La Revue mai-juin 2015 : Les défis de l’après-11 janvier

Les Réseaux des Parvis

Numéro 68 – Mai-Juin 2015

Editorial

Le 11 janvier, nous étions des millions dans les rues de nos villes et de nos villages, unis par une même conviction : la violence, la haine, le racisme, la discrimination nuisent à un vivre-ensemble harmonieux en opposant les personnes entre elles et détruisent ceux qui les tolèrent ou les propagent. Ce jour, nous éprouvions aussi le besoin de confesser publiquement notre attachement aux valeurs de la République.

Nous voulions défendre la liberté qui permet l’expression de toutes les idées dès lors qu’elles ne nuisent pas à autrui. Nous soutenions la laïcité qui reconnaît la liberté de conscience tout en nous protégeant de toutes les intolérances et de nos propres extrémismes. Nous  rappelions la place prépondérante que la citoyenneté, fondement de la démocratie, doit occuper dans l’éducation. Devant les habitants de notre pays et devant le monde entier, nous proclamions qu’être Français, c’est être porteur d’une véritable spiritualité laïque qui est à la fois raisonnement, intuition de l’idée immanente républicaine et sa transcription claire et intelligible dans nos lois et dans nos actes.

Après les événements du 7 janvier, le corps social a donné l’impression de se ressouder autour d’une émotion collective. La pérennisation des bonnes intentions alors exprimées nous oblige à relever quelques défis.

Confrontée à l’affirmation de nouveaux comportements à forte composante religieuse issus d’autres cultures, la République doit désormais chercher à énoncer un nouveau socle de valeurs communes. La citoyenneté doit être partagée par tous. Elle doit être un bien commun, accepté par de nouveaux venus qui ignorent tout des luttes menées pour s’affranchir du poids de pouvoirs politiques et religieux autoritaires.

Le moment est venu de nous rappeler que l’Evangile est une des sources des valeurs de liberté, d’égalité, de fraternité, ferments des droits de l’homme et de la République. Cet héritage fut clairement revendiqué par les philosophes des Lumières qui y puisèrent aussi les raisons de lutter contre le pouvoir abusif et l’intolérance de la religion chrétienne. Il appartient désormais aux responsables laïques et religieux d’œuvrer non pas d’abord à une privatisation illusoire et néfaste des systèmes de croyance, mais avant tout à leur contribution plurielle aux valeurs républicaines que nous défendons. A présent, c’est dans un contexte mondialisé que d’autres voies sont à inventer pour tenter de parvenir à ce difficile vivre-ensemble.

Au concile Vatican II, le catholicisme s’est ouvert avec courage aux libertés. Il revient aujourd’hui aux chrétiens de soutenir chez d’autres croyants leur propre travail d’affranchissement à l’égard de dogmes religieux susceptibles, comme tous les autres, de germes d’intolérance. Cette démarche sera respectueuse des valeurs universelles dont leur spiritualité, comme la nôtre, est empreinte, débarrassée des idéologies meurtrières qui la défigurent.

Jean-Paul Blatz

Dossier :

Les défis de l’après-11janvier

Sommaire du Dossier

Laïcité, véritable liberté d’expression, de croyances et de convictions dans le respect des personnes – Henri Peña-Ruiz

En Europe, on ignore souvent ce qu’est la “laïcité à la française”. On pense aussi que l’école laïque est antireligieuse. Dans un entretien, Henri PeñaRuiz nous rappelle que la laïcité est le principe qui unit tout le peuple à partir de trois principes : la liberté de conscience, l’égalité de droits sans distinction d’opinions spirituelles et une puissance publique agissant pour le bien commun de tous.

L’esprit de laïcité – Réjane Harmand

L’esprit de laïcité existe lorsque les individus et les groupes convictionnels ne cherchent plus à prendre le pas les uns sur les autres. Cette démarche n’est pas naturelle et nécessite une éducation à l’esprit critique et au discernement. Si elle est négligée, le jeune risque d’être livré à l’embrigadement, à la perte du libre arbitre voire au fanatisme.

