Vivre c’est devenir… sexe, genre, identité

Vivre c’est devenir… sexe, genre et identité.

Approche constructiviste

Tout le monde s’accorde, même les plus opposants aux analyses de genre, à reconnaître à ce type d’approche une pertinence certaine dans la mise en valeur des injustices et des discriminations entre les hommes et les femmes. Tony Anatrella(1) déclare que l’affirmation de l’égalité entre les hommes et les femmes représente un progrès considérable dans le monde et notamment là où des cultures infériorisent et méprisent les femmes a commencer par les fillettes. Mais très vite le soupçon apparat : « Siles études du “gender” ont eu le mérite de mettre en lumière des inégalités et des injustices sociales à l’égard des femmes, très vite ces études sociologiques se sont transformées en mouvement idéologique et de combat entre les hommes et les femmes. »

Les analyses de genre (gender studies) sont accusées de se durcir en « théorie du genre » qui prônerait le libre accès a une identité construite et rejetterait tout donne d’ordre biologique, appelé naturel(2). On pourrait de ce fait choisir son sexe ! Cette éventuelle fluidité du sexe panique la hiérarchie catholique et les milieux conservateurs. Il existe un malaise certain par rapport à une soi-disant théorie du genre soupçonnée de supprimer la différence sexuelle. Nous faisons l’hypothèse que, composée d’hommes masculins, c’est la masculinité qui se sent menacée. L’obligation du célibat qui oblige à se garder des femmes et une certaine morale sexuelle qui a longtemps assimilé le plaisir au péché ne favorisent pas la construction d’une identité sexuelle sereine(3). La notion de genre a l’avantage de rendre visibles les hommes comme individus sexués. Ce qui a permis une émergence d’une histoire des hommes, de l’étude de la construction de la virilité, des souffrances des hommes(4). Genre et constructivisme apparaissent liés dans la crainte et le rejet qu’ils provoquent. Mais qu’est-ce que le constructivisme ?

Qu’est-ce que le constructivisme ?

Cette philosophie déjà ancienne(5) ne nie pas la réalité (en l’occurrence les données appelées naturelles), mais dit que nous ne la connaissons que par l’expérience que nous en faisons et que celle-ci est toujours relative à notre culture, à notre situation dans un monde précis, à notre environnement, dépendante de notre regard propre, de nos expériences passées… On ne peut donc jamais tabler sur une réalité qui serait totalement objective. Elle n’est pas non plus totalement subjective, car nous faisons tous la même expérience et rencontrons la même réalité. Mais nous ne pouvons prouver l’objectivité de nos perceptions. Il y a bien un réel qui résiste, mais auquel nous n’avons accès que par la perception et l’organisation que nous en faisons. Einstein dit que c’est la théorie qui détermine ce qu’on peut observer. Sans théorie, sans hypothèse, nous ne voyons rien.

De plus, quand on observe la réalité, on modifie celle-ci. C’est un renversement de la façon habituelle de penser dans laquelle la réalité existerait indépendamment de nous. C’est souvent ainsi que l’on perçoit la création de l’univers par Dieu : une réalité donnée dont l’homme découvre les lois naturelles, alors qu’on pourrait parler de co-création. Ajoutons que nos efforts de connaissance créent une réalité, que l’on peut être tenté de considérer comme unique et définitive, naturelle pourrait-on dire. C’est contre cette absolutisation de notre vérité que le constructivisme met en garde. Nous construisons donc une image de la réalitéune vision du monde. Il s’agit d’une image globale qui s’intègre dans un ensemble et possède sa cohérence. Une telle construction est aussi une construction de sensL’être humain ne peut pas vivre dans le non sens, dans l’absurdité, sans tomber dans la folie. D’où l’importance de passer du chaos au cosmos (Piaget).

Cette image du monde n’est pas le monde, mais nous n’avons aucun moyen de connaître le monde autrement que par les images que nous nous en faisons et que nous soumettons à un processus de vérification en les confrontant aux images des autres, aux faits et aux évènements. Ce processus peut les confirmer car elles s’avèrent pertinentes ou les rejeter comme inadéquates ou encore nous laisser dans l’indécision. En logique, il s’agit du vrai, du faux ou de l’indécidable.

Alors la personne humaine est-elle un être uniquement construit culturellement et en particulier en ce qui concerne le corps sexué, l’identité sexuelle et les relations sociales ? Le même processus que décrit précédemment est à l’oeuvre dans la définition de nous-mêmes et des autres. Là encore, nous n’accédons à notre moi, à notre identité que par un processus de communication avec les autres. S’est-on parfois demandé pourquoi nous passions autant de temps à des conversations et des échanges au contenu informatif pratiquement nul, comme les conversations sur la pluie et le beau temps ? C’est parce que nous avons besoin de savoir qui nous sommes et nous passons donc notre temps à proposer à ceux qui nous entourent une image de nous-mêmes et nous attendons qu’elle soit confirmée. A la limite, peu importe le contenu des échanges, c’est la relation qui s’instaure entre les interlocuteurs qui compte. Cependant, lorsque l’échange porte sur des sujets graves qui nous tiennent à coeur, notre image peut en recevoir une confirmation valorisante ou un rejet cinglant.

Dans ce dernier cas, il nous faut alors en proposer une variante. Il arrive aussi que notre propos ne soit pas perçu, c’est comme si nous n’existions pas. Si cette situation est habituelle, surtout chez un être en formation, elle aboutit à de graves troubles de la personnalité. Le plus souvent, heureusement, on se construit grâce à la confirmation ou au rejet de son image. On agit de même pour autrui. Non seulement toute parole prononcée, mais toute attitude, tout comportement prend une signification de confirmation, de rejet ou de déni. C’est grâce à ce processus incessant de communication que nous sommes ce que nous sommes. Privé d’échanges, privé d’environnement humain, un être ne peut se construire et devenir vraiment humain. On n’existe pas tout seul, on n’a pas de réalité en dehors du regard de l’autre, sans sa reconnaissance.

C’est là que Simone de Beauvoir avait raison : « On ne naît pas femme, on le devient ». Et elle ajoutait « sous le regard d’un homme ». Son raisonnement omettait la réciproque : « On ne devient homme que sous le regard d’une femme ». On ne s’identifie que dans un jeu subtil entre le Même et l’Autre, a la fois semblable à autrui et différent de lui. On ne prend conscience de son sexe que devant le sexe de l’autre. Les identités s’élaborent au sein de systèmes relationnels dont les éléments sont en interdépendance, comme peuvent l’être le masculin et le féminin. Si, effectivement, l’identité est construite, elle n’est pas pour autant crééeex- nihiloLe sexe comme le genre, comme l’orientation sexuelle et comme bien d’autres choses encore qui constituent l’être humain sont des matériaux de base de notre identité. On ne choisit pas tout. On classe, on organise, on donne du sens. Ce n’est pas une liberté débridée. Chacun, chacune a ses contraintes. Il, elle, n’a choisi ni son sexe, ni son orientation sexuelle, ni ses parents, ni son environnement, ni son milieu social, ni sa culture, ni sa race. Et c’est avec tout cela qu’il faut faire. La personne humaine est plus que son sexe. Il faut « prendre garde à ne pas assimiler l’individu à son sexe biologique »(6). De plus, l’environnement ne cesse de changer avec l’âge et les circonstances de la vieobligeant à endosser de nouvelles identités. Ce processus de construction dure toute la vie. On pense que c’est dans l’enfance et l’adolescence que ce processus est particulièrement actif et qu’à l’âge adulte il s’arrête. Adolescens est un participe présent désignant quelque chose en train de se faire, alors qu’adultusest un participe passe, c’est fait, c’est terminé. Or il n’en est rien. S’il est vrai que ce processus est à son apogée dans les jeunes années, son arrêt signifie la mort. L’être humain ne cesse de devenir humain, c’est l’anthropolescence, véritable nature de l’humanité.

D’un côté, nous avons des matériaux qui contribuent à nous constituer, mais de l’autre, à partir de ces données brutes, il y a la construction personnelle dont nous sommes responsables.

L’image de Dieu (7)

Le premier commandement (Ex 20, 3-5 et Dt 5, 6-8) interdit les images de Dieu : « Tu ne te feras aucune image sculptée… Tu ne te prosterneras pas devant ces images ni ne les serviras. » Or comment accéder à Dieu sans l’intermédiaire des images ? Comme l’homme se construit et construit son monde, il construit aussi son Dieu. L’histoire de Dieu reflète l’histoire de l’homme. Jean Onimus(8) montre comment, selon son évolution, l’humanité est passée du dieu de la tribu aux dieux cosmiques, puis au dieu absolu, abstrait, évanescent, aliénant, libérateur, de celui des mystiques à celui du mal en passant par le Dieu horloger et le Dieu du bien. Cette construction, d’image en image, n’est pas terminéeDe quel Dieu avons-nous besoin aujourd’hui ? Quel sera le Dieu de demain ? Comment cette succession d’avatars divins est-elle conciliable avec l’interdiction de faire des images de Dieu ?

