La liberté dans la Foi (J. Moingt)

La liberté dans la foi
par Joseph Moingt

Il m’a été demandé de vous entretenir de la liberté dans la foi, c’est-à-dire de l’indépendance de parole et d’action dont le fidèle peut jouir ou qu’il est en droit de revendiquer au sein de l’institution religieuse à laquelle il adhère, et en particulier de l’indépendance que peut revendiquer le théologien vis-à-vis de l’autorité religieuse, laquelle prend la forme d’un magistère doctrinal dans l’Église catholique. Je traiterai plus longuement du premier cas, le plus général, et du second seulement par mode de conclusion,  dans la mesure où le travail du théologien est sollicité pour résoudre le problème du rapport de la foi à l’autorité. Mais je voudrais prendre en considération,  pour entrer dans ce débat, la liberté de la foi, celle que donne la foi, avant de traiter de la liberté dans la foi, de la place que l’institution religieuse laisse à la liberté du croyant.  Est-on fondé, en effet, à poser en principe que la foi serait restrictive de liberté, pour qu’on se croie obligé ensuite de plaider en faveur d’un minimum de liberté dans l’Église ? La discussion de ce préjugé fournira un argument de base pour réfléchir ensuite à la liberté du croyant dans la foi.

La liberté de la foi

Le préjugé que la foi serait contraire à la liberté vient soit de la pensée rationaliste soit de la pensée religieuse, soit que la première postule qu’il n’y a de vraie liberté que dans l’usage de la raison, ce qu’on peut concéder, et que la foi se situe en dehors de la raison, dans l’irrationnel, ce qui est contestable, soit que la pensée religieuse se conçoive elle-même comme obéissance à Dieu, ce qu’on doit concéder, et qu’elle se situe en conséquence en dehors du champ de la raison, ce qu’on doit contester. Il ne peut être question d’aborder ici le problème immense des rapports de la foi et de la raison, souvent étudié tant par les philosophes que par les théologiens. J’essaierai seulement de dire comment la liberté élit domicile dans un assentiment de foi raisonné. Il est juste de placer l’usage de la liberté dans le champ du raisonnable, à condition de ne pas confondre rationalité et rationalisme. Il est également juste de comprendre la foi comme obéissance à Dieu, mais librement consentie. Ma réflexion sur la liberté de la foi se bornera à établir ces deux points.

L’idée que la foi prend naissance dans l’irrationnel se nourrit de suppositions incontrôlées sur l’origine des croyances religieuses, qui auraient été provoquées dans la nuit des temps par les frayeurs des hommes primitifs devant des phénomènes naturels qu’ils ne pouvaient expliquer. Les hymnes recueillies dès les débuts de l’histoire mésopotamienne démentent ces suppositions ; ce sont des chants de louange, d’exultation, d’action de grâce qui montrent, au contraire, que l’esprit de l’homme s’est élevé, au sens d’éduqué, en s’élevant vers la pensée des dieux, qu’il y a trouvé le sens de sa dignité, de sa supériorité sur les autres êtres de l’univers, le sentiment de sa libération des forces matérielles de l’univers, et qu’il a aussi crû en liberté en passant de l’idolâtrie au culte d’un dieu souverain, puis au pressentiment d’un dieu unique, qui l’affranchissait de la servitude à de multiples dieux rivaux les uns des autres. Plus tard, la notion biblique de création, qui séparait radicalement la divinité de la matière, ennoblissait l’homme d’autant plus qu’il était créé “à la ressemblance de Dieu” et que la gestion de l’univers lui était confiée. Les historiens modernes savent montrer dans les représentations cosmologiques de la Bible les premiers essais d’explication préscientifique de l’univers, de même que les récits historiques qu’on y trouve sont des essais d’appropriation de leur histoire par les croyants du peuple hébreu. Les Prophètes témoignent de la liberté que leur inspirait la foi pour libérer le peuple de la tyrannie de ses souverains autant que de sa crédulité envers les faux dieux. Les Sages, plus tard, ouvriront la porte à la pensée grecque et n’hésiteront pas à poser à Dieu les interrogations de la raison sur l’origine des choses et le problème du mal et de la mort. On se rappellera enfin et surtout la liberté souveraine que Jésus puisa dans son rapport personnel à Dieu et dont il fit preuve vis-à-vis des traditions et des autorités religieuses du judaïsme de son temps, une liberté qui le conduisit à mourir hors religion, et qui engendra le christianisme à une rationalité et une liberté nouvelles, d’une part en lui inspirant une intelligence réinterprétative des anciennes Écritures, d’autre part en lui donnant l’audace de s’affranchir de la Loi que Moïse avait reçue de Dieu ; et l’Église a reconnu que sa foi est  constituée originellement de rationalité et de liberté en se proclamant née de l’Esprit du Christ.

Il reste que cette foi se définit comme obéissance à Dieu ; ce point n’est pas discutable, mais c’est là précisément qu’elle se montre réfléchie et volontaire, et non aveuglément soumise. Tout d’abord, avant d’être acquiescement à un ordre tombé du ciel, la foi est ouverture à l’altérité, écoute attentive, assentiment délibéré, acte de confiance, et elle est tout cela, qu’il s’agisse de la foi que le croyant met en Dieu ou de la confiance que tout individu met en d’autres et sans laquelle il n’y aurait pas d’existence proprement humaine. Car il y a un croire en l’homme qui précède le croire en Dieu, et il est vraisemblable que le second a son origine dans le premier et que le croire en l’homme, inversement, a son fondement et sa fin dans le croire en Dieu. Tout acte de parole, en effet, est appel à un autre, acte de confiance en lui, en sa parole, et la vie entre les hommes serait impossible ou serait inhumaine s’ils ne pouvaient pas se faire confiance les uns aux autres, s’ils ne devaient pas se fier à la parole donnée et reçue. Mais aucun d’eux n’est digne que je lui confie absolument mon existence. La confiance en autrui m’ouvre à une altérité infinie et me prédispose à me confier à un Dieu sauveur.  Ma foi en Dieu est éclairée par le témoignage de tous ceux qui ont cru en lui, par la révélation, par la foi de Jésus en celui qu’il appelait son Père, par la tradition de l’Église ; c’est ainsi que j’offre à Dieu, par ma foi, l’assentiment réfléchi et délibéré de mon intelligence et de ma volonté.

On peut apporter des exemples historiques de la liberté de la foi : les chrétiens des premiers siècles en ont témoigné dans les persécutions, ils ont fait preuve de leur indépendance vis-à-vis des pouvoirs politiques et des coutumes de la cité antique, ils ont inauguré un type de socialité décloisonnée et ouverte ; ils ont aussi éprouvé la tentation de rejeter le Dieu créateur puisqu’ils étaient affranchis de sa Loi,  mais, en examinant les évangiles, ils se sont convaincus que Jésus ne faisait référence à aucun autre dieu que celui de la Bible, et ils ont fait le choix du Dieu de Jésus comme seul véritable Dieu. Sur un plan plus individuel, toute conversion à la foi est choix d’existence,  recherche de sens, engagement de vie, et donc acte de raison et de liberté, et la foi ne se maintient vivante que par la répétition de tels actes. Dans les changements culturels et historiques que traverse toute vie humaine, le croyant est souvent provoqué à remettre en cause ses choix existentiels et ainsi à réexaminer le sens que la foi donne à sa vie et à renouveler ses engagements de foi. Cela lui permet d’expérimenter la hauteur de vue et la liberté que la foi lui procure pour l’arracher aux sollicitations immédiates du plaisir, de la gloriole ou de l’intérêt  et pour orienter sa vie vers un surplus d’humanité.

