La déclaration de Noël de chrétiens russes artisans-de-paix

« Gloire à Dieu au plus haut des cieux, et paix sur la terre à ceux qui lui plaisent ! »  (Luc 2:14)

« Le peuple qui marchait dans les ténèbres a vu une grande lumière ; ceux qui habitaient dans le pays de l’ombre de la mort, sur eux a resplendi la lumière. Tu as multiplié la nation, tu as augmenté sa joie ; ils se réjouissent devant toi comme pour la moisson, comme on crie de joie au partage du butin. Car toute botte de soldat piétinant dans le tumulte de la bataille et tout vêtement roulé dans le sang seront livrés aux flammes, pour être consumés…

Car un enfant nous est né, un fils nous est donné. Et il exercera l’autorité royale. Il sera appelé : merveilleux Conseiller, Dieu fort, Père à jamais, Prince de la paix. Sa souveraineté et sa paix s’étendront sans fin, son gouvernement sera solidement fondé sur le droit et sur la justice, dès à présent et pour l’éternité. L’ardeur du SEIGNEUR, le tout-puissant, fera cela ».  (Isaïe 9 : 2-3, 5-7) 

C’est la veille de Noël. Les rues sont brillamment éclairées par des décorations ; nous nous préparons pour la fête, achetons des cadeaux, buvons du café chaud dans nos cafés préférés, faisons des projets. C’est notre vie ordinaire. Nous plaisantons sur la fin d’une autre année difficile. Pourtant, dans notre pays voisin, l’Ukraine, la guerre menée par notre gouvernement se poursuit : ses habitants se retrouvent sans électricité, sans chauffage, et pour un grand nombre d’entre eux, sans famille. Ils auraient aussi pu faire des projets et croire à un miracle. Mais notre pays a amené la guerre chez eux, et maintenant, pouvoir recharger un téléphone et simplement se réchauffer est déjà un jour férié pour eux. 

Il est impossible de continuer à se taire. Nous ressentons une douleur insoutenable en sachant que pendant ces jours de fête, on peut entendre en Ukraine des sirènes au lieu de chants de Noël et voir des missiles mortels exploser au lieu de feux d’artifice. Alors que nous faisons la fête ici, nos frères et sœurs là-bas périssent et souffrent à cause de nos compatriotes.

Nous, chrétiens russes de différentes confessions – laïcs, pasteurs, prédicateurs et prêtres – lançons un appel à tous les chrétiens de Russie : Orthodoxes, protestants, catholiques romains ; prêtres, dirigeants d’églises ; congrégations, organisations, groupes chrétiens formels et informels avec les déclarations suivantes : 