Là encore, le constructivisme peut intervenir. En effet, un adjectif attire l’attention dans ce premier commandement, c’est le mot sculptée. Lorsqu’elle est sculptée, l’image accède à un niveau de fixité et de rigidité. L’image est devenue plus réelle que le réel. Elle est devenue une idole. L’idole n’est pas seulement la sculpture de bois ou de métal (le Veau d’or), mais c’est notre idée de Dieu, absolutisée au point de la prendre pour Dieu lui-même et de nous prosterner devant elle. Ma propre réalité, celle de l’autre, celle du monde échappent aux images dans lesquelles nous voudrions l’enfermer et la cerner. Le réel est toujours autre que ce que j’en saisis. A fortiori, Dieu est le tout-autre sur lequel je ne peux mettre la main.

Le Veau d’or nous fait sourire dans son inadéquation à représenter Yahvé, et pourtant nos images de Dieu sont aussi de bien piètres représentations. Elles ne peuvent devenir chemins vers Dieu que dans la mesure où elles acceptent d’être frappées d’indécidabilité. Plus nous avons peine pour nous faire une image de Dieu, cohérente, donnant sens à nos existences, plus il est difficile de l’abandonner. Lorsque des circonstances où de nouvelles connaissances théologiques ou scientifiques viennent remettre en cause notre image de Dieu, nous nous sentons envahis par le doute, par l’absurdité de l’existence, ébranlés dans nos convictions les plus profondes. Il est compréhensible que nous nous accrochions alors à nos images obsolètes et sécurisantes et que nous les légitimions par la fidélité ou l’obéissance. Mais nous sommes entrés dans une attitude d’idolâtrie. La vérité, y compris celle de Dieu, n’est pas à trouver parce qu’elle existerait quelque part, elle est à faire au cours d’un processus jamais terminé. C’est peut-être au coeur de l’épreuve, abandonnés de Dieu (de notre image de Dieu ?), lorsque nous lâchons prise, emportes dans l’indécidable, que le Dieu vivant et insaisissable est le plus proche de nous.

Apprendre à surfer

De tout temps, on a cherché à conforter son identité : costumes régionaux, vêtements féminins et masculins très différenciés, signes distinctifs selon la classe sociale ou l’appartenance, badges, insignes… etc. L’évolution du monde a bousculé nos identités, de race, de milieu social, de genre, de sexe. Il y a un brassage nouveau des populations, des religions, des classes sociales ou des sexes, une répartition nouvelle des tâches et des rôles. Les anciens points de repères ne conviennent plus. Faut-il alors renforcer des identités menacées ou entrer courageusement dans un processus de construction et de reconstruction de l’image de soi ? Les identités qui s’élaborent ainsi sont plus riches et plus souples. Nous ne sommes plus enfermés dans une identité univoque. Dans la logique exclusive du ou bien / ou bien, qui rend incompatibles plusieurs appartenances, ne faut-il pas introduire la logique du et / et où restent en tension des rôles ou des valeurs différentes, voire divergentes ? En passant d’une logique à l’autre, on atteint la logique multidimensionnelle et complexe qui s’énonce ainsi : soit ceci, soit cela, soit les deux(9). N’est-ce pas à un tel changement logique que nous sommes appelés ? Sachant utiliser nos diverses appartenances, gardant en tension le féminin dans le masculin et le masculin dans le féminin, apte à remplir plusieurs rôles et à en changer selon les circonstances, ouvert à des valeurs nouvelles.

Ce mouvement perpétuel, cette fluidité, cette inconsistance, cette absence de point fixe peut donner le tournis et inciter à se replier sur une proposition identitaire qui a le mérite de l’ancienneté. Une fois une représentation globale établie et considérée comme satisfaisante, on peut avoir tendance à la rendre intouchable ; nous avons enfin établi le vrai et ce faisant nous prenons la représentation pour la réalité.

Si des éléments viennent contredire cette vérité, on peut préférer ne pas les voir ou les déformer pour les faire tenir dans notre vision du monde. Les contradictions entre la réalité telle qu’elle est et telle qu’elle devrait être en fonction de nos prémisses sont alors utilisées pour renforcer notre représentation.

L’opinion se durcit et se transforme en dogme : doxa devient dogma. On s’acharne d’autant plus à défendre son image que celle-ci correspond à la réalité communément admise dans son groupe de référence. Se trouver en harmonie avec son groupe ou sa culture est bien aussi important que le témoignage de ses sens. On fait alors la sourde oreille, on se voile la face, on fait la politique de l’autruche. Condamnés à ne pouvoir nous passer d’images pour appréhender la réalité, nous avons aussi à conserver  l’image, son statut d’image, c’est-à-dire de représentation signifiante, mais ne portant pas toute la signification, image pertinente pour aujourd’hui, pour telle personne, pour telle culture scientifique ou autre, mais sans pertinence pour demain ou pour d’autres cultures. Il nous faut alors changer nos prémisses. C’est là où il faut redonner à l’indécidable sa fonction. En effet, il est inconfortable de vivre dans l’indécidabilité, sorte d’oscillation entre le vrai et le faux, entraînant le suspens de l’action. Qui suis-je ? Que dois-je faire ? Mais c’est aussi l’ouverture de la recherche, la source de la créativité et d’une liberté possible(10).

L’accès à la liberté ouvre sur une énorme responsabilité vis-à-vis de nous-mêmes et des autres. La construction de soi est permise par le regard des autres et celle des autres dépend de notre regard. Nous ne sommes pas loin de la règle d’or : Agis envers les autres comme tu voudrais qu’ils agissent envers toi.

Alors que le constructivisme est accusé de supprimer les points de repère, celui-ci n’en est pas dépourvu pour autant : « la tolérance, le pluralisme, la distance qu’il nous faut prendre à l’égard de nos propres perceptions et valeurs pour prendre en compte celles des autres(11) » ; la responsabilité, car nous sommes en grande partie responsables de notre image et de celle des autres ; si notre construction n’est pas pertinente, nous ne pouvons nous en prendre qu’à nous mêmes.

Un autre repère consiste à agir toujours de manière a augmenter le nombre des choix. Tout ce qui enferme dans un rôle, dans un genre, dans un sexe, dans une identité est contraire à l’épanouissement des potentialités de la personne. Ouvrir l’éventail des possibles, se rendre capable de modifier des significations qui n’ont plus de pertinence pour aujourd’hui. Certes, il s’ensuit une instabilité, une précarité, une remise en question permanente qui font partie de notre monde complexe postmoderne. Il s’agit de rester en équilibre sur cet océan mouvant en développant notre réseau d’interaction, notre potentiel relationnel, notre capacité de réflexion.

L’image du surfeur s’impose(12). Au lieu de suivre un parcours balisé, celui-ci se laisse porter par la vague. Sous l’apparente désinvolture du geste, se cache une force intérieure très grande qui n’est pas inquiétée ou déstabilisée par ce qui surgit, mais qui utilise au contraire ce qui se présente, pour une plus grande vitesse et un plus grand plaisir. Si, par hasard, le surfeur est déséquilibre, il montre alors toute sa capacité a encaisser, sans être démoli. Utilisant encore une fois les éléments, il refait surface et recommence pour une glisse encore plus belle.

Pour des chrétiens, cette démarche n’est pas sans rappeler celle de la foi. La foi ne commence-t-elle pas lorsqu’il n’y a plus de chemin ? Elle demande d’avancer encore, de sauter en fermant les yeux sans savoir s’il y aura de la terre ferme pour se recevoir, et sans doute n’y en aura-t-il pas. Parfois, fugitivement, nous avons expérimenté que même sans terre ferme nous ne tombions pas. Comme Pierre marchant sur les eaux : c’est bien la foi qui le maintient, dès qu’il revient a la réalité raisonnable, il sombre(13).

Alice Gombault (mai 2013)  Hors série n° 29

1-Tony Anatrella, Conférence à Rome, 23 novembre 2011.

2-Cf. Jacques Arènes, psychanalyste chrétien, comme Tony Anatrella. Ils appuient tous deux de leur compétence la pensée du magistère catholique, défavorable au genre.

