Redonnons la théologie au peuple.

Redonnons la théologie au peuple !

Sortons de la théologie académique, dogmatique, autorisée !
Libérons-nous d’une vérité à croire, fixée et imposée d’en-haut !
Pratiquons librement une théologie d’en-bas… nous ne serons pas mis à l’Index !

Nous sommes des adultes capables de prendre leur vie spirituelle en main !

Aujourd’hui, la théologie est un outil de compréhension accessible à tout un chacun (internet, revues, formations courtes ou cursus universitaire) et précieux pour approfondir certains aspects de notre vie croyante.

  • « Faire de la théologie » pour nous , c’est essayer d’articuler le message biblique et les apports de la Tradition avec la vie d’aujourd’hui, en étant prophétiquement ouvert « aux signes des temps ».

De nombreuses « branches » de la théologie nous intéressent :

• L’exégèse historico-critique permet de remettre les Ecritures dans leur contexte historique et de dégager l’essence du message.

• L’histoire des dogmes révèle les enjeux culturels, philosophiques, politiques qui furent en jeu tout au long de la tradition religieuse chrétienne. On peut retenir les intuitions encore fructueuses des Pères de l’Eglise par exemple.

• L’écclésiologie ou étude de la vie de l’Eglise a progressé depuis Vatican II vers une écclésiologie de communion ; mais elle est bien mise à mal par une Curie romaine qui impose la Restauration ou une Contre-Réforme depuis une bonne trentaine d’années !

Mais encore beaucoup d’autres suscitent et attendent notre créativité :

• La théologie de la libération – née en Amérique Latine dans les années soixante – considère que le message de l’Evangile libère les opprimés. Or, aujourd’hui dans le monde occidental en crise de civilisation, les humains ont bien des libérations encore à effectuer, par rapport aux pressions de l’argent, de la technologie, de la consommation, des coalitions de pouvoirs .. La puissance libératrice de l’Evangile peut encore agir sur ces plans là !

• La théologie féministe interroge les préférences du genre masculin pour la désignation des aspects du divin, pour le gouvernement des Eglises ou encore pour la pensée théologique … là aussi, il y a encore beaucoup à dire et à changer !

• La théologie de l’expérience (ou théologie pratique, ou théologie de la corrélation ) nous concerne tous : reconnaître l’Esprit à l’œuvre dans nos expériences et pratiquer une lecture actualisée de la Bible qui puisse éclairer nos vies.

• La théologie de la Création ou encore nommée par certain/es « recherches en éco-spiritualité » est un chantier ouvert à notre humanité du XXIè siècle.

A Parvis, la théologie est une invitation à vraiment vivre l’Evangile aujourd’hui, et à oser penser, confronter, écrire, agir au nom de notre Espérance de disciples de Jésus de Nazareth !

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Cinq années pour Benoît XVI, une crise de confiance historique
Lettre ouverte aux évêques catholiques du monde
par Hans Küng

Paru dans Le Monde du 17 avril 2010 – traduit de l’allemand par Nicolas Weill

Joseph Ratzinger, désormais Benoît XVI, et moi-même étions entre 1962 et 1965 les plus jeunes théologiens du concile Vatican II. Aujourd’hui, nous sommes les deux plus âgés et les seuls à être encore pleinement en activité. Mon œuvre, je l’ai toujours mise au service de l’Eglise. C’est pourquoi, en ce cinquième anniversaire de l’intronisation du pape, je me tourne vers les évêques, par cette lettre ouverte, préoccupé que je suis par le souci que nous donne notre Eglise en proie à la plus profonde crise de crédibilité qu’elle ait connue depuis la Réforme. Je n’ai en effet pas d’autres moyens de les atteindre.

J’ai beaucoup admiré le pape Benoît pour m’avoir, moi son critique, invité à une conversation amicale de quatre heures lors de son entrée en fonctions. Cette rencontre qui a été saluée dans l’opinion publique, c’est le moins que l’on puisse dire, avait éveillé en moi l’espoir que Joseph Ratzinger, mon ex-collègue de l’Université de Tübingen, finirait par trouver le chemin d’une rénovation de l’Eglise et d’un rapprochement œcuménique, dans l’esprit de Vatican II.
Cet espoir, comme celui de tant de catholiques engagés a, hélas, été déçu, ce que j’ai fait savoir au pape de diverses manières dans la correspondance que nous avons échangée depuis. Il a sans aucun doute rempli quotidiennement et consciencieusement les devoirs de sa charge et nous a également gratifiés de trois précieuses encycliques sur la foi, l’espérance et l’amour. Mais pour ce qui est des grands défis de notre temps, son pontificat se présente de plus en plus comme celui des occasions manquées et non des occasions saisies :
• Manqué le rapprochement avec les Eglises protestantes : il est vrai qu’il ne s’agit pas d’Eglises au sens propre, et du coup, ni la reconnaissance de leurs hiérarchies ni un partage eucharistique ne sont possibles.
• Manqué l’accord durable avec les juifs : le pape a réintroduit une prière préconciliaire pour “que Dieu illumine le cœur des juifs et qu’ils connaissent Jésus-Christ, sauveur de tous les hommes” ; il a réintégré dans l’Eglise des prélats schismatiques notoirement antisémites ; il pousse à la béatification de Pie XII et traite le judaïsme en simple racine du christianisme et non comme une communauté de croyance à part entière, qui suit sa propre voie vers le salut. Les juifs du monde ont, récemment encore, été scandalisés par les propos du prédicateur de la Maison pontificale, qui a comparé la critique envers le pape aux aspects les plus honteux de l’antisémitisme.
• Manqué le dialogue ouvert avec les musulmans : symptomatique a été le discours de Ratisbonne, dans lequel, mal conseillé, le pape a caricaturé l’islam en religion violente et inhumaine et a, par là, suscité une défiance nourrie de leur part.
• Manquée la réconciliation avec les peuples autochtones colonisés d’Amérique latine : le pape prétend avec le plus grand sérieux que ceux-ci auraient ardemment désiré adhérer à la religion de leurs conquérants.
• Manquée l’opportunité de venir en aide aux peuples africains dans leur lutte contre la surpopulation par la contraception et par l’autorisation des préservatifs pour lutter contre le sida.
• Manquée l’occasion de faire la paix avec la science moderne : par la reconnaissance sans équivoque de la théorie de l’évolution et par une tolérance nuancée pour les nouveaux domaines de recherche, par exemple sur les cellules-souches.
• Manquée enfin la chance de faire enfin de l’esprit de Vatican II la boussole de l’Eglise catholique et de faire avancer sa réforme.
Ce dernier point est particulièrement grave. Ce pape-là ne cesse de relativiser la portée des documents du concile et les interprète, dans un sens rétrograde opposé à l’inspiration de ses initiateurs. Il agit même ouvertement contre le concile œcuménique, lequel, selon le droit canon, constitue la plus haute autorité de l’Eglise catholique, ainsi :
• Il a réintégré sans conditions dans l’Eglise des évêques intégristes de la Fraternité Saint Pie X ordonnés illégalement, alors que ceux-ci rejettent le concile sur des points essentiels.
• Il encourage par tous les moyens le retour à la messe tridentine et célèbre à l’occasion lui-même l’eucharistie en latin, le dos tourné à l’assemblée.
• Il ne met pas en œuvre les recommandations officielles de l’Anglican Roman Catholic International Commission, qui dessinent le cadre du rapprochement avec l’Eglise d’Angleterre. En revanche, il cherche à débaucher le clergé anglican, quitte à renoncer à l’obligation du célibat pour attirer celui-ci dans le giron de l’Eglise catholique.
• En nommant à la tête de son administration des adversaires du concile (le secrétaire d’Etat, la Congrégation pour le culte divin) et des évêques réactionnaires dans le monde entier, il a renforcé la tendance anticonciliaire à l’intérieur même de l’Eglise.