  • Nous croyons que le Christ nous exhorte à aimer tout le monde. Nous croyons que ces commandements – « Tu ne tueras pas» (Ex. 20:13), « ne résiste pas au mal par de mauvais moyens » (Matthieu 5:39), « Aime tes ennemis» (Matthieu 5:44) – ne peuvent être ignorés et doivent être observés tant au niveau individuel que dans la société dans son ensemble. 
  • Nous croyons que l’agression militaire de la Russie contre l’Ukraine est une violation des commandements sacrés de Dieu, et que sa justification morale contredit l’enseignement chrétien puisqu’elle est empoisonnée par le désir de dominer aux dépens de l’autre pour surmonter le désespoir et l’impuissance. Nous sommes convaincus que la participation à cette guerre du côté de l’agresseur est inacceptable pour tout chrétien.
  • Nous croyons que les crimes imaginaires ou réels d’autres États ne peuvent justifier les crimes de notre propre État. Nous ne sommes pas d’accord avec l’idée que le patriotisme signifie une loyauté et un amour aveugles envers l’État et son dirigeant. Au contraire, nous soutenons que l’une des formes les plus élevées de patriotisme est la diffusion de l’Évangile parmi notre peuple et que ceux qui aspirent à la Grâce doivent observer les commandements du Seigneur, comme le dit le Nouveau Testament : « Mais cherchez d’abord le royaume de Dieu et sa justice, et toutes ces choses vous seront données par surcroît.» (Matthieu 6:33)
  • C’est avec une grande tristesse que nous reconnaissons que la majorité des congrégations chrétiennes de Russie ne considèrent pas qu’il est nécessaire ou important d’élever la voix pour les innocents et de condamner le non -respect flagrant de la loi. Nous sommes terrifiés par le fait que de nombreux responsables ecclésiastiques et théologiens, dans une tentative de justifier cette invasion, déforment la vérité des Saintes Écritures et rejettent les commandements du Sermon sur la Montagne comme quelque chose de non pertinent ; qu’ils interprètent les paroles du Christ sur l’amour (Jean 15:13) comme une justification de cette guerre ; qu’ils diffusent l’éthique de l’Ancien Testament (« œil pour œil » ; « dent pour dent ») en oubliant que le Messie est venu et que nous vivons à l’ère du Nouveau Testament.
  • Nous savons que Dieu nous exhorte à aimer notre « prochain » et nous sommes certains que le « prochain » pour nous, chrétiens russes, est le peuple souffrant d’Ukraine que Dieu nous appelle à servir en paroles et en actes : par nos prières, par notre solidarité et par notre intervention.

Nous appelons tous les chrétiens de Russie désireux de devenir des artisans de paix à prendre les engagements suivants que nous assumons : 

  1. Ne pas ignorer. Accepter la gravité de la situation et évaluer de manière responsable les affaires courantes non pas du point de vue des valeurs du monde, mais du point de vue de l’enseignement chrétien.
  2. Prier. Demander à notre Seigneur miséricordieux d’amener nos compatriotes russes, notre État et les dirigeants de notre Église à se repentir.
  3. Se lever contre. Sachant tous les risques encourus, nous vous exhortons à condamner ce mal et à demander le retrait immédiat des troupes russes d’Ukraine et la fin de cette guerre.
  4. Se mobiliser pour une résistance non violente. Persuader parents et amis de ne pas participer à cette guerre de quelque manière que ce soit ; aider ceux qui évitent le service militaire.
  5. S’impliquer dans l’aide humanitaire. Aider les réfugiés ukrainiens où qu’ils se trouvent. Aider toutes les victimes de cette guerre par tous les moyens à notre disposition. 

Nous sommes conscients de l’effroi ressenti à l’idée de protester contre cette guerre en Russie. L’État et la société peuvent vous déclarer traître, « agent de l’étranger » ; ils peuvent vous infliger une amende ; ils peuvent vous arrêter et vous emprisonner. Nous sommes également conscients qu’en Russie, qui prétend être un pays chrétien, cet appel à la paix est puni par des amendes et des peines de prison. Mais nous, en tant que chrétiens, nous vous exhortons à le faire pour l’amour de notre Sauveur aimant, Jésus-Christ, et pour l’amour de notre prochain – le peuple d’Ukraine. 

Aujourd’hui, le Seigneur est venu – la lumière a brillé dans les ténèbres, et les ténèbres ne peuvent pas la consumer. Nous croyons que la lumière du Christ l’emportera sur les ténèbres qui, dans notre pays, sèment la discorde, la mort et la dévastation en Ukraine et ici, en Russie. Nous croyons que la lumière du Christ bannira la haine et le mal du cœur des gens et que l’Amour gagnera. 

« Puis je vis un nouveau ciel et une nouvelle terre, car le premier ciel et la première terre avaient disparu, et la mer n’était plus. Et je vis descendre du ciel, d’auprès de Dieu, la ville sainte, la nouvelle Jérusalem, préparée comme une épouse parée pour son époux. 