La tendance actuelle va plutôt dans le sens d’un “constructivisme” ou les thèmes lies à la sexuation sont considérés comme des représentations culturelles qui n’ont rien à voir avec une quelconque donnée naturelle. In « La question du genre », Etudes, janvier 2007.

3– Cette fragilité masculine (peut-être une peur archaïque de la castration ?) est sensible dans le document « Théorie du genre et SVT » proposé par la Fondation Jérôme Lejeune, qui montre, en couverture, un petit garçon penché vers son sexe, pour bien s’assurer de son existence, accompagné des interrogations suivantes : « Pas un homme ? Moi ? Alors ? Quoi ? ».

4- Françoise Thébaud, in revue Historiens et Géographes.

5– Vico, XVIIIe siècle, philosophie reprise par Kant et, parmi les contemporains, Piaget, Edgar Morin et autres.

6– Sylviane Agacinski, reprenant la pensée d’Aristote. Femmes entre sexe et genre, Seuil, 2012, p. 72.

7– Article paru dans Parvis n°25, 2005.

8- Jean Onimus, Le destin de Dieu, Éd. L’Harmattan, 2003.

9– Edgar Morin.

10– Henri Atlan, Tout, non, peut-être : éducation et vérité, Éd. Seuil, 1991.

11– L’invention de la réalité, Contributions au constructivisme, dirigé par Paul Watzlawick, Seuil, 1988, p. 344.

12– Alice Gombault, « Les identités bougent », La Croix, 8 novembre 1999.

13– Alice Gombault, « Quels points de repère ? », La Croix, 6 janvier 2004.




Un évènement majeur

Un évènement majeur par Jacques Gaillot

La société française a franchi un seuil avec l’adoption de la loi du mariage homosexuel. C’est un événement qui fait date dans l’histoire de notre pays et une avancée démocratique considérable, comme le fut l’abolition de la  peine de mort au siècle dernier.

La reconnaissance du mariage entre personnes de même sexe et de leur droit,  en adoptant,  de fonder une famille, s’imposera peu à peu en France, comme ailleurs.

On s’apercevra alors que ce mariage tant décrié ne fait perdre aucun droit aux autres, qu’il n’est en aucune manière une menace pour les familles dites « normales », ni une régression pour la société et encore moins la fin de la civilisation.

Il est  vrai que les affrontements ont été vifs, et que les opposants n’ont pas baissé la garde. Le harcèlement des élus se poursuivra jusqu’au bout.

Mais on n’arrête pas la marée qui monte.  La reconnaissance du couple homosexuel s’inscrit dans le puissant mouvement de modernité qui, au fil des ans, fait valoir les droits imprescriptibles de l’individu et de son autonomie. L’individu est au centre. D’où l’importance accordée aux relations entre les individus.

Voilà qui relativise le modèle familial dominant et les références à un ordre naturel ou divin.

Le droit a fini par rejoindre l’évolution des mœurs : l’amour entre deux personnes de même sexe est un droit humain fondamental. Le principe d’égalité a joué.

Quant à  l’adoption,  le nouveau droit ouvre certainement un chemin qui a de l’avenir. Car l’adoption est un choix libre, fait par amour.

On sort du tout biologique.

Faut-il  rappeler que depuis l’homme de Nazareth, la religion chrétienne est fondée sur l’adoption et que les chrétiens sont tous des enfants d’adoption ?

On ne devient père ou mère que le jour où on dit à son enfant : je te choisis par amour. Nous sommes en pleine modernité.

Les évolutions en cours sont une invitation à favoriser la famille relationnelle, avec la  loi d’amour qui est essentielle. C’est l’amour qui favorise l’épanouissement de chacun, en particulier de l’enfant.

Nous sommes tous concernés. Notre responsabilité n’est-elle  pas d’éveiller des libertés ? Des libertés pour aimer ?

Jacques Gaillot

Evêque de Partenia




Pour une approche chrétienne du genre

Pour une approche chrétienne du genre

Quelle est la signification de mon corps ? Quelle part prend-t-il dans la définition de ce que je suis ? Pourquoi les différences physiques ? Comment dois-je comprendre mon désir et celui des autres ? Il s’agit de questions cruciales qui affectent autant nos sociétés que les groupes religieux qui s’y insèrent. La tradition chrétienne a longtemps eu deux notions pertinentes et efficaces pour comprendre l’identité, la différence des sexes et les désirs : la création et la vocation. Dans son élan créateur, et la Genèse a une place importante dans cette compréhension, Dieu nous crée sexué dans un vis-à-vis originel, indépassable et riche de sens, avec l’autre sexe. Mais loin de nous enfermer dans le mâle ou le femelle, Dieu nous appelle également à devenir des hommes et des femmes et à accomplir ainsi notre vocation. Cette dernière est l’endroit où pourrait idéalement se rejoindre la liberté humaine et sa volonté qui reste fondamentalement l’attention pour les autres et les plus petits de nos frères et soeurs. Dans cette tension entre création et vocation, différents états de vie vus comme donnant une signification particulière au sexe (la vie religieuse ou sacerdotale) ou à la différence des sexes (le mariage) doivent contenir les expériences sociales, sexuelles et affectives.

Pourtant la compréhension du monde et des sexes autour du pôle création/vocation, si elle est loin d’avoir perdu toute sa pertinence, se heurte à bien des problèmes aujourd’hui. Que d’incertitudes pour nous après les combats d’émancipation des femmes des années soixante-dix. Les féministes ont bien montré que ce qu’on faisait tenir sur la création, le sexe pour faire court, que ce qui passait pour naturel, était souvent construit et justifiait surtout la subordination. Bien des antiennes du passé ne sont d’ailleurs plus audibles ni dans les communautés chrétiennes ni dans la société. L’essentialisme peine à se renouveler tant il développe des sermons enfermants peu crédibles sur des femmes complémentaires aux hommes. Il établit également des typologies de traits de caractères, d’attitudes ou de rôles qui, à la réflexion, ne sont pas foncièrement masculin ou féminin mais peut-être plus communément et simplement humains. Des hommes peuvent materner et des femmes avoir de l’autorité. La variété sociale des configurations entre rôle social et sexe est immense. Elle échappe à tout schéma binaire et simpliste. Que d’incertitudes pour nous également depuis que l’émancipation des minorités sexuelles tend à dire qu’il n’y a pas de continuité évidente entre l’anatomie et les désirs que portent les individus. Dans nos sociétés, hommes et femmes n’apparaissent plus « naturellement » comme les deux pôles du désir amoureux ou érotique. L’attention grandissante, enfin, que l’on porte également à la trans-identité, l’inadéquation entre une anatomie et ce que perçoit soi-même une personne, nous montre que ce que l’on exhibe toujours comme naturel est loin de l’être dans bien des situations. D’un autre côté, une approche purement constructiviste effraie encore et à juste titre. Tout n’est-il que construction sociale et rapport de force ? Le corps est-il malléable et ne porte-t-il aucun sens en lui-même ? Faut-il renoncer à toute acceptation de la différence des sexes ?

Les études de genre sont nées à un moment de crise de notre histoire commune, lorsque l’essor de l’individu et la valorisation de l’autonomie, le progrès technique, la maîtrise de la fécondité, au premier chef, et l’émancipation des femmes, puis des minorités sexuelles, ont révélé les limites d’une pensée aux accents trop rapidement naturalistes et différentialistes. Le courant des études de genre, bien représenté aujourd’hui dans les différents milieux intellectuels, a ainsi proposé une nouvelle voie. Il propose une démarche de réflexion sur les identités sexuées et sexuelles, répertorie ce qui définit le masculin et le féminin dans différents lieux et à différentes époques et s’interroge sur la manière dont les normes se reproduisent jusqu’au point de paraître naturelles et potentiellement sources d’injustice.

Comment le recevoir dans un cadre de pensée chrétien ? Quelle place pour une éthique chrétienne du genre ? Les études de genre appellent à un questionnement qui peut être déstabilisant voire inquiétant car elles ébranlent l’éthique et la doctrine traditionnelles. On peut les refuser, les rejeter, les combattre ou bien les voir comme une chance pour penser une pratique de l’Évangile à notre époque. Dans les années soixante-dix, des théologiens étaient prêts à voir les éléments les plus déstabilisants des savoirs contemporains d’alors comme positifs voire comme autant de chances

pour renouveler notre compréhension ,de la foi et de son intelligence. Faut-il réhabiliter cette méthode ? Plus concrètement, les outils d’élucidation de la condition humaine qu’offrent les études de genre peuvent-ils être intéressants ? Ne nous montrent-elles pas combien, avant de tout miser sur la différence des sexes, il faut accepter également son devenir dans une histoire ?