Le pape Benoît XVI semble de plus en plus isolé de la grande majorité du peuple chrétien, qui, de son côté, se préoccupe de moins en moins de Rome et, dans le meilleur des cas, s’identifie aux communautés et aux évêques locaux.Je sais que beaucoup d’évêques souffrent de cette situation : le pape est soutenu dans sa politique anticonciliaire par la Curie romaine. Il cherche à étouffer toute critique venue de l’épiscopat et de l’Eglise, il s’efforce de discréditer ses contradicteurs par tous les moyens. Via un nouvel étalage de manifestations médiatiques et baroques, on tente de démontrer qu’il existe encore à Rome une Eglise puissante gouvernée par un ” vicaire du Christ ” absolu qui a en mains tous les pouvoirs législatif, exécutif et judiciaire. La politique de restauration de Benoît XVI n’en est pas moins un échec. Toutes les mises en scène, les voyages et les documents produits par lui et ses prédécesseurs se sont révélés incapables d’orienter, dans le sens que voulait Rome, l’opinion de la plus grande partie des fidèles sur les questions controversées, en particulier sur celle de la morale sexuelle. Et même les rencontres de la jeunesse avec un pape auquel seuls des groupes traditionalistes ou charismatiques rendent visite, n’ont pu ni freiner les défections ni réveiller les vocations.
Mais ce sont bien les évêques, qui sont le plus à plaindre : des dizaines de milliers de prêtres se sont défroqués, depuis le concile, à cause de la règle du célibat. La génération montante dans le clergé séculier (mais aussi régulier) souffre d’une baisse drastique de niveau quantitatif et qualitatif. Le clergé actuel est partagé entre résignation et frustration, et le phénomène atteint désormais les couches les plus militantes. Beaucoup se sentent abandonnés à leur misère et souffrent de l’état de l’Eglise. On sait ce qui attend nombre de diocèses : des églises, séminaires, paroisses de plus en plus clairsemés. Dans plusieurs pays, à cause du manque de prêtres, les communautés sont, souvent contre leur gré, fusionnées en gigantesques “unités d’assistance spirituelle” où les quelques prêtres restant sont surchargés, simple simulacre de réforme…

Et voilà qu’à tous ces facteurs de crise s’ajoute désormais le scandale des abus sexuel dont des prêtres se sont rendus coupables sur des milliers d’enfants et d’adolescents, que ce soit aux Etats-Unis, en Irlande, en Allemagne ou ailleurs – tout cela dans le silence d’une hiérarchie soumise à une crise de confiance sans précédent. Il est impossible de taire le fait que le système de camouflage mondialisé des cas de déviance sexuelle dus à des membres du clergé a été piloté par le préfet de la Congrégation pour la doctrine de la foi, où ceux-ci étaient centralisés dans le plus grand secret, autrement dit par le cardinal Ratzinger (qui l’a dirigée de 1981 à 2005), et déjà sous Jean Paul II. Aussi tard que le 18 mai 2001, Ratzinger adressa solennellement une lettre aux évêques du monde sur les “délits les plus graves” (Epistula de delictis gravioribus). Les cas d’abus sexuel devaient être couverts par le Secretum pontificum, protégé par un arsenal de peines ecclésiastiques prévus en cas d’infraction. Il est donc tout à fait justifié que beaucoup réclament de l’ex-préfet et pape actuel un mea culpa personnalisé. Hélas, l’occasion fournie par la semaine sainte a été manquée. En lieu et place, nous avons eu droit, lors du dimanche de Pâques, à une protestation d’innocence “urbi et orbi” par le doyen des cardinaux.

Les effets de tous les scandales pour la réputation de l’Eglise catholique sont dévastateurs. C’est vrai aussi pour des dignitaires de haut rang. Sur d’innombrables pasteurs des âmes et éducateurs irréprochables qui se dépensent sans compter, pèse désormais un soupçon collectif. C’est aux évêques qu’il revient de poser la question de ce qui doit advenir de leurs diocèses et de notre Eglise et de ce à quoi elle va ressembler dans dix ans, compte tenu de la situation de la crise des vocations et de la pyramide des âge du clergé actuel. Ici, je ne souhaite pas ébaucher devant vous un programme de réforme ; j’ai déjà pratiqué plusieurs fois cet exercice avant et après le concile. Je voudrais seulement avancer six propositions dont je suis convaincu qu’elles recevraient le soutien de millions de catholiques qui n’ont actuellement pas voix au chapitre :
1. En finir avec la loi du silence : en choisissant le silence, les évêques se rendent complices de dérives bien graves et nombreuses. Or là où ceux-ci tiennent les règlements, dispositions et mesures en vigueur pour contre-productives, mieux vaut dire publiquement les choses. Pas d’adresses de dévouement à Rome, mais des exigences de réforme !
2. Prendre les réformes en main : ils sont nombreux dans l’Eglise et dans l’épiscopat à se plaindre de Rome sans rien faire eux-mêmes. Mais quand on en arrive à une situation où le service divin est déserté, le pastorat dépourvu de moyen, quand on s’ouvre de moins en moins à la misère du monde, et que le rapprochement œcuménique est réduit à sa plus simple expression, il est trop facile de mettre tout sur le dos de Rome. Evêque, prêtre ou laïc, que chacun dans sa sphère d’influence, grande ou petite, apporte sa pierre à la revitalisation de l’Eglise. Bien des accomplissements dans les paroisses et dans l’ensemble de l’Eglise sont mis en branle à l’initiative d’individus ou de petits groupes. En tant que tels, les évêques doivent soutenir et encourager de telles initiatives et, particulièrement en ce moment, répondre aux plaintes justifiées des croyants.
3. Aller de l’avant collégialement : le concile, après de vifs débats et en dépit de l’opposition constante de la Curie, a décrété la collégialité du pape et des évêques, décision qui allait dans le sens de l’histoire apostolique, où Pierre ne faisait rien sans consulter le Collège des apôtres. Mais les papes et la Curie ont, dans la période post-conciliaire, fait fi cette décision essentielle du concile. Depuis que Paul VI, deux ans à peine après Vaticant II, et sans consultation de l’épiscopat, a publié une encyclique en faveur de la règle controversée du célibat, l’administration et la politique pontificale se sont remises à fonctionner sur le mode le moins collégial qui soit. Jusqu’à présent, en matière de liturgie, le pape agit en monarque absolu, et les évêques dont il aime à s’entourer sont comme des figurants, sans droit ni voix. Voilà pourquoi ceux-ci ne doivent pas seulement réagir au niveau individuel, mais entreprendre des actions en commun avec les autres prélats, prêtres, et tout le peuple qui constitue l’Eglise, hommes et femmes confondus.
4. La soumission totale n’est due qu’à Dieu seul : lors de leur intronisation, les évêques font vœu d’obéissance absolue au pape. Mais une obéissance totale n’est jamais due à une autorité humaine, mais à Dieu seul. Ces vœux ne doivent donc pas interdire de dire la vérité sur la crise que traverse l’Eglise, les diocèses, les territoires. Les évêques ne feront que suivre l’exemple de l’apôtre Paul qui résista à Pierre “en face, parce qu’il s’était donné tort” (Galates 2, 11) ! Une pression sur la hiérarchie romaine exercée dans un esprit fraternel et chrétien peut s’avérer légitime, dès lors que cette hiérarchie s’écarte de l’esprit évangélique et de sa mission. La liturgie en langue vernaculaire, la modification du droit des mariages interreligieux, l’affirmation de la tolérance, de la démocratie, des droits de l’homme, de l’œcuménisme et tant d’autres choses ne seront acquises qu’au prix d’une pression opiniâtre de la base.
5. Résoudre les problèmes au niveau local : au Vatican, on se bouche souvent les oreilles devant les demandes justifiées de l’épiscopat, de la prêtrise et du laïcat. C’est une raison de plus pour mettre en pratique intelligemment des solutions régionales ou locales aux problèmes qui se posent. Un de ceux-là, particulièrement sensible, est celui du célibat, qui, justement dans le contexte des scandales d’abus sexuels, vient tout naturellement à l’ordre du jour un peu partout. Changer les choses contre la volonté de Rome semble presque impossible. On n’en est pas condamné pour autant à la passivité : un prêtre qui après mûre réflexion pense se marier ne devrait pas ipso facto être déchu de son ministère, surtout si son évêque et sa paroisse sont avec lui. Peut-être quelques conférences épiscopales pourraient-elles prendre les devants au niveau régional. Mais rien ne vaut une solution globale. C’est pourquoi :
6. Il faut exiger un concile : de même qu’il a fallu convoquer un concile pour réformer la liturgie et promouvoir la tolérance, l’œcuménisme et le dialogue interreligieux, de même le caractère désormais urgent du problème de la réforme en requiert un autre.