Et j’entendis du trône une voix forte qui disait : “Voici que la demeure de Dieu est avec les hommes. Il habitera avec eux, et ils seront son peuple, et Dieu lui-même sera avec eux comme leur Dieu. Il essuiera toute larme de leurs yeux, et la mort ne sera plus, et il n’y aura plus ni deuil, ni cri, ni douleur, car les choses anciennes ont disparu” ».   (Apocalypse 21:1-4)  

Source : christians4peace.com




Le sermon aux poissons par le frère Thierry Hubert

Vous connaissez peut-être, les enfants, l’histoire de Saint François d’Assise qui aimait parler aux oiseaux. Mais l’on connaît moins celle d’un de ses frères, saint Antoine de Padoue … avec les poissons. Nous sommes, il y a bien longtemps, il y a presque 800 ans

Voilà la manière d’annoncer, lors de la messe télévisée du dimanche 6 février, le message de l’Evangile aux enfants. Mais ne sommes-nous pas tous des grands enfants ?

Voici la vidéo

Et voici le texte

Saint Antoine de Padoue et les poissons

Sermon de saint Antoine aux poissons, par Antonio Vieira




Vieillir dans la dignité

Nous sommes plus enclins à revendiquer notre droit à mourir dans la dignité, qu’à celui de vieillir dans la dignité. Mais la parution du livre « Les Fossoyeurs » sur la maltraitance dans certains Ehpad, remet au premier plan l’étape de la vieillesse.

Les révélations de cet ouvrage nous bousculent, nous révoltent, nous anéantissent.

Aujourd’hui, la vieillesse devient un cauchemar planifié, par une course au profit qui l’emporte sur toute autre considération.

Un être humain n’est pas réduit à ce qu’il produit ou à ce qu’il consomme. La dignité d’une personne n’est pas à vendre ou à louer. Elle ne doit jamais être perdue. Ces maltraitances attestent qu’on n’a pas su reconnaître la dignité de nos aînés, ni comprendre que ces personnes du grand âge avaient autant besoin de respect que de soins.

Si l’humain avait été placé au cœur de ces maisons de retraite, tout le monde serait gagnant.

Vieillir, n’est-ce pas tout perdre, au gré du temps ? La solitude est la grande épreuve. La tendresse, si nécessaire, semble disparue. Les personnes âgées ont un grand besoin de relations humaines chaleureuses où elles se sentent accueillies, écoutées, aimées. Nul ne survit au manque d’amour. N’en réchappe que la personne qui est aimée.

Il n’y a pas de vie perdue quand on aime. Une vie animée par l’amour est source de fécondité. C’est ainsi qu’on peut grandir en humanité. Se donner aux autres, n’est-ce pas le secret de ne pas mourir ?

Nous avons à bâtir une société où personne ne sera laissé de côté. Une société où les anciens auront leur place et seront honorés.

« Les personnes âgées sont comme les racines d’un arbre : si elles sont exclues de la société, l’arbre meurt » pape François

Jacques Gaillot

Evêque de Partenia

Paris 4 février 2022




Nous sommes dans un temps de passages…

Nous sommes dans un temps de passages

d’un monde à un autre

Nous ne savons pas où nous allons

mais nous y allons”

Nous ne savons pas

quel sera ce nouveau monde

Nous en voyons les prémices :

dérèglements climatiques

dérèglements économiques

dérèglements militaires

les guerres toujours présentes

Il suffit d’un incident comme en Iran

pour que des décisions de guerre soient prises

le radicalisme, le fanatisme

gangrènent des familles, des peuples…

Les manifestations continuent

elles sont à répétition

même si nous condamnons les violences

nous constatons de vraies revendications

pour plus de justice sociale.

Le pouvoir en place a du mal

à reconnaître la place des plus fragiles

les choix financiers passent en premier

les actionnaires sont privilégiés avant les employés…

Les idées écologiques

deviennent essentielles

elles traversent tous les groupes politiques

mais elles ont du mal à se concrétiser

à grande échelle

on voit bien les tergiversations

les hésitations du G 20 au Japon

du G 7 à Biarritz…

Les intérêts économiques,

l’argent, l’emportent tout le temps

sur les choix environnementaux

la répartition des richesses.