Ces considérations, toutefois, restent abstraites aussi longtemps que la foi est envisagée sous le seul rapport d’un sujet croyant à Dieu, car ce sujet n’est pas isolé, il appartient à un groupe religieux, qui est une institution du croire, et sa foi est déterminée par les traditions et les autorités doctrinales de son Église. C’est le point que nous allons maintenant examiner. Mais nous retiendrons de ces premières réflexions que le croyant garde toujours une ressource de liberté  en ramenant toutes les déterminations que lui impose l’institution religieuse à son rapport personnel et fondamental à Dieu. Comment exercera-t-il cette liberté, alors qu’elle paraît conditionnée par son appartenance religieuse ? On va s’efforcer de répondre à cette question.

La liberté du croyant

Il est très vrai que la plupart des personnes sont entrées dans l’Église du fait de leur naissance, de leurs parents, de leur éducation, et non d’un engagement personnel. Il n’en va pas autrement de tout accès initial à une culture, de quelque nature qu’elle soit, cela découle de la socialité de l’être humain. Mais l’individu est amené assez tôt à réviser les orientations de pensée et de vie que d’autres ont prises pour lui et à les assumer ou à s’en dégager après délibération.  Est-il particulièrement difficile de se libérer d’une tradition religieuse ? Si ce fut le cas dans le passé, ce ne l’est plus aujourd’hui, dans nos pays, où les rouages de la transmission ne fonctionnent plus sur aucun plan, ni familial ni social ni culturel ni politique. Quand l’indifférence et l’incroyance se répandent dans tous les milieux et se contractent dès l’adolescence, la libération d’une tradition religieuse se fait généralement sans effort, rien qu’en suivant les manières de penser et de vivre les plus courantes, alors que la croyance inculquée dans la petite enfance ne se maintient pas sans des efforts toujours renouvelés de réflexion et de volonté.  Si l’on admet que le sujet, l’individu vraiment libre, est celui qui a l’intelligence et le courage de “faire exception”, c’est-à-dire de “ne pas se conformer au siècle”, aux modes et aux opinions communes, ainsi que le dit un philosophe contemporain en citant saint Paul, force est de reconnaître que la liberté, de nos jours et dans nos pays, se trouve du côté de la foi plutôt que de l’incroyance.

Mais cette observation ne touche pas encore au fond du problème : quelle liberté l’institution religieuse laisse-t-elle au croyant qui s’est résolu à penser et à vivre en croyant ? S’il est totalement libre à l’égard des sollicitations du monde, l’est-il au même degré à l’intérieur de son Église ? Nous poserons en principe qu’un catholique convaincu est disposé à croire et à pratiquer tout ce que croit et pratique l’Église, c’est-à-dire tout ce qu’elle tient pour vérité authentiquement révélée et pour moyen nécessaire de salut, et qu’il y adhère en connaissance de cause et librement, aussi longtemps du moins qu’aucun doute ne s’est élevé dans son esprit au sujet de cet enseignement.  Toutefois, quand il se tient en rapport de soumission vis-à-vis de l’Église, il la pose comme une institution hiérarchique qui lui est extérieure et qui a reçu de Dieu autorité pour dire la foi, et il convient d’étudier concrètement la liberté du croyant du point de vue de ce rapport.

Le magistère de l’Église ramène volontiers l’obéissance de la foi à la soumission envers lui, en vertu du principe que le Christ a donné aux successeurs des apôtres toute autorité pour enseigner son Évangile et pour guider ceux qui voudront être ses disciples dans les voies du salut. Nous ne contesterons pas le principe, sauf à examiner son application. Elle est limitée par hypothèse à ce que l’Évangile enseigne et ordonne dans l’ordre du salut, et c’est strictement dans cette limite que la soumission à l’autorité de l’Église est la libre obéissance de la foi due et rendue à Dieu même et à lui seul.  Le magistère de l’Église admet cette limite en théorie, mais la respecte très mal en pratique, car il considère que lui seul a autorité pour dire la foi telle qu’il l’entend ; il n’accepte pas que d’autres, de simples fidèles, s’en mêlent et moins encore qu’ils mettent en cause la légitimité de son enseignement, sa provenance authentique de la révélation. Avant tout examen du contenu de cet enseignement, le mode d’exercice solitaire et autocratique de l’autorité religieuse est sujet à critique du point de vue de la liberté du sujet croyant.
Cette liberté est à double entrée : elle vient de l’Esprit Saint et également de la nature humaine.

D’une part, Jésus a promis de donner “l’Esprit de vérité” à ses disciples, à tous, présents et futurs, pour les “guider vers la vérité tout entière”. Que quelques-uns seulement aient autorité pour énoncer la vérité dans l’ordre de la succession apostolique,  cela ne veut pas dire que les autres seraient inaptes à la pressentir et à la comprendre et qu’il n’y aurait ni légitimité ni utilité à les consulter. On constate dans les premières communautés chrétiennes une grande et libre circulation de la parole, qui n’était pas réservée à ceux qui les présidaient et gouvernaient, lesquels n’étaient d’ailleurs pas encore consacrés à cet effet. Plus tard, lors des premiers conciles, auxquels participaient quelques simples prêtres, diacres ou laïcs, les évêques étaient convoqués avant tout  pour témoigner de la foi de leurs Églises, de leurs fidèles.  Plus près de nous, quelques définitions pontificales ont été précédées de consultations auprès des évêques, qui faisaient état du sentiment des fidèles voire de pétitions sur le point à définir. Il ne devrait donc pas y avoir d’obstacles de principe à inviter les fidèles à débattre de questions qui intéressent grandement leur intelligence et leur vie de foi.

D’autre part, l’homme répugne naturellement à ce qu’on lui impose des choses à croire et à pratiquer au seul nom de l’autorité, sans qu’il soit admis à en vérifier au préalable  le bien-fondé, dans la mesure où il en est capable et où ces choses ont de l’importance à ses yeux. Pendant longtemps, les fidèles ont accepté de telles décisions sans difficulté, parce qu’ils avaient l’habitude d’être commandés de la sorte, parce qu’ils étaient illettrés ou peu instruits ou qu’ils ne disposaient pas de l’Écriture Sainte ou parce qu’ils révéraient toute autorité sacrée et tout ce qui leur était présenté sous le couvert du mystère. Il n’en va plus de même de notre temps. L’Église a perdu et continue à perdre de nombreux fidèles parce qu’elle ne se résignait pas et ne se résout toujours pas à les traiter en personnes majeures, capables et désireuses de répondre par elles-mêmes de leur foi, de leur intelligence de la foi, de leur vie de foi et de leur vivre en Église.  Des fidèles qui ne jouissent pas dans l’Église du même respect de leur liberté ni du même sentiment de responsabilité que dans la société civile et politique en viennent vite à se désintéresser des choses de la foi et à cesser de fréquenter habituellement l’Église.

