, on donne de nous-mêmes, et on aimerait que les députés se retournent vers eux-mêmes et prennent conscience individuellement de ce qu’ils vont engendrer en votant cette loi. “

Pour préciser les termes employés par Jean-Paul, notre choix est l’interpellation des consciences par un jeûne limité dans le temps (dix jours) et non une pression par un jeûne illimité, qui pourrait mettre en danger notre santé physique, et qui est communément appelé une grève de la faim.

Jean-Paul Nunez conclut pour les jeûneurs que les citoyens français ont collectivement le devoir d’empêcher la France de glisser d’un Etat de droit vers un Etat de police.

Nous avons donc rédigé mardi soir une deuxième lettre, plus courte, à l’attention de la commission des lois et l’avons envoyée aussitôt aux députés :

” Madame, Monsieur le député de la Commission des Lois, Indignés et inquiets du projet de loi sur l’immigration, nous avons rencontré ce mardi 14 septembre à l’Assemblée Nationale des députés de diverses formations politiques, en présence de représentants de mouvements associatifs et religieux.

Ces élus nous encouragent à vous alerter à votre tour. Ce projet de loi est inacceptable. Outre les aggravations de toutes les dispositions restrictives et répressives, il introduit une rupture grave dans l’esprit et la lettre de notre législation.

Parmi toutes ces dispositions qui nous heurtent, l’une nous paraît extrêmement inquiétante : le recul, voire la disparition, du rôle des juges, qui ouvre la porte à un Etat de police. C’est une brèche qui pourrait s’élargir demain à d’autres situations.

Au-delà de votre appartenance à une formation politique, vous êtes des femmes et des hommes dont la responsabilité personnelle est engagée.

Etes-vous prêt accepter une loi qui institutionnaliserait une maltraitance pour les étrangers que vous jugeriez intolérable pour vos proches ou vous-même ?

Nous en appelons à votre courage et à votre conscience. Ne laissez pas dans l’ombre cette part essentielle de vous-même dans laquelle toute personne doit pouvoir se reconnaître.

Avec toute notre considération citoyenne,

Les 9 jeûneurs

de la place Edouard Herriot,

le 14 septembre 2010. “

(On peut remarquer l’absence totale

de représentants officiels de l’Eglise

catholique.)