Pourquoi y a-t-il une vivace opposition chrétienne au concept de genre ?

L’année 2011 fut marquée par une polémique d’une rare intensité dans le milieu scolaire. Elle surgit à l’occasion de la révision d’un programme de biologie pour les classes de premières. Le Secrétariat National de l’Enseignement catholique puis la Conférence des Évêques catholiques français se sont émus de l’introduction de la « théorie du genre » dans les nouveaux manuels produits par les éditeurs scolaires. Ils ont appelé les professeurs et les parents d’élèves à la plus grande vigilance. À leurs yeux les nouveaux ouvrages auraient été contaminés par une idéologie cherchant à subvertir les savoirs biologiques en matière de différence des sexes et sexualité. Cette dernière cautionnerait une approche trop compréhensive des comportements homosexuels et de la trans-identité. Un champ d’études relevant d’habitude du cadre plus confidentiel et feutré des débats d’idées académiques s’est ainsi retrouvé sur le devant de la scène publique et médiatique, suscitant des articles de presse, des émissions de télé et de radio voire des questions publiques au gouvernement de la part de députés. Du côté des chrétiens, même des milieux plus ouverts, très peu de réactions positives, la gêne et la méconnaissance semblant l’emporter sur la compréhension des études de genre.

Cette opposition de l’institution catholique aux études de genre est, rappelons- le, plus ancienne et a déjà une histoire. Cette dernière prend surtout pour cadre les instances internationales de l’ONU et de l’Europe. En 1995, lors de la Conférence mondiale sur les femmes à Beijing, le terme genre entre dans les documents de travail et le programme d’action final. La notion de genre apparaît alors comme le meilleur moyen d’approcher de manière dynamique la question de la condition  féminine. Avec une approche par le genre, il ne s’agit plus seulement d’un problème qui ne concerne que les femmes mais qui s’insère dans une réflexion plus générale sur la répartition sociale des activités ainsi que les rôles historiquement construits qui assignent des places aux femmes et aux hommes. Le Saint-Siège réagit pourtant vivement : « l’existence d’une certaine diversité des rôles n’est nullement préjudiciable aux femmes, pourvu que cette diversité n’ait pas été imposée arbitrairement mais soit l’expression de ce qui est propre à la nature d’homme ou de femme » (Rapport de la quatrième conférence mondiale sur les femmes, New York, Nations-Unies, 1996, p. 173). Au même moment, l’Église catholique romaine rappelle que le choix d’hommes par le Christ pour être ses apôtres n’est pas lié à un conditionnement social ou à un contexte historique et géographique particulier. Ce choix révèle bien quelquechose de la foi déposé dans la nature humaine qui ne pourrait être remis en cause. Le ministère sacerdotal masculin ne peut être vu comme un rôle socialement hérité aux yeux de Rome et on comprend bien que le concept de genre inquiète dans le sens où il appelle justement à interroger la différence des sexes et les évidences de la nature.

L’idée proprement catholique qu’il existe un complot idéologique cherchant à s’opposer à la famille traditionnelle et dont la théorie du genre serait le cheval de Troie qu’il faut combattre remonte clairement aux années quatre-vingt. Elle n’a eu de cesse de se renforcer depuis. Issue des milieux de réflexion sur les droits humains, la notion d’« identité de genre » émerge au début des années 2000. Définie comme « faisant référence à l’expérience intime et personnelle de son genre profondément vécue par chacun, qu’elle corresponde ou non au sexe assigné à la naissance, y compris la conscience personnelle du corps qui peut impliquer, si consentie librement, une modification de l’apparence ou des fonctions corporelles par des moyens médicaux, chirurgicaux ou autres », l’identité de genre comme concept juridique tendrait à intégrer dans la protection juridique à laquelle a le droit un citoyen non seulement l’orientation sexuelle mais également la trans-identité dans ses différentes dimensions : du travestissement à la modification chirurgicale. Dans les chemins propres du droit pris par nos sociétés, homophobie et transphobie tendraient à devenir des motifs aggravants de discrimination ou de diffamation à l’instar du racisme. Cette notion d’identité de genre a été transposée en droit européen dans le rapport d’Andreas Gross adopté par l’assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe au printemps 2010. Intitulé Discrimination sur la base de l’orientation sexuelle et de l’identité de genre, il a été vertement critiqué par les nonces et des organisations familiales catholiques. Deux intelligences du monde contemporain entrent de plus en plus en confrontation. L’une classique selon laquelle il existe des normes naturelles qui ne relèvent pas du périmètre du droit, ne sont pas négociables et ne  peuvent donc pas être changées. Il s’agit principalement aujourd’hui pour l’institution catholique des droits des individus à maîtriser leur fécondité ou aux personnes de même sexe à accéder au mariage. De l’autre, une nouvelle vision du corps et de l’intime où des règles, si elles sont démocratiquement élaborées et acceptées, peuvent évoluer.

Si le genre des sociétés change, que les activités et les attendus sociaux se redistribuent entre hommes et femmes, que les jugements éthiques se déplacent devant certains comportements, cela veut-il pour autant dire que tout se vaut, que cela est juste et qu’il n’y a plus aucun critères de valeur à avoir devant l’évolution de nos sociétés ? Aujourd’hui, nous pouvons prendre comme critères importants ceux de l’humanisme et le développement des droits humains : l’égalité, la dignité, la réciprocité et le respect de l’autonomie de chacun-e. Ces derniers restent fortement compatibles avec l’Évangile. Le Réseau Européen Églises et Libertés dont font partie les réseaux du Parvis et FHEDLES a ainsi soutenu le rapport Andreas Gross au nom de son attachement inaliénable aux droits des personnes homosexuelles ou trans-identitaires à être protégées et acceptées dans la société.

Peut-on dénaturaliser l’approche de la sexualité humaine ?

Pendant longtemps, l’appréhension sociale et intellectuelle de la sexualité est en effet passée par le prisme du genre. Ce qui définissait un homme et une femme, c’était également et indissolublement l’exercice exclusif d’une sexualité hétérosexuelle. Au XIXème siècle, chez Proust, les homosexuels masculins sont encore vus comme des personnes chez qui une âme de femme est prisonnière d’un corps masculin. Sexe, genre et sexualité ne sont pas conceptuellement séparés. Les trois coïncident même très bien dans ce qu’on désigne encore un sexe, fort ou faible, beau ou viril, et tout écart aux normes de son sexe est vu comme subversif ou pathologique, comme un désordre qu’il faut nécessairement combattre ou juguler car« contre-nature ». La psychanalyse freudienne, sûrement encore prégnante aujourd’hui dans notre façon de penser, ne dépasse pas ce cadre, elle lie fortement la différence des sexes à la différence des générations, ainsi l’attirance pour l’autre sexe à la maturité psychique. On ne pourrait passer à l’une que par l’autre, on nepourrait s’accomplir comme homme et femme que par l’affectivité et la sexualité avec une personne d’un autre sexe.

Si l’approche naturaliste de la sexualité a été longtemps la nôtre ici en Occident, il n’est pourtant pas dit qu’elle englobe la variété des groupes humains ou des situations historiques ; c’est aussi sûrement là l’apport majeur des études de genre. Elles nous révèlent que des configurations sociales sexe/genre laissent une place à des pratiques homosexuelles, des travestissements rituels ou des organisations sociales de comportements sexuels non reproductifs. Il existe aussi des sociétés passées, comme dans la Grèce Antique, où ce n’est pas la différence des sexes qui organise la sexualité mais la façon de gérer le plaisir ainsi qu’une morale du contrôle de soi.  Les débats actuels autour de l’ouverture du mariage aux personnes de même sexe donnent souvent lieu à des condamnations de l’homosexualité qui s’appuient sur des fausses évidences naturalistes : « c’est contre nature ! », des anthropologies péremptoires : « hors du couple homme-femme, rien de bon ! » et des psychologies catégoriques : « les homosexuels sont immatures ! » et bien peu sur l’Évangile finalement. Et pour cause ! On serait sûrement bien en peine d’y trouver un élément explicite pour réprouver moralement l’homosexualité. Le Christ n’est pas venu pour donner des fondements anthropologiques aux sociétés humaines mais pour appeler chacun à la conversion, à vivre en accord avec Dieu, à rendre plus juste son désir et à renoncer à une certaine forme de convoitise[i]. Pourquoi l’objet d’un désir serait-il le critère supérieur au processus d’humanisation qui peut toucher ce désir ? Quelle place donnée aux nouvelles revendications identitaires des minorités sexuelles dans la société et dans les communautés chrétiennes ? Cette impérieuse question ne se résoudra sûrement pas par une réhabilitation artificielle de l’anthropologie passée.