Du seul point de vue formel du rapport à l’autorité,  on peut donc conclure qu’une soumission absolue au magistère de l’Église ne conduit pas infailliblement à la vraie obéissance de la foi, loin de là, et qu’il serait mieux avisé de tenir davantage compte du changement des mentalités et surtout de faire davantage confiance à l’Esprit qui inspire les fidèles, pour les questionner, les écouter, les laisser prendre des initiatives, comme le souhaitait Vatican II, et les inviter à prendre leur part de responsabilité dans le discours et la vie de l’Église. La foi serait finalement gagnante à une plus grande liberté des croyants.
Pour creuser plus à fond le problème de la liberté dans la foi, il faudrait passer du point de vue formel dont je viens de parler à la détermination des plans sur lesquels elle aurait à s’exercer. J’évoquerai rapidement le plan de la doctrine et celui de l’éthique, puis celui du gouvernement de l’Église et de sa mission.

Sur le plan de la doctrine, il ne faut évidemment pas donner prétexte à la caricature qui soumettrait l’interprétation des évangiles et les définitions de la foi au vote majoritaire des croyants. Pour déterminer les points de doctrine qui appartiennent authentiquement à la foi de l’Église,  il est indispensable de savoir lire et interpréter les Écritures, de connaître l’histoire et la tradition de l’Église et d’être aussi capable d’une réflexion philosophique. J’en parlerai dans un instant à propos de la liberté du théologien, non que les questions doctrinales lui soient réservées, mais parce qu’il y faut des connaissances techniques, comme pour tant d’autres questions qui relèvent de la science.

Les fidèles, d’ailleurs, s’intéressent d’ordinaire davantage aux questions éthiques, qui concernent leur vie de chaque jour et qui alimentent les problèmes de société dont les média discutent passionnément :  sexualité, contraception, famille, vie de couple, éducation des enfants, éthique médicale, droit à la vie et droit à la mort, droits de l’homme, de la femme et de l’enfant, justice sociale, économie durable, écologie, etc. Sur toutes ces questions et sur bien d’autres du même ordre éthique, l’Église ne cesse de légiférer avec autorité, souvent au nom de ce qu’elle appelle la loi naturelle, alors que ces questions relèvent de la raison, du bien social commun, donc du débat public, et l’Église en parle sans questionner et sans laisser intervenir ses fidèles laïcs, qui en ont pourtant une expérience personnelle, parfois une connaissance technique, et qui en prennent conscience avec l’assistance de l’Esprit Saint. Voilà donc un immense domaine, d’extrême importance et urgence, sur lequel les croyants doivent prendre position,  revendiquer leur liberté de parole et dire une parole de foi dans l’Église et en son nom dans le monde. Mais comment faire en sorte que se forme et s’exprime d’abord, dans la foi,  le jugement des fidèles sur ces questions, puis qu’il remonte aux instances délibératives qui lui donneraient la forme et la force d’une conviction commune, et que celle-ci débouche enfin dans le débat public où s’élaborent les décisions et les lois de la société civile et politique ?  La question ramène au rapport des fidèles à la hiérarchie, envisagé maintenant sous la forme concrète du gouvernement de l’Église.

Du point de vue de la liberté dans la foi, le seul qui nous intéresse ici, le problème du gouvernement de l’Église consiste à examiner la place qui devrait être faite aux “simples” fidèles dans ses instances délibératives et exécutives pour qu’ils soient reconnus en tant que personnes majeures dans la foi, qui jouissent collectivement de l’assistance du Saint Esprit, afin que leur dignité  soit signifiée dans l’Église comme elle l’est dans la société civile et politique et que leur foi soit d’autant plus affermie que serait honorée leur responsabilité de l’être-ensemble de l’Église. Ce problème doit aussi être examiné sur le plan de la collégialité et de la subsidiarité. Actuellement l’épiscopat fonctionne pratiquement en tant que représentant de l’autorité romaine dans les Églises locales ; il faudrait qu’il soit également le représentant légitime de ces Églises auprès de l’autorité centrale, ce qui obligerait à organiser la représentativité de l’Église locale en tant que telle. Mais Rome a manifesté les plus vives craintes dans les siècles récents d’introduire dans l’Église des facteurs de démocratie et de décentralisation.  C’est dire qu’il y aura un long chemin à parcourir avant que la liberté de la foi devienne un fait accompli dans l’Église, et que l’énergie des croyants devra longtemps se mobiliser dans ce but.

Il faudrait enfin considérer le rapport de la liberté des croyants à la mission de l’Église dans le monde. Car la question ne peut pas se réduire à celle d’une meilleure organisation de l’espace ecclésial, mais doit s’étendre au service du monde auquel l’Église est envoyée. Elle sera de plus en plus sollicitée d’aider à la solution, théorique et pratique, des graves problèmes politiques, économiques et sociaux qui engagent l’avenir de la planète. Il incombera spécialement aux fidèles laïcs, en tant qu’ils sont citoyens à la fois de l’Église et du monde, de prendre part à ces débats et à ces actions, pour y faire entendre la voix de l’Église et y engager sa responsabilité. Ce qui met  à nouveau en cause la question de la représentativité des fidèles dans le discours et la vie de l’Église. Elle ne sera pas résolue sans faire appel à la théologie. C’est pourquoi je conclurai ces réflexions par une brève interrogation de la liberté du théologien.
La liberté du théologien

Dans le cas du théologien comme dans celui de tout croyant, le problème de la liberté dans la foi se pose en termes de représentativité ou encore de positionnement. Le théologien jouissait au Moyen Âge d’une assez grande autorité et indépendance due à sa position d’universitaire. Il a perdu l’une et l’autre depuis la Contre-Réforme, où il s’est vu généralement affecté à la formation des clercs dans les séminaires ou, plus tard, dans des Facultés placées sous le contrôle de l’autorité épiscopale ou romaine, et de plus en plus de Rome directement. Il est alors censé répercuter purement et simplement l’enseignement du Magistère dûment codifié par des congrégations ou commissions romaines, il représente l’autorité de l’Église enseignante devant les fidèles qui lui doivent obéissance. Les théologiens se sont sentis davantage surveillés depuis les condamnations des “idées nouvelles”, libéralisme,  rationalisme ou modernisme, vers lesquelles inclinaient certains d’entre eux. L’exégèse a joui d’une plus grande liberté depuis le milieu du siècle dernier, pour autant qu’elle s’en tient à l’explication des textes sacrés selon des procédures scientifiques appropriées et inattaquables en tant que telles. Mais la théologie, tout en bénéficiant de ces explications, n’a pas le droit de s’écarter d’une interprétation des Écritures conforme à l’enseignement de l’Église et à la Tradition ni de la doctrine officielle telle qu’elle est exprimée dans les définitions conciliaires et les documents pontificaux. La liberté de la recherche théologique n’en est pas moins proclamée, pourvu qu’elle se tienne dans le cadre de la vérité enseignée par le Magistère. En d’autres termes, le théologien ne jouit en théorie d’aucune liberté, car une recherche encadrée par l’autorité ne peut pas bénéficier des critères de la rationalité scientifique de notre temps. Il n’a en pratique que la liberté qu’il osera s’attribuer, à ses risques et périls.