Le concile de Constance, un siècle avant la Réforme, s’était prononcé pour une convocation quinquennale des conciles, ce que la Curie romaine s’est empressé de mettre sous le boisseau. Nul doute que celle-ci fera aujourd’hui encore tout son possible pour empêcher un nouveau concile qui pourrait avoir pour effet de limiter son pouvoir. C’est donc la responsabilité des évêques d’en imposer la réunion, ou du moins de celle d’une assemblée épiscopale représentative.
Face à la crise que vit l’Eglise, j’adjure les évêques de mettre dans la balance le poids de leur autorité épiscopale réévaluée par le concile. Dans cette situation abyssale, les yeux du monde sont tournés vers eux. Un nombre inimaginable de gens ont perdu confiance en l’Eglise catholique. Seul un abord ouvert et franc des problèmes et des réformes que ceux-ci impliquent est en mesure de la restaurer. Je demande, avec tout le respect qui est dû aux évêques, qu’ils y contribuent, autant que possible en commun mais, si nécessaire, aussi seuls, “avec assurance” (Actes des apôtres 4, 29-31). Ainsi adresseront-il aux fidèles un signe d’espérance et d’encouragement, et à notre Eglise, une perspective de salut.

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“L’Eglise est menacée de devenir une sous-culture”
Entretien avec Albert Rouet paru dans Le Monde du 4 avril 2010

Archevêque de Poitiers, Mgr Albert Rouet est l’une des figures les plus libres de l’épiscopat français. Son ouvrage J’aimerais vous dire (Bayard, 2009) est un best-seller dans sa catégorie. Vendu à plus de 30 000 exemplaires, lauréat du Prix 2010 des lecteurs de La Procure, ce livre d’entretiens porte un regard assez critique sur l’Eglise catholique. A l’occasion de Pâques, Mgr Rouet livre ses réflexions sur l’actualité et son diagnostic sur son institution.

L’Eglise catholique est secouée depuis plusieurs mois par la révélation de scandales de pédophilie dans plusieurs pays européens. Cela vous a-t-il surpris ?
Je voudrais d’abord préciser une chose : pour qu’il y ait pédophilie, il faut deux conditions, une perversion profonde et un pouvoir. Cela signifie que tout système clos, idéalisé, sacralisé est un danger. Dès lors qu’une institution, y compris l’Eglise, s’érige en position de droit privé, s’estime en position de force, les dérives financières et sexuelles deviennent possibles. C’est ce que révèle cette crise, et cela nous oblige à revenir à l’Evangile ; la faiblesse du Christ est constitutive de la manière d’être de l’Eglise.
En France, l’Eglise n’a plus ce type de pouvoir ; cela explique qu’on est face à des fautes individuelles, graves et regrettables, mais que l’on ne connaît pas une systématisation de ces affaires.

Ces révélations surviennent après plusieurs crises, qui ont jalonné le pontificat de Benoît XVI. Qui malmène l’Eglise ?
Depuis quelque temps, l’Eglise est battue d’orages, externes et internes. On a un pape qui est plus théoricien qu’historien. Il est resté le professeur qui pense que quand un problème est bien posé, il est à moitié résolu. Mais dans la vie, ce n’est pas comme cela ; on se heurte à la complexité, à la résistance du réel. On le voit bien dans nos diocèses, on fait ce qu’on peut ! L’Eglise peine à se situer dans le monde tumultueux dans lequel elle se trouve aujourd’hui. C’est le cœur du problème.
Au-delà, deux choses me frappent dans la situation actuelle de l’Eglise. Aujourd’hui, on y constate un certain gel de la parole. Désormais, le moindre questionnement sur l’exégèse ou la morale est jugé blasphématoire. Questionner ne va plus de soi, et c’est dommage. Parallèlement, règne dans l’Eglise un climat de suspicion malsain. L’institution fait face à un centralisme romain, qui s’appuie sur tout un réseau de dénonciations. Certains courants passent leur temps à dénoncer les positions de tel ou tel évêque, à faire des dossiers contre l’un, à garder des fiches contre l’autre. Ces comportements s’intensifient avec Internet.
En outre, je note une évolution de l’Eglise parallèle à celle de notre société. Celle-ci veut plus de sécurité, plus de lois, celle-là plus d’identité, plus de décrets, plus de règlements. On se protège, on s’enferme, c’est le signe même d’un monde clos, c’est catastrophique !
En général, l’Eglise est un bon miroir de la société. Mais aujourd’hui, dans l’Eglise, les pressions identitaires sont particulièrement fortes. Tout un courant, qui ne réfléchit pas trop, a épousé une identité de revendication. Après la publication de caricatures dans la presse sur la pédophilie dans l’Eglise, j’ai eu des réactions dignes des intégristes islamistes sur les caricatures de Mahomet ! A vouloir paraître offensif, on se disqualifie.

