La résistance, la Régulation, l’Utopie

La Résistance, la Régulation et l’Utopie…

Les démocraties et les religions ont en commun de pratiquer ces trois cultures du développement humain que sont la résistance, la régulation et l’utopie. Une juste articulation entre ces trois cultures est une condition de l’action authentique en démocratie ; mais ces trois ingrédients fonctionnent également au sein des spiritualités : toutes invitent à résister à une forme particulière de mal, toutes formulent un ensemble de règles pour contenir ce mal, toutes invitent à un chemin de radicalité pour ceux qui veulent et peuvent.

Nos sociétés sont orphelines de ces trois cultures, différentes mais complémentaires, pourtant bien nécessaires pour répondre aux défis de l’heure : résorber simultanément la dette financière, la dette sociale (celle du chômage) et la dette écologique (à l’égard des générations futures) dans une période de croissance économique faible. Il faut donc à la fois résister à la tentation de résorber une des dettes aux dépens des deux autres, organiser de nouvelles régulations qui assurent à la fois la transition écologique, le droit de chacun(e) à un travail et un revenu, et l’assainissement financier, et enfin, relancer le principe espérance autour d’un vivre ensemble vraiment réussi d’Abondance frugale » ou de « sobriété heureuse ».

Les religions et les spiritualités pourraient constituer un front uni pour faciliter ces transitions vers une société où le lien est aussi important que le bien, l’économie sociale et solidaire au centre et non pas à la marge,  le temps aussi enrichissant que l’argent, la qualité indissociable de la quantité, l’élévation préférée à l’excitation, la justice à la richesse et le durable à l’immédiat. Le feront-elles ? Cela dépendra à la fois de leur lucidité et de leur capacité de coopération.

Un pacte civique pour ouvrir la voie

S’agit-il de changer « dans » le système ou « de » changer de système ? L’important est d’ouvrir une voie, pour reprendre le titre de l’ouvrage d’Edgar Morin. C’est dans cette perspective que, en mai 2011 un ensemble d’associations et de personnalités ont lancé la démarche du Pacte civique, appelant à « penser, agir, vivre autrement en démocratie ». Elle entend rassembler les énergies autour de quatre valeurs incontournables : la créativité au service du sens, la sobriété, pour respecter la nature et redistribuer les richesses, la justice pour que chacun puisse donner le meilleur de lui-même, et la fraternité, pour retrouver le sens du sensible.

A cet effet, elle propose 32 engagements de changement destinés à augmenter la qualité démocratique qui se situent simultanément à trois niveaux qui se conditionnent mutuellement : les personnes, les modes de fonctionnement des grandes organisations, les institutions et les politiques publiques. Il s’agit d’un projet qui assume la complexité, plus moral que spirituel, qui essaie d’organiser la coopération entre acteurs de la société civile, acteurs économiques et sociaux, acteurs politiques et médiatiques. Réussira-t-il, en liaison avec d’autres initiatives proches, dans une société française empêtrée dans ses contradictions ? Cela dépendra de sa capacité spirituelle de reliance et de résilience face à la crise.

Jean-Baptiste de Foucauld

Président de Démocratie et Spiritualité.

(La Revue Janvier-février 2014)