Revue N° 101 : et après… L’Evangile, espérance et libération ?

Edito de Jean-Paul Blatz

 

En son temps, Jésus parlait l’araméen avec ses parents et ses amis. Ses gestes et ses pa roles ont été mis par écrit selon la tradition du midrash qui fit de Jésus le messie attendu par les juifs. Publiés en grec, les évangiles furent desti nés au monde païen. Ignorant la façon dont les juifs comprenaient et écrivaient les Écritures, les nou- veaux chrétiens les ont interprétées d’une manière littérale. Cette vision de la Bible fonda la tradition catholique faisant d’Adam, d’Ève et des rois mages des personnages historiques et des miracles des faits historiques.

La rencontre de l’Occident avec des cultures extraeuropéennes fut suivie d’une expansion missionnaire remarquable dont les porteurs, dès le XIXèmesiècle, prirent conscience d’une nécessaire inculturation qui devait passer d’abord par une traduction des textes bibliques dans toutes les langues vernaculaires du monde. Les mission- naires se firent linguistes et ethnologues, aidés par d’innombrables catéchistes indigènes. Cette inculturation, néanmoins incomplète, le latin restant la langue liturgique, connut un nouvel essor grâce au concile Vatican II, à la théologie de la libération et à l’arrivée aux responsabilités, dans les Églises du Sud, d’un clergé autochtone.

 

Or voici qu’en Occident, berceau d’un christianisme ancien hérité des cultures grecque et latine, les nouvelles générations ne comprennent plus le langage de l’Église catholique. Mal- gré les tentatives des pères conciliaires pour réformer l’institution, ses responsables, à de rares exceptions près, se figent dans une interprétation littérale des Écritures, continuent à distinguer un univers sacré d’un monde profane et ignorent le monde contemporain et ses évolutions. Foin des Lumières, de la démocratie et des droits humains ! Dans les églises, le langage reste abscons. Certains prédicateurs ne se soucient ni des désirs, ni des préoccupations des fidèles et se réfugient dans un passé reconstitué. Le christianisme disparaît de la vie quotidienne, la sécularisation s’installe.

 

Dans les Réseaux du Parvis, nous avons conscience, depuis longtemps, de cette situation. Pour d’autres, l’après-confinement en est un révélateur. Le déconfinement sera peut-être aussi un accélérateur de cette évolution qui a commencé à vider les églises bien avant la découverte de la Covid19. En Occident, l’Église catholique connaît une rupture inhérente à la mise en place progressive d’une nouvelle civilisation dominée par les progrès scientifiques, l’aspiration à la démocratie, la recherche individuelle du bonheur et la persistance d’injustices liées à l’ultrali- béralisme économique.

 

Face à ces changements, nous sommes convaincus que le message du Christ, une fois débar- rassé d’interprétations et de traditions peu évangéliques, sera à nouveau source de vie pour nos contemporains. Nous croyons que la foi dans le Ressuscité permettra encore longtemps à des femmes et des hommes de donner sens à leur vie et de promouvoir la justice et la fraternité dans le monde. C’est dans cet esprit que nous entamons une nouvelle étape dans la vie des Réseaux du Parvis.

 

Jean-Paul Blatz