Le théologien, que nous supposons fidèle à la foi de l’Église, dispose cependant de la possibilité de l’interpréter différemment de son enseignement officiel par la vérification de ses sources, scripturaires et traditionnelles, et par le contrôle de ses représentations et expressions, historiques et philosophiques.  Il met ainsi à l’oeuvre une réflexion critique intérieure à la foi, il use d’une liberté qui lui vient de la foi elle-même.  Ainsi, pour m’en tenir à un seul exemple, que je ne détaillerai pas, la christologie contemporaine a pu prendre le risque d’une révision des concepts chalcédoniens en se tenant plus près des récits évangéliques, normatifs de notre intelligence de la personne du Christ, d’un côté, et plus près, d’autre part, des requêtes de l’anthropologie moderne, normative de notre compréhension de son humanité.  La fidélité à la foi, dont peut alors se targuer le théologien, ne le met pas sûrement à l’abri des censures de l’autorité, mais il peut s’aventurer en toute sécurité de foi dans cette recherche, justement parce qu’elle lui est inspirée par une meilleure intelligence de la vérité de la foi elle-même.  La  liberté qu’il tire de son ancrage dans la foi “assure” celle qu’il prend vis-à-vis de l’institution du croire qui le contrôle.

D’autres motivations le guideront et l’affermiront dans sa prise de liberté. D’abord, de nombreux théologiens d’aujourd’hui ne se positionnent plus en porte-parole de l’Église enseignante face au peuple chrétien, mais se préoccupent davantage d’interpréter les requêtes des fidèles en matière d’intelligence de la foi, de discuter avec eux des questions qu’ils soulèvent, et de porter à la connaissance du Magistère leurs aspirations et leurs protestations, leurs désirs et leurs refus. Ainsi aideront-ils les fidèles à accéder au discours de la foi et à prendre la parole et leur juste place dans l’Église.  En second lieu,  nombreux sont les  théologiens à s’inquièter du discrédit dans lequel tombe si souvent le discours officiel de l’Église, des critiques suscitées par maintes attitudes de sa hiérarchie, de la mécompréhension fréquente de ses dogmes, de l’indifférence croissante à l’égard des vérités de la foi, et ils ressentent la nécessité d’innover le langage de la foi, de le rendre pensable aux nouvelles mentalités, de l’ouvrir aux questions qui préoccupent notre monde sécularisé et laïcisé : autant de motivations de foi qui encourageront les théologiens à prendre plus de risques.

De bons observateurs de la scène publique pensent que la mondialisation entraîne notre temps dans un tournant de civilisation tel que beaucoup de nos anciens discours et comportements ne tarderont pas à être en perte totale de signifiance et d’efficacité. Les discours et comportements religieux résisteront-ils à ce courant ? Serait-ce sur ce point que le sujet croyant devrait “faire exception” et maintenir fermement la tradition chrétienne au lieu de se laisser emporter par le cours du temps ? Assurément, mais pas en se clôturant dans le passé de notre tradition ; bien au contraire, en se confiant à la puissance de novation qui l’a portée jusqu’à nous, en libérant les germes de nouveauté qui constituent la Bonne Nouvelle de Jésus Christ. La nouveauté des temps est l’ultime motivation qui encourage les croyants, fidèles, théologiens et pasteurs, à prendre plus de liberté dans la foi, pour l’avenir de la foi.

J. Moingt




Rite Evangélique et absence de Dieu

RITE EVANGELIQUE ET ABSENCE DE DIEU

Joseph MOINGT
(« Récit et rite » – cité par Parvis N°34)

« Le langage du récit
permet  à une authentique ritualité chrétienne de donner un autre visage à Dieu. Le récit parle à la troisième personne et il emploie les temps du verbe au passé : deux traits caractéristiques, selon la sémiotique, du langage de l’absence.
Le récit évangélique parle de l’absence de Dieu : « Dieu , nul  ne l’a jamais vu … L’Esprit, nul ne sait d’où il vient ni où il va… Quant à moi, il vous est bon que je m’en aille » (Jn 1,18 ; 3,8 ; 15,7) .

Le rite bâti sur ce récit comme sur le jeu d’une case vide ne peut être  qu’un symbole de l’absence de Dieu :
le culte se doit de la respecter et de la proclamer.

Les  premières célébrations de l’Eucharistie « dans les maisons » (Ac 2,46) – lieux profanes qui ne peuvent pas servir de résidence, comme un temple, à la gloire de Dieu, constituaient l’humble aveu d’une dépossession,
qui n’était pourtant pas une perte. Car l’absence de Dieu n’est pas un non-lieu : « Je reviendrai vous prendre auprès de moi » (Jn 14, 3). C’est le mouvement d’un départ et d’un retour, c’est un passage.

La présence de Dieu advient réellement à travers son absence, mais elle passe, elle  ne fait que passer. Et le rite raconte symboliquement le passage de l’Absent. Il nous dévoile en même temps cette autre absence, de soi-même,
qui est la présence de la mort dans notre corps, et que nous ne pouvons combler qu’en partant sur les traces du Christ,
vers les autres, à la rencontre du Dieu absent.

Pour avoir cette qualité de récit de l’absence, le rite évangélique ne cherche pas à immobiliser le passage de Dieu :
il le laisse passer. Ni à posséder sa présence : il la laisse s’absenter. Il ne prend pas Dieu au lacet de l’être-là ; il ne clôture pas sa puissance ; il le laisse s’en aller, s’en aller aux autres.

Ni chose enfermante, ni geste d’enchantement, le rite évangélique est la rencontre de Dieu dans la rencontre de l’autre
« en mémoire » de celui qui a vécu de se livrer aux autres.

Le lieu de l’Absent, c’est l’autre. C’est ce que nous raconte en figure et en fait le récit évangélique. »




Benoit XVI et l’Islam

Benoît XVI et l’Islam, une maladresse seulement?

Réaction au discours de Benoît XVI prononcé le 12 septembre 2006 à l’Université de Ratisbonne en Allemagne

Voir le texte intégral des « souvenirs et réflexions » partagés par Benoît XVI dans son discours à l’Université de Ratisbonne, face aux représentants de la science.

Je viens de lire le texte intégral du discours de Benoît XVI à l’université de Ratisbonne. Incontestablement, ce qu’il y expose de l’islam n’en représente qu’une partie, quantitativement limitée. Néanmoins, ce qui dit le pape est révélateur d’une conception théologique et d’une façon très partiale de lire l’histoire religieuse – et notamment une vision ultra restrictive et faussée de l’islam. Mais, pour en saisir la portée, il faut préciser en quelques mots ce qui me semble le sens général de ce texte.

On notera que le propos principal du pape, la problématique de son « cours » – car il s’agit bien d’un cours universitaire de type magistral –, concerne le rapport de la foi en Dieu et de la raison : le logos grec, en l’occurrence, capable d’atteindre par lui-même la « vérité de l’Etre » Or celle-ci est inséparable, selon le pape, comme le dit son intervention, de « ce rapprochement mutuel qui s’est opéré entre la foi biblique et le questionnement philosophique de la pensée grecque, […] fait d’une importance décisive non seulement du point de vue de l’histoire des religions, mais aussi de celui de l’histoire universelle – un fait qui nous crée encore aujourd’hui des obligations ».