Parfois des décisions semblent être prises

au niveau mondial (COP 21)

mais elles sont enterrées, oubliées

il n’y a pas de volonté politique

alors retentissent ces messages des jeunes :

“Il ne s’agit plus d’être écolos

mais d’être vivants”

“Nous venons de naître au monde

cette crise, nous allons devoir vivre avec

et aussi nos enfants et petits enfants…”

“A quoi bon suivre une éducation scolaire

et préparer un avenir

s’il n’y a pas d’avenir…”

Pouvons-nous croire

à la créativité des peuples

pour inventer d’autres modèles ?

l’humain et la nature

sont indissociables

l’argent rend l’humanité folle

on fait de la croissance

en épuisant toutes les ressources

en utilisant le vivant

comme des machines à produire

Il faut envisager l’avenir

avec sobriété et modération

nous disent Pierre Rabhi, Gaël Giraud, Patrick Viveret…

Il y a une autre logique à mettre en place

à partir de la sobriété, la proximité

le respect du vivant, la protection de la nature

des nouvelles formes de participations démocratiques…

Et dans ce contexte, quelle actualisation des Evangiles ?…




Pierre Vignon : La juste attitude du chrétien catholique face à l’obéissance

Texte de Pierre Vignon du 29 août 2019

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Pouvoir et soumission : lutter contre le cléricalisme par Alice Gombault…

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Gagner la bombe mais perdre le christianisme

           Gagner la bombe

                    mais

      perdre le christianisme

 

 

                                Jean-Marie MULLER*

 

Dans son discours prononcé le 10 novembre 2017 lors de la conférence pour un désarmement intégral, le pape François a  exprimé un vif sentiment d’inquiétude en considérant les conséquences humanitaires et environnementales catastrophiques qui découleraient de tout usage des armes nucléaires. C’est pourquoi, a-t-il précisé, « il faut condamner fermement la menace de leur usage, ainsi que leur possession (c’est moi qui souligne). » Cette condamnation de la « possession » des armes nucléaires est décisive, car elle invite chaque Etat à renoncer unilatéralement à la dissuasion nucléaire.

Pour sa part, le gouvernement français a décidé de maintenir et de moderniser à grands renforts de milliards d’euros les différentes composantes de la dissuasion nucléaire qui est censée fonder la défense de la France. Dans un tel contexte, les récents propos de l’évêque de Rome condamnant la « possession » des armes nucléaires invitent les évêques français – eux tout particulièrement – à exiger le désarmement nucléaire unilatéral de la France.

Une déclaration publique de la Conférence épiscopale française condamnant la possession par la France des armes nucléaires serait un événement majeur. Elle constituerait l’irruption de l’Evangile dans une société matérialiste dépourvue de toute éthique, elle bousculerait tous les dogmes politiques établis. Cette prise de position éthique et politique aurait l’effet d’une véritable conflagration

Jusqu’à présent, les évêques français ont gardé le silence en s’abstenant de toute déclaration. Mais il ne faut pas s’y tromper, ce silence vaut approbation. Se taire c’est déjà nier et renier l’Evangile. Il existe en effet une contradiction radicale, irréductible entre les contraintes de la dissuasion nucléaire et les exigences du christianisme. Aucune coexistence n’est possible. La bombe, par sa seule existence, nie toutes les valeurs éthiques et spirituelles enseignées par la christianisme qui, au demeurant, sont des valeurs universelles. Celui-ci disparaît sous les effets de la bombe. Les sermons deviennent dérisoires, les exhortations inaudibles, les méditations inconvenantes. Gagner la bombe, c’est perdre le christianisme. Cette perte n’atteint pas seulement la communauté chrétienne. C’est toute la société qui se trouve affaiblie dans ses capacités de résister à l’inhumain.