Le genre comme moyen de comprendre ceux et celles qu’on subordonne

L’intuition d’une nature qui cache un construit culturel fonde un enjeu éthique d’émancipation dont bien des aspects peuvent être vus comme chrétiens. On connaît tou-te-s le mot du philosophe Blaise Pascal : la culture cette seconde nature. Des traits pris comme évidents et naturels peuvent être le fruit d’une acculturation progressive, si évidente, qu’on les naturalise en retour. Le sociologue Pierre Bourdieu avec son concept d’habitus avait dit quelque chose d’un peu similaire : la société produit dans le même mouvement de l’évidence et de la hiérarchie. S’il y a norme il y a en effet pouvoir et un enjeu de libération.

Dans les études de genre, il y a même très peu au final de toute-puissance de l’individu mais une petitesse somme toute très évangélique. On n’endosse pas un genre comme un costume au théâtre, selon son bon plaisir et son caprice du moment, et même chez une philosophe, sûrement à tort très décriée comme Judith Butler, avant d’être unsujet libre on est déjà produit sujet par d’autres. Dans l’évidence d’un regard, par la répétition d’un geste, par l’incorporation longue, permanente et répétée d’un geste ou d’une posture, le sujet est produit avant même d’en prendre conscience et de composer éventuellement avec. Le fait même que des expressions comme femme virile ou homme efféminé existent dans notre langue témoigne de la faiblesse d’une pensée qui s’arrêterait à l’évidence naturelle des sexes. Si nous n’étions vraiment que mâle ou femelle, il n’y aurait de féminin ni de masculin. C’est que les études de genre nous invitent à réfléchir selon un modèle beaucoup plus déstabilisant : personne ne s’accomplit véritablement dans son genre, chacun reste en-deçà du « masculin » et du « féminin », dont on serait bien en peine de donner une définition simple et arrêtée. Nous sommes tous dans une performance de genre plus ou moins consciente, plus ou moins aliénante, et plus ou moins satisfaisante pour nous-mêmes et les autres.

Une approche par le genre permet en effet de placer sa compréhension du côté de ceux qui souffrent de la nature pour conforter un rapport de pouvoirs déjà existant et bien souvent ininterrogeable : femmes, minorités sexuelles,personnes qui relèvent des « subjectivités subalternes »[ii] et ne sont pas l’étalon des discours sur la société. En cela, études de genre et théologie de la libération concorderaient sur leurs objectifs : se mettre du côté de ceux qui ne sont pas qualifiés pour produire les règles qui les dominent. Il y a une évidence du pouvoir qui se naturalise et permet de disqualifier ceux et celles qui ne s’y conforment pas. Les groupes religieux ne sont-ils pas eux-mêmes dans les mêmes logiques de contrôle des déviances de genre ? Lorsqu’un magistère masculin affirme que les femmes doivent être tenues à l’écart des ministères, ne neutralise- t-on pas la parole des premières intéressées à mettre des mots sur une vocation ? Lorsqu’on appelle actuellement les soeurs américaines de la Leadership of Women Religious Conference à adopter une posture plus conforme à la dignité de leur sexe, c’est-à-dire la modestie et la non remise en cause des normes pastorales ou des écrits doctrinaux produits par des hommes, que dit-on en sous-main du genre féminin catholique ? Comment cette situation nous éclaire-t-elle sur l’exercice de l’autorité du masculin sacerdotal ?

On pourrait avancer que le terrain sociétal, l’égalité homme-femme, la lutte contre les discriminations dont sont encore victimes les minorités sexuelles, constitue beaucoup moins l’enjeu d’une théologie de la libération que le terrain social des rapports socio-économiques Nord-Sud ou de la lutte contre la précarité qui affectent nos sociétés occidentales. Outre qu’il n’est pas vraiment établi que les logiques d’exclusion différent véritablement, quand elles ne se cumulent pas parfois (pensons particulièrement aux femmes des pays en développement), il est intéressant de noter aujourd’hui que  les communautés les plus avancées sur la pastorale des minorités sexuelles sont aussi celles souvent les plus sensibles aux questions économiques. Elles ne développent pas tant un appel à constituer des « gay churches » que des lieux de partage « inclusifs ». Saint-Merry ou le temple de la Maison Verte à Paris, qui se présente comme « une coalition de minoritaires », de nombreux lieux sûrement dans les régions, se veulent ainsi ouverts aux personnes autant en situation de marginalités socio-économique ou socio-culturelle qu’issus des minorités sexuelles. Comment tenir la corde entre une reconnaissance de chacun dans sa spécificité et sa souffrance propre et le maintien de groupes ouverts à tou-te-s ? Comment faire entrer ce questionnement dans nos communautés ?

N’ayons pas peur du genre !

Dans une revue de théologie morale, le frère dominicain Laurent Lemoine se

demande si au final la peur des études de genre n’était pas un peu un « pétard mouillé » : « d’aucuns présentent les gender studies comme une idéologie historiquement aussi dangereuse que le marxisme ! Est-ce jouer les Cassandre que de le prétendre ? (….) De fait la galaxie du gender propose aux aventuriers un voyage indéfini fait de permanentes déconstructions socio-culturelles de soi (…) qui n’est pas sans écueils mais qui ne mène pas nécessairement au naufrage ». Sans pour autant souscrire à un optimisme béat à leur égard, il se demande si les études de genre ne peuvent pas nous aider à comprendre comment le sujet parle de lui-même et produit son identité à l’instar des personnages de l’Évangile : « comme Zachée, la femme adultère, le jeune homme riche, l’aveugle-né sont des individus à l’identité inachevée, errante qui se cherche, qui a besoin de se dire, d’être parlée à quelqu’un, Jésus en l’occurrence, qui les aide à atteindre la vérité d’eux-mêmes qu’ils possèdent sans le savoir malgré les voies sans issue empruntées jusqu’alors. Jésus est plutôt discret en matière d’éthique sexuelle. Cela a été maintes fois souligné. Elle [la galaxie du gender] met d’abord l’accent sur la recherche de vérité (…) Elle place la quête de soi, la quête d’identité sur une toile de fond très vaste dont la sexualité, pour être importante, n’est qu’un aspect, pas un détail bien sûr mais un aspect. Jésus a conduit un groupe minoritaire qui s’est constitué à sa suite sur la base d’une subversion identitaire de ses membres qui ont quitté leur foyer, leur mode de vie, leurs repères sociaux, éthiques et culturels. La subversion éthique apportée par Jésus conduisait à affirmer dans sa vie ceci (…) “ le sabbat est fait pour l’homme et non l’homme pour le sabbat ” ».

Anthony Favier

Références bibliographiques

– Béraud Céline (février 2011) : Quand les questions de genre travaillent le catholicismeÉtudes, 414/2, pp. 211-221

– Bereni Laure, Chauvin Sébastien et Jaunait Alexandre (2008) : Introduction aux gender studies, Bruxelles, De Boeck, 247 p.

– Fassin Éric (2010) : « Les forêts tropicales du mariage hétérosexuel, loi

naturelle et lois de la nature dans la théologie actuelle du Vatican », Revue d’éthique et de théologie morale, n°261, pp. 201-202

– Lemoine Laurent (2011) : « Questions nouvelles par les identités sexuelles d’aujourd’hui », Revue d’éthique et de théologie morale, n°263, pp. 9-29.

[i]Voir La sainteté pour tous, billet du blog Baroque et fatigué, 4 octobre 2012.

[ii] Selon l’expression de la philosophe Gayatri Chakravorty Spivak.




Lutter contre l’homophobie.

Lutter contre l’homophobie…

Chaque année, David et Jonathan organise un week-end à destination des jeunes (18-30 ans) dans la banlieue parisienne. Le thème de l’année : « Homophobie et discriminations », l’occasion pour 26 garçons et 4 filles de discuter et de réfléchir autour des manifestations de rejet de l’homosexualité. « Il y a 3 ans, on priait à Saint-Merri pour les victimes du Sida, une bande de jeunes a fait irruption en criant : “Pas de pédés dans les églises !.» J’étais chef scout, mon copain aussi.

Une année on n’a pas reçu la circulaire de rentrée. On a appelé : “Ce n’est pas possible de vous répondre. Vous voyez, si on accepte les homosexuels, pourquoi pas les toxicomanes et les prostitués ?”