Ce débat ontologique et épistémologique est très ancien et, comme le montre Benoît XVI de façon le plus souvent partielle et surtout partiale, est présent dans l’histoire des théologies chrétiennes. Or, première remarque : Benoît XVI en valorise, exclusivement, un courant qui est loin d’être le seul, ni même un discours dominant de nos jours, sauf dans les sphères catholiques romaines traditionalistes. Ce discours rejète du côté de l’erreur, comme l’avait déjà fait le pape Jean-Paul II dans son encyclique Fides et ratio, toute la pensée moderne et postmoderne et, d’une manière générale, les critiques philosophiques variées du triomphalisme de la « raison pure » ou logocentrisme. La pensée nominaliste, les théologies réformées (protestants), la théologie libérale, le kantisme évidemment, une vision déformée de la rationalité scientifique, etc., sont donc exclus a priori par le pape de la sphère de la pensée religieuse catholique, dans la mesure où selon lui ces formes très différentes de la pensée sont nécessairement des erreurs, car elles remettent en question le logocentrisme de l’ontologie grecque. Or refuser l’ontologie grecque n’est pas sombrer dans l’irrationnel et dans l’erreur comme le dit Benoît XVI. Au contraire, il peut y avoir dans l’humilité d’une raison qui expérimente ses limites et ses capacités une démarche elle-même riche de découvertes, de savoirs, d’éthique et de dialogue culturel, et notamment dans le domaine inter-religieux, dont certains soulignent qu’il n’est plus une priorité pour le nouveau pontife. Pour tout théologien chrétien qui respecte la rigueur et les progrès de la pensée dans la diversité et l’historicité de ses approches, la position du pape ne saurait en aucun cas s’imposer comme nécessaire dans le cadre même de la pensée religieuse, sauf par un coup de force de nature inquisitoriale. Mais on sait que le Vatican est habitué à condamner les théologiens qui lui déplaisent sans autre forme de procès !
Philosophiquement et théologiquement, la position du pape ne représente à mes yeux que les opinions du professeur Ratzinger et ne saurait être présentée comme la pensée de l’Eglise catholique, encore moins des chrétiens en général.

Mais ce texte est aussi à lire dans un contexte politique. Et, de ce point de vue, il y a un certain nombre de choses inquiétantes aux yeux du chrétien laïque que je suis.

C’est en conservant à l’esprit les thèses du professeur Ratzinger qu’il faut lire la référence, dès le début de sa conférence, à une conception très étrange de la recherche universitaire : celle-ci doit s’interroger sur Dieu au moyen de la raison (c’est en effet un programme philosophique tout à fait possible) mais, ajoute le pape, il faut « le faire dans le contexte de la tradition de la foi chrétienne ». Bref, la réponse est donnée avant même que la question soit posée et le débat possible. Bel exemple de pétition de principe assez peu rationnelle, votre sainteté ! Mais surtout danger pour le respect de la laïcité dans l’Université ! Ne saurait-il s’y exprimer légitimement qu’une pensée qui s’exerce dans le contexte de la tradition de la foi chrétienne et, de manière encore plus restrictive, de la foi chrétienne définie par Benoît XVI ?
De plus, on aperçoit à plusieurs reprises, en filigrane, la thèse vaticane concernant l’Europe chrétienne, telle qu’elle a été exigée par Jean-Paul II à propos du préambule du projet de Constitution européenne et continue de l’être par le pape actuel. Après avoir « constaté » la rencontre entre la philosophie grecque et la foi biblique, le pape ajoute : « On ne peut guère s’étonner que le christianisme, en dépit de son origine et de son important développement en Orient, ait fini par trouver en Europe le lieu de son empreinte historique décisive. Nous pouvons dire à l’inverse : cette rencontre à laquelle s’est ajouté par la suite l’héritage romain, a créé l’Europe et reste le fondement de ce qu’on peut avec raison appeler l’Europe. »
Je ne reviens pas sur les critiques fondamentales que l’on a déjà faites à cette façon de considérer que l’Europe est une création chrétienne, en oubliant bien entendu toutes les autres formes d’humanisme agnostique et athées, et l’apport si important de la philosophie et la théologie musulmanes dans le passé sans doute, mais pas seulement.

Pour être vraiment européen faudrait-il donc désormais adopter nécessairement les valeurs chrétiennes comme fondement ? Ou, pour en venir par ce biais à ce qui est l’objet principal de cette réflexion, peut-on être européen et musulman ?

Le passage consacré à l’islam par Benoît XVI dans son exposé « magistral » est d’une inspiration si médiocre qu’il n’est guère étonnant que peu se sont risqués à soutenir sur ce point le professeur Ratzinger. On tente pourtant de le justifier en affirmant que son dessein était louable puisqu’il avait pour but de condamner la violence politique qui instrumentalise la religion. Certes, on sera facilement d’accord avec le pape quand il reprend la phrase de l’empereur Manuel II Paléologue : « Celui qui veut conduire quelqu’un vers la foi doit être capable de bien parler et de raisonner correctement et non d’user de la violence et de la menac. Pour convaincre une âme raisonnable, on n’a besoin ni de bras, ni d’armes, ni non plus d’un quelconque moyen par lequel on peut menacer quelqu’un de mort. »

On s’attend logiquement à une condamnation, par exemple, des conversions forcées dont bien des missionnaires catholiques se sont, ici ou là, autrefois rendus coupables ou des violences de l’Inquisition… Mais, surprise, seul l’islam est envisagé, dans ce contexte, comme violent. Car le pape vient de citer, sans la moindre réticence ou le moindre restriction, les propos sur l’islam du même empereur. Dans l’apport de Mahomet, dit ce souverain du XIVe siècle, « tu ne trouveras que des choses mauvaises et inhumaines, comme le droit de défendre par l’épée la foi qu’il prêchait ».

Sont ignorés, de fait, tous les passages de la Bible qui présentent des appels de Yahvé à la violence contre ses ennemis – et quelle violence parfois ! –, ainsi que les violences historiques de l’Eglise elle-même. Les guerres de religion entre chrétiens n’existent pas dans la clarté revendiquée d’une pensée catholique idéalisée que l’on affirme, en raturant toute réalité historique, toujours et partout rationnelle. Pire, l’islam est défini exclusivement comme la religion du djihad, présenté sous la forme particulière de la violence guerrière – ce que beaucoup des plus respectés commentateurs du Coran présentent d’abord comme l’effort intérieur de la foi qui s’incarne dans la vie du croyant –, alors qu’en aucun cas il ne viendrait à l’idée du pape, et ce à juste titre, de définir le catholicisme comme la religion des croisades.
Cette approche d’un vrai problème, celui de la violence religieuse, en islam entre autres, est ici traitée avec une légèreté que nul universitaire sérieux ne saurait cautionner.

Irrationnel par essence, l’islam ? Quelle étrange vision de l’histoire de l’islam qui ignore tout l’apport des civilisations qu’il a inspiré durant des siècles. Pour aller dans le sens de l’attachement du pape à la rationalité grecque, comment peut-il à ce point ignorer que celle-ci a été largement transmise à l’Europe chrétienne par les penseurs et philosophes musulmans dont, par exemple, un saint Thomas d’Aquin, tant aimé de la philosophie catholique officielle, s’est nourri tant pour en adopter des thèses essentielles que pour en débattre rationnellement avec ses interlocuteurs. Il faut lire un historien de la pensée du Moyen Âge comme Alain de Libera qui montre que la pensée musulmane ne fut évidemment pas la seule mais fut une pensée déterminante pour le développement de la philosophie et des sciences européennes. Le pape, qui se réfère au début de son intervention à son passé d’universitaire, a-t-il le droit d’ignorer ce que fut et ce qu’est encore très souvent la pensée musulmane ou héritière de cette pensée ?