 Selon Jean Lurçat, c’est seulement lorsque les hommes auront eu la sagesse de libérer la terre de l’arme nucléaire qu’il sera possible de célébrer la vie et de chanter le monde : “Ce Chant du Monde ne sera plausible, possible, le monde n’osera aborder le Chant, que lorsque la Grande Menace de cette immense, immonde pustule de la Bombe, sera, d’un commun accord, arraché de la chair des hommes.”.

D’aucuns, probablement, voudront faire prévaloir l’idée que j’exagérais. Mais c’est une idée fausse. Face au mal nucléaire, comment serait-il possible d’exagérer dans le refus ?

Par ailleurs, il me sera certainement reproché de faire preuve d’intolérance. Mais face à l’intolérable de l’arme nucléaire, nous sommes conviés à nous prévaloir de la rudesse de l’inflexibilité. La tolérance est déjà une trahison et l’exigence éthique nous invite à pratiquer la vertu d’intolérance.

Ceci étant, il ne convient pas d’enfermer l’avenir dans une fatalité. Ces mêmes évêques qui se taisent aujourd’hui peuvent oser prendre la parole demain. L’espérance est fragile mais encore possible.

* Philosophe et écrivain, Jean-Marie Muller est membre-fondateur du Mouvement pour une Alternative Non-violente.

Dernier ouvrage paru : La violence juste n’existe pas, Oser la non-violence, Le Relié.

www.jean-marie-muller.fr




Vivons le temps présent…

Vivons le temps présent

Les moments délicats de la vie

Un amour entretenu ne s’use pas

La liberté d’être est essentielle

Il est important de prendre le temps de regarder un nuage

Suivre un vol d’oiseaux

Se laisser surprendre par l’infini des choses de la vie

Il est important de prendre le temps

De s’aimer, se respecter

Ne pas se laisser enfermer

Dans des jugements

Résister aux rumeurs

Aux idées toutes faites

Savoir remettre en cause

Ses croyances quand elles sont certitudes

Pour laisser de la place

A l’imprévisible de la vie…




Elections 2017 : Chrétiens ouvriers de gauche, pour un partage des richesses

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Comment parler de Dieu, de Jésus aujourd’hui

Par Michel Deheunynck [1]

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“Il s’appelle Ibrahim. Il est hospitalisé en unité psychiatrique où je suis accompagnateur en aumônerie, me définissant non d’abord comme agent du culte, mais comme « travailleur du sens », au service de la composante spirituelle, religieuse ou autre, de la santé.

Ibrahim est étudiant en mathématiques. Sur sa table de chevet, un livre d’algèbre linéaire.

Dans les créneaux horaires de ses autorisations de sortie du secteur, nous avions déjà fait ensemble quelques échanges dans les allées du parc hospitalier. Ce jour-là, il me confie : «  Je suis musulman. Mais jusqu’à maintenant, ma religion musulmane ne m’a pas vraiment beaucoup aidé… (Aidé ?)… oui, aidé à y voir plus clair dans ma vie… »

J’interromps une première fois ce récit en pensant à un certain zèle pastoral qui aurait pu être tenté par l’occasion de lui proposer une expérience alternative… Le catholicisme est assez inventif, actuellement, en moyens de séduire les jeunes. « Qu’il vienne donc voir un peu comme ça pourrait être bien ou mieux pour lui… »

Mais voilà que je lui réponds « Et bien moi, je peux te dire que mon Église catholique, elle ne m’a pas toujours bien aidé non plus ». Nous avons convenu que les religions ne sont que des moyens de la tradition, utiles, mais imparfaits pour la foi. Cet échange d’esprit institutionnellement critique a engendré entre nous un rapport de complicité et de confiance qui nous a permis d’aller plus loin dans le partage du sens de la vie et même de la foi, foi humaniste et foi transcendante. Et c’est ce qui m’a permis, quelque temps après, de l’inviter à un temps de partage convivial interconvictionnel à l’aumônerie.