Le président de la conférence épiscopale, Mgr André Vingt-Trois l’a redit à Lourdes le 26 mars : l’Eglise de France est marquée par la crise des vocations, la baisse de la transmission, la dilution de la présence chrétienne dans la société. Comment vivez-vous cette situation ?
J’essaie de prendre acte que nous sommes à la fin d’une époque. On est passés d’un christianisme d’habitude à un christianisme de conviction. Le christianisme s’était maintenu sur le fait qu’il s’était réservé le monopole de la gestion du sacré et des célébrations. Face aux nouvelles religions, à la sécularisation, les gens ne font plus appel à ce sacré.
Pour autant, peut-on dire que le papillon est “plus” ou “moins” que la chrysalide ? C’est autre chose. Donc, je ne raisonne pas en termes de dégénérescence ou d’abandon : nous sommes en train de muter. Il nous faut mesurer l’ampleur de cette mutation.
Prenez mon diocèse : il y a soixante-dix ans, il comptait 800 prêtres. Aujourd’hui il en a 200, mais il compte aussi 45 diacres et 10 000 personnes impliquées dans les 320 communautés locales que nous avons créées il y a quinze ans. C’est mieux. Il faut arrêter la pastorale de la SNCF. Il faut fermer des lignes et en ouvrir d’autres. Quand on s’adapte aux gens, à leur manière de vivre, à leurs horaires, la fréquentation augmente, y compris pour le catéchisme ! L’Eglise a cette capacité d’adaptation.

De quelle manière ?
Nous n’avons plus le personnel pour tenir un quadrillage de 36 000 paroisses. Soit l’on considère que c’est une misère dont il faut sortir à tout prix et alors on va resacraliser le prêtre ; soit on invente autre chose. La pauvreté de l’Eglise est une provocation à ouvrir de nouvelles portes. L’Eglise doit-elle s’appuyer sur ses clercs ou sur ses baptisés ? Pour ma part, je pense qu’il faut faire confiance aux laïques et arrêter de fonctionner sur la base d’un quadrillage médiéval. C’est une modification fondamentale. C’est un défi.

Ce défi suppose-t-il d’ouvrir le sacerdoce aux hommes mariés ?
Non et oui ! Non, car imaginez que demain je puisse ordonner dix hommes mariés, j’en connais, ce n’est pas ça qui manque. Je ne pourrais pas les payer. Ils devraient donc travailler et ne seraient disponibles que les week-ends pour les sacrements. On reviendrait alors à une image cultuelle du prêtre. Ce serait une fausse modernité.
Par contre, si on change la manière d’exercer le ministère, si son positionnement dans la communauté est autre, alors oui, on peut envisager l’ordination d’hommes mariés. Le prêtre ne doit plus être le patron de sa paroisse ; il doit soutenir les baptisés pour qu’ils deviennent des adultes dans la foi, les former, les empêcher de se replier sur eux-mêmes.
C’est à lui de leur rappeler que l’on est chrétien pour les autres, pas pour soi ; alors il présidera l’eucharistie comme un geste de fraternité. Si les laïques restent des mineurs, l’Eglise n’est pas crédible. Elle doit parler d’adulte à adulte.

Vous jugez que la parole de l’Eglise n’est plus adaptée au monde. Pourquoi ?
Avec la sécularisation, une “bulle spirituelle” se développe dans laquelle les mots flottent ; à commencer par le mot “spirituel” qui recouvre à peu près n’importe quelle marchandise. Il est donc important de donner aux chrétiens les moyens d’identifier et d’exprimer les éléments de leur foi. Il ne s’agit pas de répéter une doctrine officielle mais de leur permettre de dire librement leur propre adhésion.
C’est souvent notre manière de parler qui ne fonctionne pas. Il faut descendre de la montagne et descendre dans la plaine, humblement. Pour cela il faut un énorme travail de formation. Car la foi était devenue ce dont on ne parlait pas entre chrétiens.

Quelle est votre plus grande inquiétude pour l’Eglise ?
Le danger est réel. L’Eglise est menacée de devenir une sous-culture. Ma génération était attachée à l’inculturation, la plongée dans la société. Aujourd’hui, le risque est que les chrétiens se durcissent entre eux, tout simplement parce qu’ils ont l’impression d’être face à un monde d’incompréhension. Mais ce n’est pas en accusant la société de tous les maux qu’on éclaire les gens. Au contraire, il faut une immense miséricorde pour ce monde où des millions de gens meurent de faim. C’est à nous d’apprivoiser le monde et c’est à nous de nous rendre aimables.
Propos recueillis par Stéphanie Le Bars

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                                                            Révolution évangélique

1. Une subversion radicale

 L’évangile de Jésus de Nazareth a constitué une des plus radicales initiatives de subversion politique et religieuse de l’histoire. Mais n’était-ce pas folie de s’en prendre aux dominants et d’exalter les humbles dans le sillage des prophètes d’Israël, et n’est-ce pas triple folie d’adhérer à de telles vues aujourd’hui ?

 Le service et l’humilité l’emportent sur la puissance et la gloire, a dit Jésus ; tous les hommes sont égaux en dignité devant Dieu et entre eux ; les ouvriers de la onzième heure seront payés comme ceux de la première ; les publicains et les prostituées devanceront les bien-pensants et les bien-priants dans le Royaume des cieux ; les plus petits seront les plus grands dans ce Royaume dont la porte d’entrée est étroite pour les riches, où la pierre rejetée sera utilisée comme pierre d’angle, etc. Le monde à l’envers ! Des principes extravagants : les Béatitudes, l’interdiction de juger autrui et le précepte d’aimer les ennemis, la subordination du shabbat et de la religion à la vie humaine, sans parler de l’absence de toute allusion aux pratiques religieuses dans l’énoncé des critères du Jugement dernier !

2. Alliance d’intérêts et divorce

 Le bon sens a vite repris le dessus et le christianisme, constitué en système politico-religieux, n’a pas été subversif longtemps. Pour se développer, il s’est soumis à la logique commune : il s’est allié aux puissants, a inculqué aux petits la peur de Dieu et du diable, et n’a pas craint de monnayer l’accès au salut éternel dont il s’est attribué le monopole. Le monde et l’Église ont de concert édulcoré l’évangile, l’ont transformé en religion au service de l’ordre établi, aux antipodes de ses valeurs fondatrices. Des constructions idéologiques et des pratiques rituelles ont été interposées d’autorité, sous forme de théologie et de liturgie, entre le croyant et la communion immédiate qu’offrent l’amour et le culte « en esprit et en vérité ».

 Inspirée par des stratégies de pouvoir convergentes, cette option été socialement profitable à l’Église pendant près de deux millénaires. Mais elle semble désormais sans avenir en raison de la sécularisation qui marginalise les institutions religieuses. Plus que jamais coupées des masses pauvres et engluées dans une culture révolue, les Églises se trouvent doublement en porte-à-faux : par rapport à leur mission originelle d’une part, et par rapport à l’environnement contemporain d’autre part. En se cantonnant de plus en plus dans les cérémonies et la représentation, elles se condamnent à végéter, guettées par divers sectarismes.

 3. Le monde dos au mur

 Pour s’interroger sur le devenir des Églises délaissées par les instances dominantes, il ne suffit pas de se préoccuper de la situation des institutions ecclésiales. Il faut prioritairement examiner l’évolution du monde auquel est destiné le message évangélique.

 Portée par la globalisation, une suprématie inédite de l’argent entraîne la marchandisation de l’homme et du monde. Une mutation qui risque d’être mortelle pour l’humanité. La maximisation des profits commandée par l’ultralibéralisme économique détruit les relations entre les hommes et dévaste la nature. En marge de la croissance exponentielle de la richesse des nantis, la détresse des laissés-pour-compte ne cesse de s’aggraver. Leur dignité est foulée aux pieds ainsi que les espoirs qu’ils nourrissent pour leurs enfants, et beaucoup d’entre eux sont livrés à la faim, aux épidémies et aux guerres, acculés à la révolte.