 

Laïcité et religions – Georges Heichelbech

La laïcité est un cadre institutionnel qui empêche les religions de devenir des groupes de pression. Pour autant, les responsables religieux doivent-ils renoncer à s’exprimer ? Ne faut-il pas plutôt les aider à prendre leurs distances par rapport à un passé pas toujours respectueux des droits humains et à contribuer à la fraternité humaine universelle ?

 

Face à la tragédie de Charlie hebdo – Jean-Marie Muller

Le christianisme et l’islam ont condamné les meurtres du 7 janvier 2015 et affirmé que les religions étaient innocentes de cette tragédie. Pourtant des hommes continuent à tuer en invoquant la religion. Le moment n’est-il pas venu pour les religions de prêcher l’antinomie radicale entre l’amour et la violence, de rompre avec les doctrines de la légitime violence et d’opter résolument pour la non-violence ?

Parlement Européen et laïcité – Didier Vanhoutte

Dans le cadre de la Plateforme du Parlement Européen pour la Laïcité en Politique, des organisations non confessionnelles (dont le Réseau Européen Eglises et Libertés auquel appartient la fédération des Réseaux du Parvis) se réunissent plusieurs fois par an pour réfléchir aux évolutions politiques souhaitables pour ouvrir davantage l’espace européen à la laïcité. Compte rendu de la rencontre de février 2015 traitant du droit au blasphème.

 

Liberté de conscience et foi chrétienne – Jean Riedinger

“Dans le domaine spirituel, la naissance est le résultat d’un choix libre. Nous nous créons nous-mêmes tels que nous voulons être”, écrivait un Père de l’Eglise. Mais aujourd’hui encore le droit canon catholique ne respecte toujours pas la liberté de conscience. N’est-il pas temps de procéder à sa réforme ?

 

Islam, le poids des mots – Laurent Baudoin

L’évocation des religions dans l’actualité donne souvent lieu à des confusions de langage, des amalgames voir des manipulations. L’auteur nous aide à voir clair sur quelques préjugés sur l’islam.

 

Musulmans : mal-aimés de la République ? – Michel Roussel

73% des Français perçoivent l’islam négativement. Les musulmans souffrent de ce jugement. N’est-il pas du devoir particulièrement des chrétiens de chercher à comprendre le vécu des compatriotes musulmans et à tisser des relations fraternelles ?

 

Allahu Akbar – José Arregi

Qui est responsable des tueries parisiennes ? Ceux qui publient des caricatures blessantes ou qui veulent venger le Prophète ? Ceux qui acceptent l’humiliation militaire des musulmans dans le monde, tolèrent la violence contre les Palestiniens ou acceptent Guantanamo ? La justice et la sagesse nous sauveront-elles ? Autant de questions posées par José Arregi.

 

Chrétiens et musulmans face aux caricatures – Jean-Paul Blatz

Pour les chrétiens, l’image n’est pas la réalité, mais l’expression visuelle d’un événement par une personne. Tout ne doit pas être accepté, mais il est nécessaire de développer un esprit critique. Ceci résulte d’une longue évolution qui reconnaît l’individu comme une personne libre, désobéissante, agnostique ou athée. L’islam n’est-il pas appelé à une évolution similaire ?

 

Une politique du chaos – Jean-Bernard Jolly

L’Etat islamique est un nouveau fascisme né de la déshérence du monde arabe et musulman dominé par les Occidentaux attentifs au seul profit qu’ils peuvent en tirer. En “Terre sainte” il n’y a plus d’espoir pour un Etat palestinien libre et indépendant. Quels sont nos moyens pour lutter contre cette politique du chaos ?

Laïcité et éducation dans l’après-Charlie Anthony Favier

On attend beaucoup de l’école de la République. Le développement de l’esprit critique, l’éducation à la citoyenneté, le respect d’autrui, l’enseignement du fait religieux… Donne-t-on à l’école laïque les moyens de sa mission ? Et lorsque des jeunes se font remarquer par leur incivisme ou commettent des délits, on met en accusation les enseignants….

 

Jean-Paul Blatz

[bsk-pdf-manager-pdf id=”61″]