A-t-il le droit d’ignorer des penseurs actuels comme, près de nous, des hommes, qui m’ont intellectuellement beaucoup apporté, tels que Ghaleb Bencheikh, Mohammed Arkoun, ou Malek Chebel (grand rationaliste et homme de foi s’il en fut)… Ces hommes, nos amis, posent à l’islam des questions décisives, le mettent dans la lumière de la modernité pour qu’à son tour il aille au cœur de sa foi et que son apport aussi soit un enrichissement pour la culture européenne contemporaine. On pouvait penser que le pape fasse au moins allusion à cette renaissance de la pensée musulmane ou issue de la tradition musulmane dans le monde entier. Hélas…

On comprend que des musulmans se sentent particulièrement visés par cette caricature de l’islam, bien plus grave que les caricatures du prophète Mahomet publiées dans un journal danois. A la différence des caricaturistes danois qui visaient – parfois avec plus que de la maladresse – la violence islamiste, c’est l’islam lui-même qui semble ici atteint dans sa nature et son authenticité. Quel mépris – inconscient probablement, ce qui assez grave – manifeste le pape pour la foi de cette majorité de musulmans qui ne se sentent pas engagés dans une « guerre des civilisations ».

On peut, en effet, se demander si ce n’est pas cette guerre que le propos irresponsable politiquement de Benoît XVI ne va pas encourager en donnant une caution volontaire ou non aux thèses de l’Amérique chrétienne de l’actuel gouvernement américain. Inversement, comme lors de l’« affaire des caricatures danoises », on voit des islamistes et des politiques utiliser ce discours pour mettre encore de l’huile sur le feu et, par des agressions contre des chrétiens ou des églises, donner des arguments à ceux qui considèrent l’islam comme « intrinsèquement violent ».

Si j’ai raison – et j’ai très peur de ne pas beaucoup me tromper –, tous ceux, pseudo chrétiens ou pseudo musulmans, qui rêvent d’une guerre des civilisations pourront donc se féliciter de ce que dit le pape de l’islam.

PS : Aujourd’hui, Benoît XVI se dit désolé des conséquences de son discours et d’avoir choqué de nombreux musulmans. Il a aussi choqué de nombreux chrétiens, de nombreux catholiques. Et surtout il ne semble pas remettre en cause tout ce que sa présentation de l’islam a de gravement partial et faux. Des excuses motivées apporteraient sans doute plus d’apaisement.

Jean Riedinger,
professeur de philosophie.




Eau et théologie

Dans notre existence, passer avec lui de la mort à la vie ce n’est pas être arrivé et s’installer, mais oser s’aventurer sur d’autres rives, encore inconnues, redoutées peut-être ; c’est, à la suite des Hébreux et des disciples, devenir des êtres qui osent la traversée, dans toutes ses dimensions, franchir les distances, les fossés, les frontières et aller y rencontrer l’inattendu, le frère, la sœur qui donnent visage au Dieu étrange(r) et s’interroger : « Qui donc est-il ? »

Traversée marine et théologique

Un article publié du numéro 31 de la revue Parvis, de septembre 2006.

Se préparer au voyage

Sur le thème de l’eau et la vie dans le Nouveau Testament, les propositions de voyages, d’itinéraires sont nombreuses et diversifiées. Les auteurs de ces textes ont en effet puisé aux sources des Écritures qui ont fait la part belle à l’eau ; elles ont investi cet élément comme métaphore de la vie et de leur relation à Dieu pour dire la vitalité de leur réflexion. Avec réalisme et sagesse, ces Écritures ont gardé une mémoire vive du côté sombre de l’eau, elles savent combien l’eau est aussi menace, danger pour les êtres vivants ; mais l’eau a un maître, Dieu selon l’Ancien Testament. Cette maîtrise fait de lui le sauveur de son peuple : lorsque celui-ci quitte le pays de servitude, il doit la vie sauve à ce Dieu qui a rendu possible qu’il passe à travers les eaux et accède à une vie libre. Traverser les eaux est expression de salut dans l’Ancien Testament, un salut reçu de Dieu.

Les auteurs des textes bibliques ont déployé la métaphore, faisant jouer les échos d’un texte à l’autre, de l’Ancien au Nouveau Testament. Il n’est donc guère possible de s’aventurer dans le Nouveau Testament sans avoir en poche le premier volume de la Bible.

Être un voyageur actif

Pour profiter au mieux d’un voyage, prendre conscience du dépaysement, reconnaître que la langue, la culture, les valeurs du pays que l’on découvre nous sont vraiment étrangères, il importe de prendre le temps de la découverte, précisément. Pour le voyage qui est le nôtre, ce sera le temps de la lecture, où surprises, découvertes, incompréhensions, impressions de déjà vu aussi, auront l’espace de l’expression et seront reprises dans un second temps, réfléchies et mises en perspectives.

Notre destination, une parmi d’autres possibles dans le Nouveau Testament, se trouve dans l’évangile selon Marc, au chapitre 4, versets 35-41 (Traduction œcuménique de la Bible).

35 Ce jour-là, le soir venu, Jésus leur dit : « Passons sur l’autre rive. » 36 Quittant la foule, ils emmènent Jésus dans la barque où il se trouvait, et il y avait d’autres barques avec lui. 37 Survient un grand tourbillon de vent. Les vagues se jetaient sur la barque, au point que déjà la barque se remplissait. 38 Et lui, à l’arrière, sur le coussin, dormait. Ils le réveillent et lui disent : « Maître, cela ne te fait rien que nous périssions ? » 39 Réveillé, il menaça le vent et dit à la mer : « Silence ! Tais-toi ! » Le vent tomba, et il se fit un grand calme. 40 Jésus leur dit : « Pourquoi avez-vous si peur ? Vous n’avez pas encore de foi ? » 41 Ils furent saisis d’une grande crainte, et ils se disaient entre eux : « Qui donc est-il, pour que même le vent et la mer lui obéissent ? »

En (re)découvrant ce récit, interrogez-vous : qu’est-ce qui vous parle ? Vous frappe ? Vous est étranger ? Au contraire, familier ?
En relisant attentivement ces quelques versets, relever qui a l’initiative de ce qui se passe et qui subit les événements ; qui contribue à ce que l’action se déroule et qui fait obstacle.

En vous servant des éléments découverts au cours de votre visite du texte, esquisser des hypothèses en réponse à cette question : qu’est-ce qui se joue dans le récit de cette traversée ?

Quelques balises pour relire et traverser à notre tour une tempête redoublée

Au soir d’une journée d’enseignement, Jésus fixe une destination au groupe qu’il constitue avec ses disciples : l’autre rive. Celle-ci n’est accessible que par le détour d’une traversée de la « mer » (4,1 et 5,21) ; or le projet est compliqué par un événement inattendu, une terrible tempête (au cœur du récit, versets 37-39) racontée sur un mode dramatique. Le caractère périlleux de la situation est aggravé par un autre motif, celui du sommeil de Jésus, décrit, lui, avec les termes de la sérénité.