Mais la fatalité n’est qu’un mythe, et David peut vaincre Goliath. Qui se lèvera pour lutter, sur le terrain et pas en mots seulement, contre l’iniquité et la violence inhérentes à cette évolution qui ruine les valeurs constitutives de l’humanité ? Comment, face à l’irresponsable fuite en avant du progrès technique, rendre à l’homme la maîtrise de son destin ? De quel secours seront, dans cette situation dramatique, l’évangile et la religion qui s’en réclame ?

 4. Le parti pris de Dieu

Que Jésus et le christianisme naissant ne se soient pas intéressés au devenir des structures sociales s’explique par le fait qu’ils étaient persuadés de l’imminence de la fin des temps. Mais l’apocalypse attendue ne s’étant pas produite, les chrétiens ont peu à peu réalisé qu’ils avaient vocation à incarner les valeurs évangéliques dans la société en épousant la cause des pauvres et des exclus, en soignant leurs blessures et en cheminant avec eux.

Cette vocation n’appelle pas à transformer, aujourd’hui, les institutions ecclésiales en succursales de l’humanitaire ou du politique. Ce qui est attendu des Églises, c’est qu’elles empruntent autant que possible le regard de Dieu sur l’homme, par delà les stratégies ecclésiastiques habituelles, et qu’elles agissent en conséquence. Ce qui est attendu, c’est un engagement prophétique témoignant concrètement, au nom de la foi, que l’amour est plus fort que la violence et la mort.

Le modèle de référence est sans ambiguïté. Le Dieu crucifié en Jésus s’est à jamais identifié aux victimes de l’iniquité, rejetant le narcissisme, la toute-puissance et la vaine gloire dont les hommes affublent leurs dieux. « Scandale pour les Juifs et folie pour les païens ». Il s’est abaissé pour relever les affligés et les persécutés, pour leur rendre justice et les recueillir dans son amour. Là est la seule gloire qui lui est chère, sans rapport avec les cultes qui lui sont rendus. Dès lors, ne faut-il pas aider les hommes et ce Dieu à se libérer de la rapacité qui méprise et écrase, avant de vouloir répandre la religion en offrant urbi et orbi des directives doctrinales et des prestations rituelles ?

 5. Rendre l’évangile au monde

 L’évangile transmis par l’Église a survécu pendant deux millénaires et survivra encore grâce aux croyants qui le portent dans leur cœur et le mettent en pratique, mais le christianisme ne pourra pas se perpétuer dans ses formes héritées. Saura-t-il renoncer au ritualisme, au dogmatisme et à ses institutions obsolètes pour renaître en partageant à ras de terre la souffrance des hommes et leur intime aspiration à vivre humainement ?

 Une véritable révolution s’avère nécessaire pour passer des discours sur l’amour à une parole d’amour engagée, agissante, capable de transfigurer les êtres et les choses. Amorcée par le multiple mouvement qui émerge çà et là au sein des communautés chrétiennes et sur les parvis, dans d’autres confessions et parmi les déçus de la religion, cette révolution ne pourra pas se réduire à un aggiornamento, encore moins à une simple révision du code des bonnes conduites. Elle devra, aux risques que cela implique, se fier à l’Esprit qui recrée le monde en soufflant où il veut.

Débordant les Églises, cette révolution aura à dégager l’évangile de son lourd et étouffant emballage religieux pour le redistribuer aux quatre vents. Il lui faudra mobiliser tous les hommes de bonne volonté, sans acception de confession et sans idée de récupération, pour imaginer et mettre en chantier un altermondialisme nouveau. Si la foi chrétienne faisait aujourd’hui de la justice sa pierre de touche, peut-être serait-elle de nouveau capable de bouleverser la planète comme la proclamation paulinienne de l’égalité entre les hommes a transformé le monde antique.

 6. Transcender le politique

 Que sera cette « révolution évangélique » qui se cherche ? Elle revêtira une dimension politique et recoupera en partie les autres formes de l’action révolutionnaire qui visent à instaurer une société plus juste et plus fraternelle : adhésion à un idéal humain et social, volonté de rompre les entraves qui assujettissent, solidarité, courage et abnégation. Mais les moyens ordinaires du monde ne suffisent pas pour changer le monde.

L’idéal évangélique de justice et d’amour transcende l’ordre politique et comporte des exigences d’une autre nature. La conversion personnelle aux valeurs de l’évangile constituera en principe un préalable au recours à la force dans le cadre des luttes collectives, l’adversaire ne sera jamais un ennemi à abattre, la bienveillance tempérera l’indispensable fermeté, la pauvreté sera considérée comme une vertu majeure, et le choix des moyens d’action se fera à l’avenant.

 Au reste, l’évangile ne promet pas de « grand soir » comme d’autres révolutions, pas de Royaume céleste transposé sur terre, mais il promet la présence de Dieu parmi les humbles et, pour finir, la victoire sur le cynisme et l’inhumanité qui gouvernent le monde. Plutôt que d’une révolution socio-économique visant d’abord l’accès aux richesses et au pouvoir, il s’agit d’une révolution spirituelle pour faire reconnaître la prééminence de l’homme créé à l’image de Dieu et habité par lui. Une révolution toujours à reprendre, certes, mais qui subvertit sans cesse l’ordre dominant pour permettre à l’homme de devenir plus humain.

Conclusion :« Tout est à repenser » (Paul VI et Edgar Morin)

 Ne s’avère-t-il pas urgent, au regard de ces constats et de ces questions, de repenser la théologie de la libération et sa mise en œuvre, d’en définir les priorités actuelles, d’en explorer les chemins aux plans personnel, social et religieux ?

                                                                                                             Jean-Marie Kohler

                                    __________________________________________________________________________________

    Un ami, de retour du Chiapas ( Mexique ) nous a donné les textes des conférences prononcées lors du Congrès de théologie pastorale  qui s’est tenu du 20 au 23 janvier dernier à San Cristobal de las Casas. Impossible de traduire ces 60 pages pourtant très riches, mais nous vous proposons, une traduction  très exacte ou plus libre des  textes envoyés par Gustavo Gutiérrez, grande figure fondatrice de la Théologie de la Libération.

 DEPUIS LE MONDE DE L’INSIGNIFIANCE SOCIALE : P GUSTAVO GUTIÉRREZ

Chers Amis,
“Je veux en premier lieu remercier pour leur fraternelle invitation, Mgr Anzmendi et les organisateurs de cette rencontre, je les remercie profondément. L’occasion m’était donnée de revenir au Chiapas, ce que je souhaitais vivement, et d’être avec vous tous pour entourer notre cher et apprécié Samuel, nous devons tant à son témoignage.
Malheureusement, des problèmes de santé qui se sont améliorés plus lentement que prévu, m’en empêchent. Il n’est pas facile d’accepter nos limites, mais ce que je regrette le plus, c’est d’avoir raté lune occasion d’apprendre de vos expériences et de vos reflexions.
T
Je garde très présent le souvenir de la réunion que Samuel et le CENAMI ont convoquée à San Cristóbal, en septembre 1979 sur  ‘ ‘Mouvements indigènes et théologie de la libération’ J’ai devant moi le texte de la réflexion qu’il m’a été donné de présenter sur ce thème, avec la participation d’amis de plusieurs pays d’Amérique latine, parmi eux : les frères évêques engagés dans la pastorale indigène : Leonidas Proaño, Tomás Balduino,  Arturo Lona, Sergio Méndez, Jesús Calderón, Juan  Gerardi et tant d’autres.