Deuxième interruption pour témoigner que la proposition d’une recherche de foi, initiale ou renouvelée, ne se fait pas que dans un climat enthousiaste comme aux JMJ, mais d’abord et surtout dans l’authenticité des rapports humains qui l’ont initiée. Les liens humains et la recherche critique pour leur donner du sens me semblent toujours premiers, avant tout rapprochement cultuel ou intercultuel.

Ibrahim a donc commencé à venir à l’aumônerie et à y connaître quelques amis, hospitalisés dans d’autres unités. Peu à peu, il s’est intégré aux temps de prière et a même voulu assister à la messe du dimanche matin. D’autant que d’autres d’origine musulmane y venaient déjà, rappelant volontiers qu’ « on est tous frères et qu’on a le même Dieu ! »

Et là, il a perçu certains éléments du message de l’Évangile dans lesquels il pouvait se reconnaître. Il a un peu mieux connu un autre croyant, lui aussi critique de sa religion, Jésus, renversant bien des critères normatifs. Avec lui, même le païen retrouvait toute sa valeur aux yeux de Dieu; avec lui, notre humanité devenait le premier lieu de la foi; avec lui, l’enseignement doctrinal laissait place à la recherche de sens; avec lui, le « lève toi et marche » émancipateur social des plus fragilisés (comme à l’hôpital) était le plus bel acte de foi,…

Dans tout cela, Ibrahim se reconnaissait et nous en discutions. Il accueillait un peu de la prédication de Jésus, enracinée dans la rencontre des autres, son esprit de croyant révolté, amoureux et religieusement plutôt rebelle, jusqu’à sa mort, anticipée par l’Eucharistie. Et c’est ainsi qu’un dimanche, Ibrahim a choisi de lui répondre « oui » et de communier.

Me revoyant dans la semaine suivante, il tient à m’en reparler. Il me dit « Dimanche, j’ai communié, parce que, maintenant, j’ai commencé à intégrer le sens de l’Eucharistie de Jésus et de la communion où il se donne en nous ( « en » et non « à » : une nuance peut-être signifiante en mathématiques ? …) comme une invitation à partager entre nous tous ce qu’Il fait et ce qu’Il veut  …. un peu comme un appel à la solidarité  au nom de Dieu »

Je reçois cette déclaration sans la commenter. Mais lui ajoute aussitôt, comme un rappel de sa tradition « Par contre, je n’arrive pas à intégrer la Trinité. Alors, j’ai du mal à faire le signe de croix ».

Je crois que là, il faut bien une troisième interruption. Certains n’auraient peut-être pas attendu cette étape pour lui proposer d’entreprendre un chemin catéchuménal, une préparation au baptême et la suite… Seulement, la demande d’Ibrahim n’était pas du tout d’acquérir un nouveau statut religieux, mais surtout de redonner du sens à sa vie, comme bien d’autres jeunes à l’hôpital psychiatrique. Et cela commençait à se faire. A se faire, non pas sur un chemin catéchétique ecclésial bien programmé où on lui aurait sûrement appris à faire le signe de croix avant de lui donner la communion. Mais sur son chemin à lui, ce chemin où il intégrait peu à peu ce qui faisait sens pour lui, avec des étapes franchies et d’autres non, comme il l’exprimait si bien à sa façon à lui. Un chemin de foi peut-être pas aussi linéaire que son cours d’algèbre…

Ibrahim a ensuite quitté l’hôpital pour retrouver sa vie, ses études, son avenir, une confiance retrouvée et une foi renouvelée. Il a aussi repris son chemin à lui, avec d’autres rencontres, d’autres compagnonnages, son chemin de croyant musulman, ayant découvert et vécu quelque chose de Jésus Christ dans sa vie à lui et ayant fait comme Lui une expérience de croyant religieusement critique.

Note :

[1] Texte de son intervention, le 25 novembre 2016, à la table ronde de l’Assemblée générale des Réseaux du Parvis.

Photo : Didier Vanhoutte