Ce second motif provoque une autre tempête, chez les disciples cette fois, qui réveillent l’endormi et lui font reproche de sa sérénité qu’ils lisent comme indifférence à leur égard.

La traversée comme métaphore

Bien qu’ils soient dans la même embarcation, les disciples et le maître sont présentés par le narrateur dans une différence qui les situe à distance, en des points de vue et attitudes opposés. Sous la trame narrative de la traversée de la mer s’esquisse ainsi un autre espace à traverser, qui sépare les disciples du maître : l’éloignement signifié par les attitudes de panique des uns et le sommeil tranquille de l’autre est une variation d’un thème cher à l’évangile selon Marc. Dans d’autres textes, ce fossé est exprimé avec les termes de l’incompréhension, ou encore de la non–foi, ou encore de la cécité.

Identité en question

C’est l’identité de Jésus qui est en jeu dans ces différents récits ou plus précisément la difficulté voire l’incapacité des disciples à comprendre qui il est, véritablement. C’est cela que pointe la réponse de Jésus sur le mode de l’interpellation : « Pourquoi avez-vous si peur? Vous n’avez pas encore de foi ? » Ainsi que, en écho, l’interrogation des disciples : « Qui donc est-il, pour que même le vent et la mer lui obéissent ? » Cette finale interrogative, là où un récit de miracle place généralement une acclamation joyeuse qui reconnaît l’identité du thaumaturge et l’acclame, renforce l’importance de ce questionnement sur l’identité de Jésus et la distance non résorbée, non traversée entre les disciples et le maître. Leurs yeux restent aveugles.

L’opacité, résolument

Marc travaille à brouiller les pistes, à perturber la vue puisque son récit dit en même temps l’évidence et la non-évidence : l’évidence de la capacité de Jésus à agir en maître « plein d’autorité » (2,21-28), à maîtriser les éléments déchaînés comme les esprits impurs ; la non-évidence car cette évidence-là est illisible pour les disciples.

Quelques mots d’explication. Il ressort de la comparaison de ce récit avec le schéma-type des récits de miracle que ce verset 40 a été inséré par Marc pour briser la fluidité du récit et y inscrire de la dissonance. La double question de Jésus crée un problème au moment même du dénouement de la crise : le fait que les disciples réveillent leur maître peut en effet être lu comme expression du salut qu’ils attendent de lui, comme les marins en péril dans les Psaumes. Or le verset 40 recadre l’intervention des disciples comme « pas encore de foi ». C’est à n’y rien comprendre !

Ce récit aurait pu se terminer sur le calme survenu, attestation du miracle opéré par Jésus, mais Marc a fait le choix de complexifier les données par une avalanche de questions qui laissent le lecteur perplexe.

Puiser à la source et faire du neuf

La mer, « lieu » de réflexion théologique dans l’Ancien Testament (par exemple, Genèse 1,1-10 et 6-8,5 ; Exode 14–15 ; Esaïe 27,1 ; 51,9-10 ; Jonas 1–2 ; Psaumes 44,24-27 ; 74,12-17 ; 89,10-11 ; 106,8-12 ; 107,23-37 ; Job 26,5-14), est investie par Marc sur le plan de la christologie : Jésus, ici, comme Dieu dans de nombreux textes de l’Ancien Testament, se manifeste comme maître du chaos ; en ce sens, ce texte s’apparente à une théophanie, littéralement une manifestation de Dieu. Jésus est révélé également comme celui qui rend possible la traversée. Il est sollicité (« réveille-toi ») et répond comme dans Dieu dans les Psaumes. Il sauve les marins perdus.

Le récit de Marc s’inspire de ces données théologiques, tout en s’en distançant : l’émerveillement, la louange, la foi sont absents. Plus exactement, pas encore là (« N’avez-vous pas encore de foi ? »). Les disciples sont ainsi inscrits dans un avenir. Certes, ils arrivent sur l’autre rive (5,1) mais c’est la rive d’un monde étranger, païen qu’ils abordent, habités, saisis par une question : « Qui donc est-il ? » Un abîme s’ouvre sous leurs pas et leur intelligence – celui du questionnement théologique, un espace où interroger leurs images et compréhensions de Dieu et de l’être humain.

Oser les traversées

Dans un lointain passé, d’autres, quittant le pays de servitude, sont sortis sains et saufs de la traversée des eaux. Ces ancêtres, les Hébreux (de la racine hébraïque qui signifie traverser), ont traversé bien des espaces, bien des questions en compagnie de leur Dieu.

En Jésus-Christ, Dieu se révèle comme celui qui affronte les tempêtes, le chaos et y plante la vie, s’y relève en la résurrection.

Dans notre existence, passer avec lui de la mort à la vie ce n’est pas être arrivé et s’installer, mais oser s’aventurer sur d’autres rives, encore inconnues, redoutées peut-être ; c’est, à la suite des Hébreux et des disciples, devenir des êtres qui osent la traversée, dans toutes ses dimensions, franchir les distances, les fossés, les frontières et aller y rencontrer l’inattendu, le frère, la sœur qui donnent visage au Dieu étrange(r) et s’interroger : « Qui donc est-il ? »

Sophie Schlumberger
bibliste, responsable du service biblique de la Fédération protestante de France

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Taizé

ls sont huit jeunes, à avoir accepté de témoigner et de débattre ensemble de la spiritualité qu’ils vivent à Taizé. 

Leurs situations, leurs histoires sont différentes, mais ils ont en commun, outre Taizé, des engagements forts dans le monde : mouvement de chômeurs, ATTAC, CCFD, etc. Ils se reconnaissent en général aussi dans la mouvance de Parvis ; deux d’entre eux sont adhérents de NSAE (Nous Sommes Aussi l’Eglise).

L’expérience de Taizé

Un article publié du numéro 19 de la revue Parvis, de septembre 2003.

Benoît et Alice sont étudiants en histoire : le premier en licence, la seconde en thèse; Kristian, le compagnon d’Alice, est ingénieur ; il est l’unique protestant du groupe ; Christophe et sa compagne, Elisabeth, sont également engagés dans la fraternité laïque franciscaine; Aneta est polonaise et vit depuis 12 ans en France ; elle a passé plusieurs mois à Taizé; Daniel a connu une période difficile de chômage et de reconversion; il a pratiqué le Yoga et le Zen.

Ils ont participé au « Pèlerinage de confiance sur la Terre », en décembre dernier à Paris et se sont impliqués dans son organisation, ce qui a conduit ceux d’entre eux qui ne se connaissaient pas auparavant à se croiser.

Une dimension de Pentecôte

Christophe ouvre le débat : « la spiritualité, c’est le sens qu’on donne à sa vie, vie intérieure et vie relationnelle ; pour un chrétien, elle s’ancre dans une tradition ; elle met en jeu la prière, l’Écriture et la relation à autrui. à Taizé, on vit une expérience presque physique d’universalité dans la prière, les chants, les échanges ». Expérience dont Aneta dit qu’elle lui a permis de sortir de la religiosité et lui a apporté une véritable alternative à la façon de vivre la foi.