  Je ne peux pas ne pas évoquer en ce moment les noms de deux grands amis qui viennent de nous quitter : Ronaldo Muñoz, du Chili et Antonio Aparecido da Silva (Toniho), du Bresil, pionnier de la théologie noire sur notre continent. Ils surent tous les deux, allier un intense engagement pastoral et social au milieu des pauvres de leur pays, à’une riche réflexion théologique
P. Gustavo Gutiérrez

Depuis le monde de l’insignifiance sociale

Si quelque chose a caractérisé la réfléxion théologique que nous avons tentée depuis divers lieux d’Amérique Latine et des Caraïbes, ce fut bien  d’avoir été attentifs aux situations historiques de nos peuples et à la situation des pauvres du continent pour les considérer à la lumière de la foi.

 La condition du pauvre, comme tout défi lancé à l’expérience et à la pratique de la vie chrétienne, interroge et pose question en même temps qu’elle fournit des éléments qui par l’intelligence de la foi, permettent de s’engager sur de nouvelles routes.
La théologie doit reconnaitre les signes des temps présents dans les événements historiques, recevoir leurs interpellations, aussi radicales soient elles,
discerner, à la lumière du message de Jésus, le terrain d’interprétation qui se présente, afin d’élaborer une parole sur Dieu qui puisse être dite aux personnes d’une époque et d’ un lieu déterminés.

 Dans notre cas, il s’agit de savoir comment parler du Dieu de la vie dans une réalité marquée par la mort prématurée et injuste, c’est en effet cela la pauvreté. Nous sommes dans une situation contraire à la volonté de vie du Dieu du Royaume. Et nous avons appris, dès les premiers pas de
notre réflexion théologique, à ne pas voir cette situation uniquement à partir de son versant économique et social .C’est une situation inhumaine dans laquelle interviennent des facteurs culturels, raciaux, religieux et de genre.
Elle témoigne d’un intolérable manque de respect pour la dignité humaine de ceux qui souffrent. Une réalité qu’une conscience chrétienne ne peut accepter. C’est ainsi que l’ont compris,en leur temps, des personnes comme Bartolomé de las Casas et l’indien péruvien Guamán Poma dans leur défense des populations autochtones du continent. Cependant, encore de nos jours, beaucoup ont des difficultés à comprendre cette complexité de la pauvreté humaine.

    Penser la foi à partir des pauvres

Aujourd’hui nous sommes habitués à parler de théologies qui viennent de divers lieux de l’humanité, mais si nous prenons un peu de distance, nous devons reconnaitre que c’est un phénomène nouveau. Pendant des siècles, le discours sur la foi s’est fait, excepté pour la théologie orientale traditionnelle, en Europe occidentale et en son prolongement  nord américain. Aujourd’hui, nous nous trouvons face à des réflexions sur la foi qui viennent de différents continents, de minorités ethniques et culturelles dans de nombreux pays, de la condition féminine telle qu’elle se présente dans ces diverses réalités. Pour la première fois depuis longtemps, une réflexion surgit hors des centres classiques de l’élaboration théologique.

Dans certains cercles académiques, ce fait a provoqué et provoque encore une certaine surprise, voire même une indulgente condescendence. Mais en réalité, il n’est rien d’autre que l’expression d’une importante mutation qui a eu lieu à notre époque et dont il est important de prendre conscience : la foi chrétienne a muri et fait des racines chez les peuples non occidentaux pauvres et opprimés depuis des siècles. Au milieu de nombreuses injustices présentes et de grandes difficultés dont beaucoup sont les restes d’un dur passé historique, des peuples affirment de plus en plus leur identité culturelle et politique. D’elle surgissent des chemins de fidélité au message chrétien ainsi qu’une intelligence de la foi riche de conséquences.

       Pendant longtemps et jusqu’à il y a peu, dans plusieurs endroits, pays et secteurs marginalisés, se sont crées des sortes de lieux protégés, de nature culturelle et sociale, des lieux de pastorale et de théologie. Cela afin de reproduire, sous d’autres latitudes, le climat culturel et religieux européen, de manière aussi à développer les habitudes et les attitudes chrétiennes, dans une ambiance qui était familière à la mentalité dominante du monde chrétien. Mais comme c’était prévisible, cela n’a conduit qu’à des situations artificielles qui ne pouvaient naturellement pas durer et qui de plus, manquaient de fécondité.

        La nouvelle présence de ces peuples et de ces communautés, la force de leurs voix, portent la marque de la souffrance et des espoirs des peuples.
les richesses des cultures avec lesquelles ils sont en contact,
la vie et le dialogue avec d’autres religions, …
les chemins sur lesquels ils s’engagent pour annoncer le royaume de Dieu,
leurs efforts pour établir une relation fondée sur la réciprocité entre l’évangile et les cultures.
Tout cela confugure le contexte vital, même s’il ne s’agit que de quelque chose en train de naître.c’est un des événements les plus significatifs et les plus prometteurs pour la foi chrétienne et la réflexion théologique de la seconde moitié du siècle dernier. Un terrain où l’expérience du Chiapas a beaucoup à nous enseigner.

 L’option préférentielle pour le pauvre, précisément parce qu’elle nait de la foi en Christ ( Aparecida n 392) centre du message chrétien, a une triple dimension.
La plus évidente est celle qui suggère un engagement pastoral et social avec les secteurs sociaux exclus. Mais elle ne se limite pas à cela, elle offre aussi une perspective pour lire la parole de Dieu et avoir “un regard de foi” sur la condition des pauvres et des opprimés ainsi que sur les événements historiques et sociaux qui l’ accompagnent.
Dit autrement, une perspective pour élaborer un discours sur la foi vécue au milieu de ces faits, un discours sur la foi qui non seulement parle sur les pauvres mais où les pauvres eux mêmes participent  à cette réflexion.en tant que sujets
La troisième dimension est la substancedes deux précédentes : l’option pour le pauvre est une composante essentielle del’adhésion à Jésus et de la spiritualité.

 Souligner la portée théologique des questions posées par la pauvreté humaine et par l’injustice sociale ne revient absolument pas à mettre de côté leur inévitable et constitutive dimension socio économique. C’est  évident. Mais il nous semble intéressant de souligner ici que l’attention que l’on doit porter à la pauvreté, ne vient pas uniquement d’une inquiétude vis à vis des problèmes sociaux et politiques. C’est justement, parce que la pauvreté est sujet du vivre ensemble qu’elle pose un questionnement radical et global et qu’ elle propose un champ herméneutique conduisant à faire une relecture du message biblique et à trouver le chemin en tant que disciples de Jésus.

 Pour cette raison, une des tâches les plus importantes et les plus fécondes que nous avons devant nous, est l’approfondissement des fondements bibliques de cette perspective théologique, et spécialement ceux qui concernent l’option pour le pauvre. Nous disposons actuellement de nombreuses études qui partent du monde du pauvre et qui concernent différents livres de la Bible. Elles élargissent l’ horizon, et évitent le risque de tourner toujours autour des mêmes textes, aussi substantiels et significatifs soient ils.