« Ma famille, en Afrique, préfère être en rupture complète avec moi. Elle s’enferme dans le déni. »

l’homophobie est un processus multiforme et complexe, qui passe autant par l’implicite que par l’explicite. Il aboutit parfois à l’insulte, à la discrimination et à la violence. La déploration ne suffit pas : lutter contre l’homophobie, surtout si elle est intériorisée, est possible.

Ne pas se laisser réduire à des stéréotypes, dialoguer à son échelle dans sa famille, sur son lieu d’étude ou de travail, utiliser les ressources du droit, se faire soutenir par les syndicats et associations de lutte contre l’homophobie, intervenir dans les milieux scolaires.

Nous pouvons nous faire aider, voire être acteurs et actrices du changement.

Lutter contre l’homophobie : promesse de libération contenue dans les Évangiles ? David et Jonathan est un mouvement homosexuel chrétien ouvert à tous-te-s : quelles que soient leurs convictions propres ou leur appartenance confessionnelle. Néanmoins, il donne la possibilité de célébrer et vivre sa foi. Un temps de prière, qui a beaucoup marqué les participant-e-s, a rappelé l’enracinement d’un mouvement possible de libération dans la foi dans un Jésus qui relève et qui sauve.

Un stand tenu conjointement par Bertrand (association de Boquen) et Anthony (David et Jonathan, FHEDLES)a permis de présenter aux jeunes les Réseau du Parvis. Les débats autour du mariage « pour tous » font surgir dans les médias et la société beaucoup d’hostilité et des propos inadmissibles (polygamie, zoophilie etc.) sont parfois tenus à l’intérieur même de nos Églises.

Débat pour nous aussi : faut-il en permanence porter la contradiction à l’intérieur de nos Églises ou prendre le large sur le modèle des « gay churches » ? Entre nous et avec les autres en même temps ? Nous restons à la marge et en recherche. Nul doute en tout cas que l’un des fronts les plus importants de la lutte contre l’homophobie se déroule dans les groupes religieux !

Revue Parvis N°57 Mars 2013




Des Cris…

Un cri… Des cris…

Aujourd’hui le cri des humains va se surmultipliant. En 1950 la population mondiale était d’environ 2,5 milliards. Depuis le 31 octobre 2012 sept milliards de femmes et d’hommes peuplent la terre. Jamais encore les humains n’ont eu autant de contemporains. Journellement nous entendons leurs cris proches ou lointains. Nous découvrons des situations souvent dramatiques, parfois insupportables : famines, génocides, esclavages, injustices sociales, tendances religieuses rétrogrades. Tous les jours nous pouvons découvrir les cris d’humains dans la presse, par la radio, la télévision, au travail, dans le voisinage et tout simplement autour de nous. Nous pouvons aussi rencontrer des « indignés » qui se sont levés, qui se lèvent ou qui se lèveront pour faire changer de direction à une société qui se mondialise et essayant d’imposer son dieu : l’argent et le profit.

Mais depuis des décades un autre cri se fait entendre… Il est plus discret, car il ne parle pas.

Il est plus fondamental car il vise le long terme. Il est plus vaste car il dépasse les limites de notre localité, de notre pays, et même de notre planète. Ce cri vient se joindre à celui des humains. Il s’agit du cri de la nature, de la planète qu’on exploite et que l’on pollue, des espaces sidéraux, proches et bientôt lointains qui commencent à être transformés en poubelles.

Des espèces animales et végétales disparaissent, non pas parce que leur temps était révolu (ce qui serait normal), mais à cause de l’exploitation humaine de la planète (forêts tropicales, mers et océans…). Pire encore, nous accumulons avec une inconscience enfantine des dangers pour l’avenir. Il s’agit des déchets atomiques que nous enterrons en laissant à ceux qui suivront le soin de les protéger et de transmettre le mode d’emploi aux générations suivantes. Ceci pendant des dizaines de milliers d’années, le temps qui nous sépare de la dernière glaciation. Aujourd’hui, il ne faudrait pas que le « Toujours plus » vanté superbement à la fin du XXème siècle devienne « Après nous le déluge ». Quel serait alors le cri des générations futures ?

Nous nous rendons compte aujourd’hui qu’en ayant vécu des millénaires sous l’ordre de Dieu : « Dominez la terre », la page est tournée pour revenir à un ordre apparu dans l’histoire biblique, avant le « Dominez » : « Servez ce jardin qu’est la terre et préservez-la. » Le temps presse. Si ce n’est pas déjà trop tard.

Le 6 avril 2007 est une date importante pour l’Humanité. Qui s’en souvient ? Pourtant ignorée. C’était un début. Le jour où les humains commencent à se rendre compte qu’ils sont et deviennent de plus en plus responsables des siècles à venir. C’est le jour où pour la première fois le GIEC (Groupe international d’experts sur l’évolution du climat) reconnaît une part de responsabilité humaine dans l’accélération du réchauffement climatique.

Au début du troisième millénaire deux cris nous interpellent vigoureusement : celui de la planète fragilisée et celui des humains exclus ou esclaves d’un certain progrès.

Les générations à venir entendront-elles et prendront-elles au sérieux ce double appel… ? Alors seulement pourrait commencer à se réaliser, dans la lucidité, la sauvegarde de notre planète et de l’équitable répartition des biens… Sans oublier qu’une telle espérance n’est valable que si on commence soi-même à la mettre en œuvre. Si c’est le cas, nous pourrions relire – et réécrire – les cris des psaumes de façon neuve chaque matin « pour les siècles des siècles ».

Albert Hari.




Changement… Changement !…

A quels changements aspirons-nous ?

 Changement… Changement !…

Le mot « changement » a été bien présent depuis deux mois sur la scène politique.

Mais à quels changements aspirons-nous ?

Faut-il être « normal » pour être humain au quotidien ?

Faut-il chercher de la croissance à l’infini pour sortir de l’austérité ?

Les avis s’entrechoquent, ils sont partagés. La recherche d’un style de vie plus humain, une recherche de justice sociale font sûrement partie du changement.

Depuis des années, tout a été centré sur l’avoir plus, le gagner plus, le mérite… produire plus ici ou ailleurs au moindre coût. La mondialisation a transformé les modes de fabrication. Les emplois dans l’industrie ont fortement diminué dans notre pays.

Sous l’apparence d’une économie du bien-être, du consommer plus, se cache une économie du mal-être qui n’offre plus les emplois de proximité qui permettent l’activité et les revenus nécessaires pour vivre.

Le système n’est plus pensé à partir de l’humain mais à partir du rendement spéculatif, du bouclier fiscal qui protège les riches mais pas du bouclier vital qui pourrait protéger les pauvres.

Il serait souhaitable de remettre dans ce système la parole des sages et des prophètes pour repenser une société à échelle humaine pour que l’argent ne soit pas une fin mais le moyen d’échanges pour qu’il fournisse le nécessaire à vivre pour chacun. La recherche constante du « veau d’or » est toujours présente dans notre civilisation.

« Maintenant tous les humains de la planète sont reliés dans une communauté de destin pour le pire et pour le meilleur » nous dit Patrick Viveret. Nous avons bien vu que des évènements comme Tchernobyl, Fukushima, la mauvaise gestion des banques entraîne des effets mondiaux pour tous.

Nous sommes dans un changement d’époque. Une période se termine, une autre s’ouvre peut-être vers le déclin, la chute d’une civilisation ou peut-être la germination créatrice. Antonio Gramsci nous dit « la crise se produit lorsque le vieux monde n’en finit pas de disparaître et dans ce clair obscur des monstres peuvent apparaître ».

Comment changer ce sentiment de peur et d’impuissance en force créatrice ?

Mais les monstres sont toujours là dans la répression sanglante du peuple syrien, l’explosion du système financier qui n’est pas basé sur la création de richesses mais sur la spéculation.

Cette période de changement qui relie les peuples peut être l’occasion d’un saut qualitatif dans l’histoire de notre humanisation. Des facteurs d’espérance surgissent, des résistances non-violentes telles que Aung San Suu Kyi en Birmanie, l’imagination créatrice des indignés, la relance du débat sur les transactions financières…

Chaque jour des signes multiples montrent que des forces de vie, de paix et de démocratie sont à l’œuvre, « c’est la nécessité de la métamorphose » nous dit Edgar Morin.

« Soyons le changement que nous cherchons » nous dit Gandhi, mettons en œuvre les forces nouvelles, ce désir d’humanité qui nous anime pour construire notre mode de vie, nos relations, nos choix de consommations. Nous avons besoin de réinventer du désir, un désir d’humanité.