Tous s’accordent à reconnaître aux rencontres de Taizé une spécificité qui repose sur un retour à l’essentiel ; on y vit une expérience forte de partage, que ce soit dans la prière silencieuse, les chants ou les échanges en groupe, malgré la diversité des langues, des origines, des pratiques religieuses des uns et des autres ; chacun y puise le dynamisme qui le renvoie aux responsabilités de sa propre vie. Tout cela donne à ces rencontres une véritable dimension de Pentecôte.

La simplicité de la prière

« Tout est dans la simplicité, tant du chant que des paroles ; on est assis par terre, les uns à côté des autres, ce qui augmente la proximité » (élisabeth). Le chant simple, répétitif, inspiré de la spiritualité orthodoxe, permet de se dégager des contraintes intérieures pour se rendre disponible. « La simplicité est apparente, mais en fait très préparée, sophistiquée même : elle favorise la méditation » (Kristian). « Il ne s’agit pas, comme dans le bouddhisme, de la recherche d’un détachement complet, mais de celle d’une relation à Dieu comme une personne, comme un vis-à-vis » (Benoît). « C’est une prière qui n’enferme pas, une occasion de repenser ce qui s’est passé récemment » (Kristian). « C’est une rencontre avec Jésus qui ne dit pas ‘j’ai la vérité’, mais ‘je suis la vérité’ ; il ne s’agit donc pas de se conformer à ce qui serait la doctrine de Jésus, mais à trouver la personne de Jésus à travers des paroles, du vécu, le concret de la vie » (Christophe).

Faire silence et faire la paix en soi

La prière répétitive aide à faire le vide en soi : Daniel lance un débat sur cette pratique : « la prière met dans un état émotionnel dont on n’a pas nécessairement conscience et qui peut faire confondre ‘l’incarnation du divin dans le cœur’ avec un état hypnotique ». Alice reconnaît s’être méfiée au départ de ce type d’emprise ; « mais non, la spiritualité de Taizé est toujours concrète ; elle demande un effort permanent de chacun. La dimension internationale exige d’être constamment confronté aux langues : on apprend les paroles des chants dans toutes les langues, du latin au polonais… ; c’est cet effort même qui est la condition de la rencontre avec l’autre ». Faire le vide, c’est « ranger dans sa tête », lâcher prise (Christophe). Faire silence et faire la paix en soi-même non pas seulement pour soi, mais pour se tourner vers les autres : Benoît souligne le paradoxe d’un vide débordant, qui encourage à se tourner vers les autres. Et tous précisent que les frères de Taizé s’interdisent toute forme d’emprise : la liberté de chacun est toujours respectée : « vous avez vécu un moment fort; maintenant, à vous de vous investir de retour chez vous ».

La prière : une contre-performance

« On vit dans une société où il faut aller vite, être performant ; on est rempli de plein de choses ; la prière est subversive : elle implique la lenteur, un silence physique et intérieur ; elle met en dehors du temps. Et cette expérience là apporte aussi un plus dans les relations aux autres » (Christophe).

Aneta décrit son cheminement : « en Pologne, j’étais à bout de ressource, ma foi usée; on me demandait trop, et c’était insupportable; et voilà qu’à Taizé, dans le silence impressionnant de 20 000 personnes en prière, j’ai entendu la petite voix d’un vieil homme qui disait ‘Même ton très peu de foi suffit’; cette parole m’a rendu l’espoir; la vie spirituelle ne m’était pas fermée, même si je ne croyais plus à tout ce que me dit la ‘sainte Église catholique’ ». Benoît insiste aussi sur l’expérience du silence : « dans la vie courante, en famille, le silence est associé à des conflits – des moments où l’on ne peut plus se parler; l’expérience de silence que j’ai vécue à Taizé était tout le contraire: sans se parler, on se comprend et on communique ».

L’expérience du partage en groupe

Les frères de Taizé cherchent à donner la possibilité aux jeunes de tous les pays de se rencontrer. « Mais il n’y a, dans ces rencontres, jamais aucune obligation » (Alice). On vit à Taizé une dimension de liberté, dans le respect de ce qu’est chacun; « une liberté qui n’est pas celle de la société, qui privilégie le plus fort ; c’est un véritable miracle qu’on arrive à se parler alors que nos origines sont aussi différentes » (Benoît). Comme dans la prière, « le rythme est lent, les phrases simples » (Elisabeth) ; il faut faire l’effort de s’intégrer au groupe; mais la lenteur – nécessitée par la diversité des langues – facilite l’intégration, et en particulier celle des timides ; « c’est très différent de ce qui se passe dans les églises où on doit se plier à un rythme imposé; c’est tout de même aussi une difficulté : on reste frustré de ne pas pouvoir aller au fond… » (Kristian). Daniel trouve aussi que le débat n’est pas facile. Pour lui, le courant n’est pas passé: il s’est senti isolé, à porter seul son problème de perte d’emploi. A quoi Christophe répond que l’échec est la rançon de la liberté d’organisation du débat par les jeunes eux-mêmes. Aneta souligne qu’il ne faut pas ignorer non plus que là comme ailleurs les diversités de culture peuvent isoler: elle se souvient d’avoir très mal vécu une petite bataille entre jeunes à coup de morceaux de sucre – gâchis impensable quand on vit dans un pays où tout manque – …

La dimension œcuménique

« On est au-delà du clivage des confessions » (Christophe); cependant Kristian reconnaît qu’un protestant a du mal à s’habituer aux icônes (!) et avoue une certaine déception, à la hauteur peut-être de son attente de dépasser les barrières des confessions, qui était grande, et perçoit une emprise catholique grandissante. Mais ce qu’il vit à Taizé lui démontre que ce qui rend différent est moins important que ce qui rassemble. « On vit une expérience de partage sans renier son histoire personnelle » (Benoît). Aneta explique la difficulté de remettre en cause ce dont on a été imprégné depuis l’enfance et qui vous a structuré : « il n’y avait pour moi qu’une seule route, que ça me plaise ou non ». à Taizé, elle vit un véritable œcuménisme… y compris entre catholiques: elle découvre que d’autres ont la même interrogation; on s’accepte différents, mais on se reconnaît autour d’une foi dépouillée. à Taizé, on renvoie chacun à son église : « on ne critique pas d’où tu viens, on t’apprend à vivre par toi-même: ça, c’est une véritable dimension d’église ! » (Benoît).

En route

Tous s’accordent à souligner que les rencontres de Taizé sont la bouffée d’oxygène qui donne le courage et la force de repartir. « Le pèlerinage de confiance sur la Terre ne s’est pas terminé le 1er janvier à Paris : il se poursuit, là où nous sommes » (Benoît).

Nous laissons la conclusion à Aneta, qui lit cette phrase d’un visiteur de Taizé : « On passe à Taizé comme on passe près d’une source ; le voyageur s’arrête, se désaltère et continue sa route ».

Propos recueillis par Lucienne Gouguenheim

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Autres articles et sites à propos de Taizé

Un article évoquant l’évolution de Taizé depuis le Concile des jeunes de 1974 à nos jours:Eglise, que dis tu de ton avenir ?

Le site officiel de la communauté de Taizé.

Un très bon article analytique et sociologique sur l’évolution de Taizé: Croyances religieuses, morales et éthiques dans le processus de construction européenne – La Communauté de Taizé : maturation d’un haut lieu chrétien de socialisation européenne. par Fabien Gaulué

Une sélection de liens vers des sites de mouvements de jeunes.