 Divers travaux ont permis, à partir du point de vue des pauvres. d’entrer dans des thèmes bibliques peu fréquentés par le passé, Beaucoup d’entre eux viennent de biblistes des pays pauvres, il faut cependant remarquer que dans le monde académique nord atlantique, il y a un intérêt croissant pour la question. Mais il devient de plus en plus urgent de prendre le sujet dans son ensemble et de prendre en compte, de façon plus compréhensive, l’état actuel des études bibliques sur la pauvreté.”

La réflexion théologique libératrice a fait de Dieu et du pauvre un de ses grands thème de méditation; il en est de même dans divers pays d’Afrique, d’Asie et du Pacifique Sud. Des rencontres très enrichissantes ont eu lieu entre personnes attachées à ce type de théologie Cela nous permet de ne pas nous enfermer dans nos perspectives locales, c’est à dire dans la vision du pauvre que nous avons près de nous, aussi humaine et chrétienne soit-elle.

 L’expérience prouve que nous avançons dans ce dialogue, dans la mesure où nous savons nous faire entendre et où nous sommes capables d’écouter. L’attention à des réalités différentes nous permet de mieux comprendre notre situation et de faire un bond en avant dans la recherche d’une parole sur le Dieu de notre foi.

La théologie doit être samaritaine et disposée à sortir des chemins traditionnels pour se rapprocher de l’humanité souffrante.C’est ce que nous avons appelé une rupture épistémologique qui implique une nouvelle spiritualité, une réflexion attentive à l’autre, une vision globale du monde et de la société. Cela suppose un retour aux sources et une prise de conscience de la nécessité de se rapprocher d’elles.
.
Ce point de vue qui fait appel aux sciences humaines, fut très bien reçu dans les pays pauvres et chez les minorités exclues des pays riches. Mais il rencontra résistance et hostilité de la part des puissants…

L’ancien et le nouveau.

Matth 13, 52
Le défi qui vient du visage des pauvres nous conduit à tirer du trésor de la foi l’ancien et le nouveau.
Nous sommes conduits à penser la foi à partir de la situation de marginalité,
non seulement des peuples indigènes de notre continent
mais aussi de la populationd’origine africaine, violemment incorporée à notre histoire;
des femmes, tout spécialement les femmes appartenant aux strates les plus marginales de nos sociétés.
Nous sommes témoins que la voix de ces peuples se fait plus sûre et plus percutante, nous sommes témoins de la richesse culturelle et humaine qu’ils sont susceptibles d’apporter, témoins également des facettes du message chrétien et des infidélités à celui ci.
A tout cela, notre cher don Samuel a toujours été particulèrement attentif.

Vient aussi le dialogue avec les conceptions religieuses des peuples autchtones, minoritaires et dignes de respect, celles qui ont pu survivre à la destruction des siècles passés. Il ne s’agit pas bien sûr,  contrairement à ce que certains pensent, de la défense pure et simple de cultures anciennes, figées, ni de la défense de projets archaïques.
La culture est création permanente, nous le voyons dans nos villes. Elles sont, au niveau le plus populaire, un creuset de races et de cultures
Mais elles sont aussi des lieux de cruauté, de distanciation croissante entre les différents secteurs de la société et souvent de racisme que beaucoup se refusent à reconnaitre.Tout cela est vécu au niveau d’un continent qui connait une urbanisation galopante.
C’est là un point de départ historique pour une réflexion d’ordre théologique dont l’élaboration est particulièrement exigeante.

        Il est normal qu’il y ait des différences de perspectives entre les diverses tendances théologiques. C’est le propre des réflexions qui cherchent à être au plus près de la pratique, toujours plurielle et dynamique. Cela ne doit pas nous faire peur mais doit nous permettre de voir la richesse des points de vue différents.

 Tout pauvre appartient à un genre, à une ethnie, à une culture et à une classe sociale. Nous nous approchons de sa réalité si nous  combinons tous ces éléments, même si le résultat final ne correspond pas exactement à ce que nous attendions.
Le terrain commun de ces analyses est la libération intégrale des
personnes socialement insignifiantes ; la Bonne Nouvelle de Jésus s’adresse préférentiellement à elles. L’interpellation de l’insignifiance sociale nous conduit à considérer la place du pauvre et de l’exclu dans l’annonce du Royaume, coeur de la Bonne Nouvelle.
C’est à cela que correspond l’option préférentielle pour le pauvre, tant en termes pratiques que théologiques.

Un Dieu qui prend partie

Le Dieu de la tradition chrétienne est le Dieu qui fait justice parce qu’il est juste “ justice et droit soutiennent son trône” chante le psaume 89.
Le premier testament l’appelle le Go’el, celui qui libère, qui rachète, le protecteur.
Perspective qui se précise dans le second testament avec le Verbe de Dieu fait l’un d’entre nous.
Comme nous le disent entre autres textes, la parabole du samaritain et la scène du jugement dernier en Matthieu, c’est en pratiquant la justice avec les derniers de l’histoire que nous trouvons Jésus.
La priorité du pauvre exprime une justice animée par la gratuité de l’amour de Dieu. Nous prenons le teme gratuité dans son sens biblique, elle n’a rien à voir avec l’attitude arbitraire et capricieuse, qui méconnait les droits de la personne mais elle se souvient de ce que dit Jean : “Dieu nous aime le premier.”

 La notion de préférence dans l’expression : “option pour le pauvre”nécessite quelques mises au point.
La notion de préférence n’adoucit pas et n’élude pas la ferme demande de solidarité avec le pauvre et de justice sociale. Elle rappelle et promeut les droits des victimes de l’histoire. On ne la comprend qu’en relation avec l’universalité de l’amour de Dieu.
Les sources chrétiennes de cette option remonte à l’horizon de l’amour gratuit de Dieu, à la fois universel et préférentiel. Là se trouve la radicalité, celle dont fut témoin Monseigneur Romero.
Nous ne sommes pas devant une option que l’on peut indifféremment prendre ou laisser. C’est une option non optionnelle.

 Il ne s’agit pas non plus de restreindre l’engagement chrétien pour les pauvres en oubliant l’affirmation de l’amour de Dieu pour toute personne.
Le mot préférence se réfère à quelque chose qui est premier mais pas unique. La priorité ne diminue pas la radicalité et la recherche de la justice dans l’option pour les pauvres, elle n’écarte pas pour autant ceux qui ne le sont pas.

 Il est important de maintenir les deux versants de l’amour de Dieu. Ceux qui, souvent en risquant leur vie, les ont mis en pratique simultanément, nous ont donné des témoignages profondément évangéliques de la relation : universalité-préférence non exente de tensions mais s’avèrant d’une grande fécondité et nous convocant à un ferme engagement avec les derniers de l’histoire. L’authentique universalité, pour être concrète, doit passer par la particularité, par la prise de position pour ceux qui souffrent l’injustice.

L’option préférentielle pour le pauvre est la substance même de la réflexion théologique libératrice et de la vie de l’Eglise d’Amérique Latine et des Caraïbes.
Le destin de cette théologie est lié à ce que nous exprimons aujourd’hui à travers cette option. Je l’ai rappelé avec force à la conférence d’Aparecida (nn 391-398 ) Finalement, nous sommes devant une option théocentrée, centrée en Dieu, selon la phrase de Jésus : “Aimez vous comme moi je vous ai aimés )

Entrer dans le monde du pauvre

La solidarité avec le pauvre signifie entrer dans son monde de pauvre, c’est un passage obligé ; et de là, annoncer le Royaume de Dieu et sa justice à toute personne.
Selon les évangiles, la proclamation de la Bonne Nouvelle commence,  par la Galilée, terre rurale et marginale, dédaignée par la Judée où se trouve Jérusalem, là sont concentrés, au temps de Jésus, les pouvoirs religieux et politiques. C’est de la Galilée dont rien de bon ne peut sortir (cf Jn 7,52 ) que le Seigneur porte témoignage du Royaume de Dieu.