Lettre ouverte aux candidats : Présidentielle 2012

LETTRE OUVERTE

AUX CANDIDATS A L’ELECTION PRESIDENTIELLE DE 2012

 Dans le monde, un enfant meurt de faim toutes les 5 secondes !

Cette misère est étroitement liée aux choix financiers, économiques et politiques des pays développés,notamment la France.

  1. COMMENT COMPTEZ-VOUS

faire respecter le droit à l’alimentation, qui figure dans la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme (article 25) , et obtenir l’interdiction de la spéculation boursière sur les aliments de base ?

  1. COMMENT COMPTEZ-VOUS

faire reconnaître qu’affamer les populations en détournant les terres vivrières et en brûlant du maïs, de la canne à sucre…pour fabriquer nos agrocarburants, c’est un crime contre l’humanité ?

  1. COMMENT COMPTEZ-VOUS

obtenir l’effacement de la dette d’un pays chaque fois que son remboursement l’empêche de mener des politiques sociales vitales ?

  1. COMMENT COMPTEZ-VOUS

combattre l’appropriation des richesses par des multinationales, et la corruption qui en découle ?

Un groupe de citoyens électeurs

PARTENIA 77

Contact : Bernard JARRY

77440 Isles les Meldeuses

dajar@orange.fr




Les politiques agricoles affament le monde

Après la rencontre-débat du 24 mars 2012
organisée par Partenia 77 et soutenue par le GES-Parvis

Comme prévu, la rencontre a comporté 3 étapes.

Présentation par Jacqueline Kraepiel d’une synthèse du livre de Jean Ziegler « Destruction massive-Géopolitique de la faim » (éditions du Seuil, octobre 2011) suivie d’un débat. Un résumé en est donné en annexe 1.
Le texte complet de la présentation est disponible sur demande.

Projection du documentaire « Terres à taire » suivie d’un débat avec la participation intéressante et sympathique d’Oscar Martinez-Gomez. La présentation du film est donnée en annexe 2.

Choix et mise au point de questions à l’attention des candidats aux prochaines élections présidentielles puis législatives.

Vu la richesse des débats et le temps limité, un gros travail reste à faire pour effectuer la rédaction. Elle fera l’objet de la prochaine réunion de Partenia 77, à partir des points rédigés à l’état brut le 24 Mars donnés dans l’annexe 3.

A l’occasion de nos échanges, quelques informations intéressantes sont sorties au cours du débat, telles que :
– Cargill est présent à la Ferté sous Jouarre
– « Biocop », réseau de magasins Bio, a pour objectif de mettre les productions bio à la portée de chacun.
– Un agriculteur français, Paul François, victime en 2004 d’un accident lors de la manipulation d’un herbicide, a attaqué en justice Monsanto, qui a perdu le procès. Un 2ème agriculteur français est en train d’intenter une procédure contre Monsanto.
– Stevia Rebaudania = produit de substitution du sucre
– Le foin, la luzerne et le colza peuvent remplacer le soja pour l’alimentation du bétail (voir le film « Terres à taire »)
– Le problème (de plus en plus d’actualité en France (notamment en Seine et Marne) de l’exploration et de l’exploitation des gaz et pétroles de schistes a été évoqué, comme ayant des points communs avec celui des produits alimentaires : expropriations, pollu-tions, manque de transparence et de démocratie dans les décisions politiques, rôle de quelques multinationales,…
– En Inde et dans certains pays d’Amérique latine, des milliers de petits paysans s’organisent collectivement contre l’emprise de gros propriétaires et de multinationales , et contre la corruption..

Quelle suite voulons-nous donner à ce événement ?

Il revient à nos associations du GES-Parvis d’en décider.
D’ores et déjà, nous porterons les propositions issues de la rencontre dans le cadre du collectif « Libérons les élections » auquel le GES a adhéré.

Annexe 1

QUELQUES POINTS FORTS DU LIVRE DE JEAN ZIEGLER :
« Destruction massive – géopolitique de la faim » (Seuil, octobre 2011) par Jacqueline Kraepiel

Destruction massive, en effet !

– Selon la FAO, l’agriculture mondiale pourrait nourrir 12 milliards d’êtres humains (nous sommes aujourd’hui 7 milliards …)
– – or, 1 personne sur 7 au monde est gravement et en permanence sous-alimentée ; 37000 personnes meurent chaque jour des conséquences de la sous-alimentation et de la malnutrition, dont un enfant de moins de 10 ans toutes les 5 secondes.

« un enfant qui meurt de faim est un enfant assassiné » J.Ziegler.

Situation inacceptable qui serait résolue si on mobilisait pendant 15 ans 80 millions de dollars par an = un impôt annuel de 2% sur le patrimoine des 1210 milliardaires existant en 2010 !!!

La crise de 2008 a aggravé la situation :
– régression de 82% du flux des capitaux privés vers le sud et chute du versement des Etats au titre de la coopération et de l’aide humanitaire.
– 8 900 milliards de dollars versés aux banques = 75 ans d’aide au développement.

La misère des pays pauvres est étroitement liée aux choix financiers, économiques et politiques des pays développés.

Quelques mécanismes en jeu et des alternatives possibles :

1) au Niger, par exemple, on mesure les effets des programmes d’ajustement structurel imposés par le FMI à cause de la dette extérieure de ce pays très pauvre :
? règle d’or du FMI : le principe de la concurrence libre et non faussée
? exemples :
– ruine des éleveurs à cause de l’ouverture du marché des produits vétérinaires aux sociétés multinationales ;
– retour des périodes de famine à cause de la dissolution, imposée par le FMI, des stocks de réserves détenues par l’Etat.
? Résultats : = misère
= déchéance sociale
= migrations des populations sans ressources vers les bidon-villes des grandes villes.

# QUE FAIRE ?

Nous devons obtenir l’effacement de la dette d’un pays à chaque fois que son remboursement l’empêche de mener des politiques sociales vitales.

On constate que ce pays, 2ème producteur d’uranium au monde, ne profite guère de cette richesse, car elle est accaparée par la société Areva, qui ne paie que de bien faibles rede-vances et maintient son pouvoir par la corruption des dirigeants locaux.

# QUE FAIRE ?

Nous devons combattre l’appropriation des richesses par les puissances étrangères, et la corruption qui en découle.

2° En conséquence de la crise financière de 2008, un problème majeur affecte tous les pays pauvres : les fonds spéculatifs et les grandes banques se sont orientés vers les mar-chés des matières premières et ont spéculé sur les produits agricoles :

? les prix ont explosé • maïs + 93%
• riz passé de 105 à 1010 dollars
• blé x 2

? résultats : • profits astronomiques pour les spéculateurs
• des centaines de millions de gens tués dans les bidonvilles
• le PAM ne peut plus jouer son rôle , il ne peut plus acheter suffisamment de nourriture pour l’aide d’urgence

# QUE FAIRE ?

Nous devons faire respecter le droit à l’alimentation qui figure dans la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme (article 25) et obtenir l’interdiction de la spéculation boursière sur les aliments de base.

2) autre problème majeur : la confiscation des terres par les multinationales pour la culture du maïs, de la canne à sucre ou du palmier à huile destinés à la production d’agro-carburants à destination des pays riches.

Pour 50 l.d’éthanol • destruction de 358 kg de maïs = nourriture d’un enfant pendant 1 an.
• utilisation de 200.000 litres d’eau
• augmentation du dioxyde carbone dans l’atmosphère : contribution au réchauffement climatique.

Résultats :
La destruction des cultures vivrières, l’exploitation des ouvriers agricoles aboutissant au rétablissement d’une situation économique et sociale catastrophique, proche de l’esclavage dans les pays concernés.

# QUE FAIRE ?

« Détourner des terres vivrières et brûler de la nourriture doit être déclaré un crime contre l’humanité. » Nous devons en obtenir l’interdiction.
Soutenir le mouvement paysan « Via Campésina » qui lutte pour la reconnaissance du droit des paysans à la terre.

« Espérance », c’est le titre du dernier chapitre

– espérance née des insurrections paysannes (Indonésie, Philippines, Mongolie, Sénégal, Brésil…)
– espérance venue de la société civile occidentale (ATTAC, Greenpeace, mouve-ments des femmes, etc)

« il n’y a pas d’impuissance en démocratie »
« en Europe, nous avons toutes les armes (élections, mobilisation populaire, grève générale) pour briser cet ordre cannibale du monde. L’insurrection des consciences est proche » J.Ziegler.

Bien des problèmes aussi en Europe occidentale : l’agro-industrie et la grande distribu-tion imposent leur loi, malgré les dégâts écologiques, sociaux et humains qui en décou-lent.