       Le défi pour le pauvre nous place devant le plus grand problème qui se pose à la conscience : celui de la souffrance de l’innocent. C’est une des questions les plus difficiles à laquelle est confrontée la réflexion théologique.
La pauvreté et l’oppression détruisent des vies. Le grand défi est celui des enfants des campagnes et des villes, leur fragilité en fait les premiers touchés par l’abandon, la faim, les maladies, les conflits et les violences, par la relégation permanente et la mort prématurée.
C’est une des réalités les plus dures à laquelle doivent faire face la présence et le travail pastoral. Il en résulte qu’une composante de la solidarité avec le pauvre est la compassion comprise dans son vrai sens, celui de faire nôtre les souffrances de l’autre, d’en être tout retournés, comme le samaritain devant le blessé au bord du chemin.
*
Quand on parle de peuples opprimés, on insiste fréquemment et à juste titre sur leur peine et sur leur condition de victimes.mais il est important aussi de dire que les pauvres savent aussi aimer la vie, qu’ils connaissent des moments de joie, de simple et humble joie.
Ce sont des expériences qui ne sont ni oubli, ni inconscience vis à vis de la dureté de leur vie. Elles nous disent que sans joie, il n’y a pas de vie humaine digne de ce nom, sans projets et sans espérance non plus.
“Les victimes de l’histoire vivent cela et elles le vivent intensément malgré les frustrations et les mauvais traitements et parce qu’elles sont tout simplement des être humains. Les peuples indigènes de nos pays nous le prouvent. La réflexion théologique doit également tenir compte de cette réalité du monde du pauvre”

Les manières de vivre l’option pour le pauvre varient selon les situations et les processus historiques, elles doivent constamment être examinées et rénouvellées, sans perdre de vue la raison ultime de l’option  pour le pauvre, sans la rendre excessivement dépendante de la conjoncture, sans aller jusqu’à penser qu’elle ne correspondrait plus à ce qui se vit aujourd’hui dans l’humanité. Si non, ce serait oublier le caractère biblique et par conséquent basique pour un croyant de ce qui est réellement en jeu.

Il est important, d’autre part de comprendre que le visage souffrant du pauvre nous lance un défi, simplement parce qu’il est pauvre et pas obligatoirement par ses qualités humaines, éthiques et religieuses, bien que beaucoup d’entre eux en soient pourvus et généreusement pourvus.
Le blessé au bord du chemin de la parabole du samaritain est tout simplement quelqu’un dans le besoin, indépendemment de qui il est et de ce qu’il a fait dans sa vie.
De nos jours, il faudrait dire que l’interpellation ne vient pas d’individus isolés  mais de peuples entiers, non pour des raisons fortuites mais disons structuelles, à cause de ceux qui ne reconnaissent pas la dignité humaine des pauvres.
Mais n’idéalisons pas les pauvres, il suffit qu’ils soient des êtres humains, des filles et des fils de Dieu. Il ne s’agit pas non plus d’une position messianique, les pauvres eux mêmes doivent prendre cette option pour leus frères et soeurs de culture, de classe sociale, de genre et de pays.
“ Cela n’est pas un engagement qui serait le fruit d’une génération spontanée, il demande de la part de tous, des pauvres y compris, un discernement, une décision libre, l’ acceptation et le maintien des exigences qui en résultent.

Acteurs de leur destin
L’option pour le pauvre ne fait pas de lui le récepteur passif d’une aide, elle est une solidarité entre et avec ceux qui ont beaucoup à apporter et qui cherchent à prendre leur vie en main. La conviction que les pauvres doivent être acteurs de leur destin est un élément constitutif de la solidarité avec eux. Sans cette reconnaissance et ce respect, il n’y a pas d’engagement vrai avec le pauvre et l’opprimé. Il ne s’agit pas d’être la voix des sans voix comme on le dit souvent -et avec une générosité que nous ne mettons pas en doute- mais que ceux qui n’ont pas de voix en aient une aujourd’hui. “ C’est pourquoi nous devons savoir nous taire afin  d’écouter une parole qui lutte pour être entendue”

       Il ne s’agit pas d’un principe mais d’un vécu, pénible et difficile c’est certain. Les opprimés ont commencé à revendiquer leur droit à la vie et à la dignité. La réaction des puissants du continent a été particulièrement dure par le passé. A présent, l’attaque est plus subtile. On cherche à semer le scepticisme, par exemple au sujet de la capacité des pauvres à obtenir quelque chose, on cherche à les persuader que devant les nouvelles réalités, il est nécessaire de changer radicalement de point de vue. Mais cela n’a pas empêché que la perspective assumée par beaucoup dans le monde des pauvres, mais battues en brèche et mises à mal, continue à faire son chemin.

        C’est un chemin difficile fait d’avancées et de reculs. Dans cette démarche, l’épaisseur des résistances est grande mais grand aussi est  le courage de ceux qui ont pris ce chemin pour défendre leur droit à la justice et au bonheur. Un élément central des circonstances historiques actuelles et qui a commencé à se faire jour parmi les pauvres est la perception qu’il leur revient , comme à tout être humain, de prendre les rênes de leur vie et de leur histoire.

       L’annonce de l’évangile aux pauvres fait d’eux, non seulement les destinataires de la Bonne Nouvelle mais ses porteurs.
“ C’est quelque chose qui dans l’oeuvre pastorale de Samuel et de tant d’autres dans ce diocèse, n’a pas seulement été une vision intellectuelle mais un axe dans la construction d’une église locale, et ce malgré les difficultés qu’il a du surmonter.”

       “Liée à cette question, se trouve l’affirmation du droit du pauvre à penser sa foi et à exprimer son espérance auquel j’ai rapidement fait allusion plus haut. C’est un droit des pauvres que de le faire. Les pistes en cette direction se sont parfois fermées ou rétrécies, mais l’impulsion donnée est une graine pleine de vie dans l’histoire de nos peuples. Je vous prie de me pardonner ma citation de quelques lignes finales d’un vieux livre appelé : “Théologie de la Libération”: “en dernière instance, nous aurons une authentique théologie de la libération que lorsque les opprimés eux mêmes pourront élever librement la voix et s’exprimer directement et créativement dans la société et au sein du peuple de Dieu.”
*
Dans la terrible, belle et poétique description de la dévastation de » son peuple, le prophète Joël montre que malgré la destruction et la mort qu’il décrit pas à pas, subsiste la joie.Ce n’est que lorsqu’elle tarit qu’on peut dire que tout est fini (cf 1, 12 ) Pour que cela n’ait pas lieu, soyons toujours témoins de l’espérance, construisons une théologie fidèle au sens qu’a l’expression : être une herméneutique de l’espérance. Espérer n’est pas attendre, c’est forger les motifs d’espérer, rendre présent sur notre continent la volonté de fraternité et de justice pour tous du Dieu de notre foi que le livre de la Sagesse ( chap 11 ) appelle «  ami de la vie »