Mais là aussi, espérance venue
– du développement d’une agriculture soucieuse de la protection de la nature et de la santé
– de la prise de conscience de nombreux consommateurs.

« L’inhumanité infligée à un autre détruit l’humanité en moi » E.Kant




Ouvriers chrétiens et de gauche, les élections…

Equipe de chrétiens en classe ouvrière du secteur de CAEN (ECCO Caen)
(membre de la fédération des Réseaux du PARVIS)

Caen, le 7 mars 2012

Communiqué de presse.

Ouvriers chrétiens et de gauche

Les élections présidentielle et législatives à venir sont un moment important dans la vie et le débat démocratique à condition que les souhaits des citoyens soient entendus. Pour nous, il s’agit d’engager notre pays sur la voie de la justice en supprimant les inégalités.

Les politiques capitalistes libérales ont conduit à la crise financière et ont accru les injustices sociales. Elles ont consisté à développer massivement le chômage et la précarité (il n’y a qu’à voir l’explosion des besoins de celles et ceux qui sont obligés d’aller aux Restos du coeur, au Secours populaire, etc…). Elles compriment toujours plus les salaires et les pensions, réduisent de façon importante l’emploi public, taillent dans les dépenses utiles socialement (éducation, santé…). Elles remettent en cause les fondements solidaires de la protection sociale comme le droit à la retraite à 60 ans, vident de sa substance le code du travail. Et avec l’annonce de l’instauration d’une « TVA sociale » (diminuant les rentrées de cotisations sociales dites patronales) le président s’attaque de front à un de nos piliers de la solidarité : la protection sociale.

C’est la course au profit qui domine sur tout. Les actionnaires exigent de plus en plus de rentabilité financière. L’argent sert en masse à la spéculation au lieu de servir l’économie. Les attaques des financiers contre les Etats remettent en cause la démocratie et aggravent, à des degrés divers, le niveau de vie des peuples européens. La Grèce est aujourd’hui la plus touchée.

Militants chrétiens en classe ouvrière, nous menons le combat avec toutes celles et tous ceux qui luttent pour une société solidaire. Quand le profit devient le moteur de la marche du monde, que devient l’homme ? Quel sens a sa vie ? Nous refusons que la finance soit utilisée pour broyer les peuples au profit des plus riches.

Dans ce rendez-vous électoral nous voulons dire qu’il est impératif, pour le bien des femmes et des hommes, de transformer cette société, de changer de politique et de modèle économique, d’instaurer une juste répartition des richesses produites, de se libérer des oppressions du capitalisme qui se nourrit des inégalités, gaspille les ressources, détruit la planète.

Notre vote sera guidé par les programmes qui vont favoriser un travail pour tous, le respect des étrangers, une forte augmentation du SMIC et des retraites, le renforcement de la protection sociale, le droit à la retraite à 60 ans. Nous invitons les travailleurs comme tous les citoyens à refuser la poursuite d’une politique de droite, à rejeter l’extrême-droite et à ne pas se réfugier dans l’abstention.

Bernadette Biniakounou, Anick et Michel Carabeux, Marie-Thérèse Colin, Colette Fourdeux, Michel Gigand, Marie-Luce Landreau, Michel Leconte, Michel Lefort, Pierre Leduc, Jean-Marie Peynard, José Reis et Claude Simon.

Contact: Jean-Marie Peynard 02 31 20 26 70




Campagne électorale, réflexion d’un collectif d’associations

Campagne électorale

Un collectif d’associations de la région de Nancy comprenant Les Amis de la Vie, Chrétiens en Forum, RCF, CCFD, Secours Catholique, Habitat et Humanisme, MCC, ACI, Espérance 54 (Réseaux du Parvis) a organisé le samedi 3 décembre 2011 un Forum qui avait pour objectif d’interpeller les politiques à l’occasion de la période importante de la vie démocratique de notre pays : la campagne présidentielle.

Nous publions ci-après leurs propositions.

Propositions de l’atelier Assistanat – Solidarité

Considérant que la dignité de l’homme est un bien inaliénable, nous pensons que toute politique devrait :
– permettre et même inciter les personnes « aidées » à participer au fonctionnement de l’association mise en place, en lien avec les élus, de manière à retrouver leur dignité
– agir pour une société plus juste et fraternelle accordant aux plus fragiles l’accès aux droits fondamentaux : nourriture, logement, éducation, soins, …
– traiter les points névralgiques suivants :
• corriger l’écart injuste des revenus ;
• accorder davantage de subventions aux associations d’aide aux plus démunis (elles sont en baisse) ;
• freiner la délocalisation des emplois à l’étranger ;
• favoriser l’accueil des étrangers ;
• répartir avec équité l’effort de remboursement de la dette publique.

Propositions de l’atelier Précarité – Logement

Constatant le manque massif de logements, les loyers inabordables en ville, le coût excessif des terrains… et considérant qu’il y a urgence à ne laisser personne sans abri et à doter tout citoyen d’un logement décent, nous pensons que toute action publique devrait :

– promouvoir à long terme une politique de construction ambitieuse, combinant les aspects financiers, fonciers, architecturaux, urbanistiques… Cela nécessite des soutiens financiers accrus, mieux ciblés, afin de ne pas laisser le marché entre les mains des spéculateurs.

Constatant que les financements des centres d’hébergement ont été diminués et même coupés, et que le recours aux hôtels est d’un coût excessif pour l’État, nous pensons que toute action publique des préfectures ou des municipalités devrait :
– faciliter la possibilité de se loger par l’acquisition de logements pour l’action sociale et par une taxe sur les logements vacants pour réhabiliter l’existant.

Constatant que les préjugés entraînent une forte résistance à l’implantation de logements sociaux, nous pensons que les autorités compétentes locales devraient :
– favoriser la mixité sociale en profitant des opérations de rénovation urbaine pour permettre un consensus entre les acteurs (réhabilitations, PLU), en offrant des garanties (assurances, cautions …) aux propriétaires privés qui peuvent mettre à disposition des logements disponibles.

Devant un paysage institutionnel touffu (l’application de la loi DALO est loin de mettre à l’abri ceux qui en ont besoin), les citoyens sont perdus face à la multiplication des acteurs. Nous renvoyons au « contrat social pour une nouvelle politique du logement » et aux 4 engagements proposés aux candidats à l’élection présidentielle (cf. Fondation Abbé Pierre pour le logement des défavorisés).

Propositions de l’atelier Appauvrissement – Croissance

Constatant que l’hyper-croissance mondiale va dans une impasse et mène à une politique inconsciente, nous pensons qu’il est nécessaire :

– d’inventer une nouvelle économie fondée sur la justice et faisant place aux jeunes générations ;
– de faire en sorte que la solidarité s’exerce à l’égard de ceux qui en ont le plus besoin, par l’effort de tous, et de ne pas accepter de vivre les uns sans les autres ;
– de promouvoir une société frugale et, au minimum, d’éviter tout gaspillage ;
– de réduire l’échelle insupportable des salaires et l’écart des revenus.

Propositions de l’atelier Maladie – Santé

Des constats alarmants :
– augmentation des risques psycho-sociaux ;
– addictions chez des jeunes ;
– blocages administratifs dans l’avancement des dossiers ;
– accès aux spécialistes rendu difficile ;
– surcharge des services d’urgence.

Nous proposons donc des priorités pour une égalité face aux soins :
– écouter et accompagner les plus fragilisés ;
– créer des centres pluridisciplinaires avec une composante sociale ;
– garantir un revenu correct pour toutes les personnes handicapées et favoriser leur insertion, en priorité par le travail ;
– construire des structures d’accueil pour les malades atteints d’Alzheimer ;
– développer et professionnaliser l’aide à domicile.

Propositions de l’atelier Isolement – Fraternité

Deux convictions :

– Une société qui exclut la jeunesse se condamne, et le climat dans lequel nous vivons porte à l’individualisme. Nous pensons donc qu’il est indispensable de porter attention au “départ dans la vie” des jeunes – accès à l’emploi, écoute de leur parole, même si elle est déroutante – et nous proposons le développement du service civil.
– L’Homme est avant tout un être de relation, et en relation… Nous pensons donc que tout doit être fait pour favoriser ce qui permet la relation, pour changer la vie :
• des associations à fonctionnement vraiment démocratique ;
• des réseaux “facilitateurs” ;
• un vivre ensemble intergénérationnel ;
• en ce temps de campagne électorale proscrire un langage de stigmatisation et de peur ;
• dans l’engagement politique agir sur les causes et non sur les conséquences de ce qui défait la relation.